Les Fadalais ont massivement répondu à l’appel du Mouvement U Gulmu Fi (le Gulmu est debout) pour une journée ville morte de 7h à 18 heures en signe de protestation contre ce qu’il considère comme un abandon de la région de l’Est par les pouvoirs publics. Les marchés et les commerces sont restés fermés et la Place des Martyrs où se tenait un meeting était bondée de monde.

Après une conférence de presse, une marche pacifique, puis une marche régionale qui avait mobilisé du monde dans les rues en juillet dernier, le Mouvement U Gulmu Fi est monté d’un cran dans son interpellation des pouvoirs publics, accusés de rester sourds à leurs préoccupations. Ce matin, ce mouvement citoyen qui rassemble les Fadalais sans distinction d’ethnies et de religions, avait appelé à une "Journée ville morte" pour rappeler fermement qu’aucune solution viable n’a été apportée aux problèmes auxquels la région de l’Est est confrontée.

Le pari est réussi. Le marché central de Fada Ngourma est resté vide même si le maire, Jean Claude Louari avait autorisé son ouverture, ainsi que les commerces et les gares routières. "C’est un motif de satisfaction car, ceux qui ont voulu saboter notre manifestation ont échoué. Les gens sont massivement sortis, y compris des élèves, sont restés disciplinés et tout s’est bien passé", commente un responsable du Mouvement. Le pari était d’autant plus risqué que comme dans plusieurs villes du pays, le secteur informel occupe la majorité de la population et pour beaucoup, l’activité commerciale au jour le jour permet de faire bouillir la marmite.

Cette énième sortie des Fadalais, va t-elle enfin provoquer un électrochoc au niveau de l’exécutif et l’inciter à prendre à bras le corp les difficultés qu’affronte la population de cette partie du pays ? Il faut l’espérer. Le Mouvement U Gulmu Fi a d’ores et déjà annoncé que d’autres manifestations pourraient être organisées si les choses ne bougeaient pas. "Si rien ne change, la région de l’Est va jouer le dos rond et ce, pour une durée illimitée" a prévenu Bouama Michel OUOBA Secrétaire Général du Mouvement. Le meeting de ce matin a été l’occasion de rappeler les problèmes qui appellent des réponses urgences dans l’Est. A commencer bien entendu par l’insécurité qui a atteint un niveau himalayesque. Des localités comme Nagré, Natiaboani se sont vidées de leurs habitants, contraints de fuir les attaques terroristes pour trouver refuge en lieux moins exposés. A Namissiguian, dans la Tapoa, le CSPS a fermé ses portes il y a quelques jours, même chose à Bogandé-ville, dans la Gnanan où le lycée n’est plus que l’ombre de lui-même. La voie menant à la Kompienga par où passaient encore les usagers via le Togo n’est plus praticable.
Quant au tronçon Gounghin Fada long de 51 km, sa réfection qui avait été annoncée depuis septembre 2020 est toujours attendue. Pis, l’entreprise marocaine adjudicataire du marché traine les pieds et la résiliation du contrat avec l’Etat serait envisagée.

La région se meurt à petit feu. Lors du meeting, l’état désastreux des équipements du CHR de Fada a été rappelé. En visite à Fada en mai dernier, le ministre de la Santé, Charlemagne Ouédraogo avait annoncé l’amélioration des conditions de travail des professionnels de la santé. Six mois après, les Fadalais attendent toujours de voir. Le groupe électrogène, offert depuis également six mois par le Conseil régional de l’Est et qui devait suppléer aux délestages du CHR, n’est toujours pas fonctionnel. Aux dernières nouvelles, il n’a pas été réceptionné, les techniciens ayant des doutes sur sa conformité avec la commande. Quelque temps après la visite du ministre de la Santé, 15 médecins avaient été envoyés au CHR de Fada dont 11 spécialistes et 4 généralistes. L’ennui est que par manque d’équipements de travail à la hauteur de leurs compétences, ils se tournent les pouces. "Certains arrivent le matin et comme ils n’ont même pas de bureau, ils s’occupent jusqu’à midi et rentrent chez eux. A ce rythme, ils risquent de demander à regagner Ouaga et ils auraient raison", a expliqué le délégué syndical du personnel médical.
Quand aux travaux d’extension de hôpital, ils n’ont guère dépassé le stade des fondations. Pis, l’entrepreneur est aux abonnés absent et personne ne semble en mesure de retrouver ses traces.

Confrontée aux attaques terroristes avec des milliers de déplacés internes, la plus grande région du Burkina s’isole progressivement du reste du pays, mais ses habitants font de la résistance et se mobilisent pour offrir un avenir à leurs enfants. "Ce n’est pas parce qu’on s’appelle région de l’Est qu’il faut nous laisser", lance, avec un brin d’humour, une oratrice, ajoutant qu’à cause de l’isolement de Fada, le prix du litre d’huile est passé de 600 à 1200 F.

Dominique Koné
Kaceto.net