Le rapport souligne que la déforestation s’explique par les faibles rendements du cacao et la pauvreté des agriculteurs. Il révèle aussi que les données officielles sous-estiment la superficie occupée par ces plantations jusqu’à 40% au Ghana, en raison de l’opacité de la chaîne d’approvisionnement.

La culture du cacao est directement liée à la perte de 386 000 hectares de forêts situées dans des aires protégées en Côte d’Ivoire et au Ghana entre 2000 et 2020, selon un rapport publié le 22 mai dans la revue académique Nature Food par une équipe de dix chercheurs, dirigée par des scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich).

Intitulé « Cocoa plantations are associated with deforestation in Côte d’Ivoire and Ghana », le rapport se base sur des techniques de deep learning combinant des données accessibles au grand public sur les plantations de cacao dans les deux pays avec des images satellites.

Les chercheurs ont pu ainsi produire des cartes à haute résolution des plantations de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, dont l’exactitude a été ensuite vérifiée à de nombreux endroits sur le terrain, avant de comparer ces cartes à celles figurant dans la base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA).

Les divers recoupements ont montré un lien direct entre la destruction de plus de 360 000 hectares de forêts dans les zones protégées (réserves naturelles, parcs nationaux et paysages protégés) et la culture du cacao en Côte d’Ivoire entre 2000 et 2020. Les plantations de cacao sont ainsi responsables de 37,4% de la déforestation totale enregistrée dans les 242 aires protégées ivoiriennes durant la période sous revue (962 000 hectares).

Au Ghana, la culture du cacao a empiété sur 26 000 hectares de forêts protégées, ce qui représente 13,5% de la déforestation totale répertoriée dans les 286 aires protégées du pays (193 000 hectares).

Le rapport révèle également que les plantations de cacao occupent désormais jusqu’à plus de 75% de la superficie totale certaines aires protégées. Tel est notamment le cas de la forêt de Niegré en Côte d’Ivoire (81%) ou encore de la Tano-Ehuro Forest Reserve au Ghana (77%).

Point chaud de la biodiversité à l’échelle mondiale

Aussi bien en Côte d’Ivoire et qu’au Ghana, les dégâts écologiques liés à l’empiètement des plantations de cacao sur les zones protégées sont d’autant plus dangereux que les deux pays sont traversés par la forêt guinéenne de l’Ouest africain, qui a été classée par l’ONG Conservation International comme étant un point chaud de la biodiversité à l’échelle mondiale. Cet ensemble biogéographique faisant partie de l’écozone afrotropicale, qui regroupe plusieurs biomes incluant les forêts tropicales sempervirentes, les forêts inondées, les forêts galeries et les savanes boisées, est extrêmement riche en espèces végétales et animales, dont plusieurs sont très menacées.

Alors que la Côte d’Ivoire et le Ghana représentent à eux seuls environ deux tiers de la production mondiale des fèves de cacao, le rapport note que la déforestation massive s’explique notamment par les faibles rendements et le prix bas de cet ingrédient clé du chocolat, qui poussent les agriculteurs à produire davantage. Dans ces deux pays d’Afrique de l’Ouest, presque tous les exploitants gagnent moins de 1 dollar par jour, un niveau bien en dessous du seuil d’extrême pauvreté de 1,90 dollar par jour. Les rendements moyens des cacaoyers sont faibles, en raison notamment de l’épuisement des sols, du vieillissement des arbres et de la faible utilisation d’intrants. Dans ce contexte, la déforestation permet à ces agriculteurs pauvres de bénéficier de nouvelles terres temporairement fertiles et, donc, de revenus plus élevés à court terme que si l’on utilisait les terres déjà cultivées. On estime que la Côte d’Ivoire et le Ghana ont respectivement perdu plus de 90 % et de 65% de leur couvert forestier depuis 1950, en raison de cette pratique largement répandue.

Le rapport indique par ailleurs que les données officielles sous-estiment considérablement la superficie occupée par les plantations de cacao dans les deux pays. Cette sous-estimation, qui va jusqu’à 40% au Ghana, découle en partie de l’opacité de la chaîne d’approvisionnement en cacao, impliquant « un réseau complexe d’intermédiaires » composé de nombreux acteurs publics et privés

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