Dans une interview publiée dans un journal italien, le président du club de première division "SSC Napoli", Aurelio de Laurentiis s’est livré à un chantage sur les joueurs africains, les sommant de renoncer à participer à la CAN s’ils veulent faire partie de son effectif. Une sortie qui suscite l’indignation générale et qui interpelle l’UEFA quant aux comportements discriminatoires dans la famille du football international.

"Ne me parlez plus des (footballeurs) Africains. Je leur veux du bien, mais soit, ils me signent une renonciation à participer à la Coupe d’Afrique ou sinon (...) je ne les ai jamais à disposition". Propos du président du club italien SSC Napoli, Aurelio de Laurentiis, diffusés le 2 août dernier sur le site du journal économique, Wall Street Italia. Puis d’ajouter : "Nous sommes les idiots qui payons les salaires pour les envoyer, jouer pour d’autres".
Comme plusieurs autres clubs de haut niveau qui animent les championnats nationaux aux quatre points coins du monde, Naples a été privé de ses joueurs d’origine africaine, retenus par la sélection nationale de leur pays pour disputer la dernière édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui s’est déroulée au Cameroun du 9 janvier au 6 février 2022. Edition remportée, on s’en souvient, par les Lions de la Teranga du Sénégal face aux Pharaons d’Egypte lors de la séance des tirs au but (4-2), après un score nul et vierge à l’issue du temps réglementaire.
Les propos du président de Naples, on se doutait bien, ont suscité de vives réactions aussi bien des instances du football africain que de joueurs directement concernés.
Le président de la Confédération africaine de football (CAF), Patrice Motsepe a ainsi exprimé sa consternation suite aux propos « irresponsables et inacceptables » proférés par Aurelio De Laurentiis et a demandé à l’Union européenne de football association, (UEFA), l’équivalent européen de la CAF, d’ouvrir une enquête disciplinaire contre lui. Car, explique le patron l’instance africaine du football, les déclarations du dirigeant italien tombent sous le coup de l’article 14 du Règlement disciplinaire de l’UEFA.
Sous la rubrique « racisme et autres comportements discriminatoires », cet article stipule en effet que « toute personne qui porte atteinte à la dignité d’une personne ou d’un groupe de personnes pour quelque motif que ce soit, notamment sa couleur de peau, sa race, sa religion, son origine ethnique, son sexe ou son orientation sexuelle, sera passible d’une suspension d’au moins dix matches ou pour une durée déterminée, ou de toute autre sanction appropriée ».
Le parton de l’instance africaine de football, le Sud-africain Patrice Motsepe, qui sait de quoi il parle quand il s’agit de racisme, s’est engagé pour sa part « à jouer le rôle que joue le football en Afrique, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Asie et dans le monde entier en rassemblant et en unissant des personnes de cultures, de groupes linguistiques, de races, de groupes ethniques et d’origines religieuses différents ».
« Personne ne peut m’interdire de jouer pour mon équipe nationale. Ce pourrait être la seule raison pour laquelle je pourrais me battre contre quelqu’un », a réagi l’international et capitaine des Lions de la Téranga, Kalidou Koulibaly, qui vient justement de quitter Naples pour le club anglais, Chelsea.
Disons-le net : les états d’âme ouvertement racistes de Aurelio de Laurentiis n’ont rien de surprenant. Depuis plusieurs années, tous ceux qui suivent l’évolution du football international sont habitués aux pleurnicheries sélectives de responsables ou entraineurs de clubs européens lorsque leurs joueurs africains doivent répondre à l’appel de la mère patrie. Ils découvrent subitement le rôle irremplaçable qu’occupent ces derniers dans la performance du club et le manque à gagner que leur absence pour quatre (4) semaines peut occasionner. Du moins, pour ceux qui accèdent à la finale, car à vrai dire, la grande majorité des joueurs retenus pour la CAN ne livrent pas en réalité plus de trois matchs. Un tour puis ils retournent dans leur club d’origine. En plus, la CAN qui se déroule en début d’année correspond à la trêve hivernale en Europe. La fixation sur la présence de joueurs africains à la CAN repose donc plus sur un inconscient collectif sédimenté par l’histoire des rapports déséquilibrés entre l’Afrique et l’Europe que sur le manque de résultats des clubs due à l’absence des footballeurs africains.
Pourquoi diable, faut-il que les Africains renoncent à jouer pour la sélection nationale de leur pays alors que la même règle n’est pas appliquée aux autres ? Viendrait-il à l’idée d’un président de club de faire le même chantage à Lionel Messi, Karim Benzéma ou Christiano Ronaldo, les sommant de choisir entre son club et la sélection nationale de leur pays respectif ? La réponse est évidemment non. Cette hideuse posture du deux poids deux mesures doit être sévèrement réprimandée par les instances du football international, à commencer par l’UEFA à l’encontre de Aurelio de Laurentiis si toutefois il franchissait le pas. Pour servir de leçon et éviter une "jurisprudence" qui pourrait être préjudiciable aux joueurs africains.

Dominique Koné
Kaceto.net