Dans une interview accordée à la revue du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur, « Lundi CAMES » de cette semaine, notre compatriote François Pazisnewende Kaboré, économiste, professeur- chercheur et directeur de l’Institut universitaire Jésuite au Centre de recherche et d’action pour la paix (CERAP/IDDH) basé en Côte d’Ivoire, développe le concept de « Technological Catch-Up », une démarche consistant « à trouver un moyen pour que le chercheur soit intéressé à ce que son invention se transforme en innovation ».

Alors que le développement est désormais plus tributaire de l’économie de la connaissance et des nouvelles technologies que des matières premières, il considère, comme le CAMES que « c’est l’innovation en matière d’utilisation des ressources humaines compétentes, des technologies et de la connaissance qui est la clé de la croissance économique durable ». A chaque pays ou entité de définir ce qui lui est prioritaire et qui correspond à son besoin de développement. En somme, une approche endogène du développement qui s’écarte du mimétisme qui a caractérisé les politiques publiques africaines depuis des décennies. « Le Technological Catch-Up », explique t-il, « est un concept économique qui désigne dans le domaine de la technologie, le processus que doit emprunter un pays A pour rattraper un pays B, sachant que le pays B est celui dont le niveau de développement définit « la frontière technologique », c’est-à-dire, le niveau technologique le plus avancé. Mais ceci signifie que l’horizon technologique, c’est-à-dire ce vers quoi tendent les efforts technologiques du pays A est « extérieur » au pays A. Or, le niveau (avancé) de technologie du pays B répond aux besoins de la société du pays B. Ce que nous proposons est donc un « Technological Catch-Up » dont l’horizon technologique ne serait pas celui d’un autre pays, aussi avancé soit-il, mais le niveau technologique qui permet au même pays A d’atteindre son idéal de développement ». Autrement dit, un pays qui se situe dans l’Arctique, au pôle nord aura besoin d’une technologie qui prend en compte le grand froid, l’absence de végétation et le besoin de chauffage pour la survie ». A contrario, un pays sahélien, qui peut bien apprendre de la technologie du pays nordiste, n’aura pas besoin de développer exactement le même type de technologie que le nordiste. Sauf à sombrer dans ce que le Professeur appelle la « diversion intellectuelle : l’utilisation de la matière grise à résoudre les problèmes qui ne sont pas les nôtres, ou qui ne nous sont pas pertinents ».
Le concept vise donc à proposer une acception qui définit de façon endogène l’horizon technologique. Il n’est pas question de « rattraper les autres », car nous ne poursuivons pas nécessairement les mêmes choses.
Et pour éviter des choix erronées, voire virtuelles qui ignorent les vécus des peuples, il préconise ce qu’il appelle « le triple helix », l’association Etat-universités-entreprise, « en synergie pour que la recherche et l’innovation répondent aux besoins de la société et participent ainsi au développement ».
Pour les entreprises, investir dans la recherche est une démarche gagnante dès lors que la recherche est initiée en lien avec le secteur privé. « Si à travers la recherche, on trouve le moyen de transformer le beurre de karité, l’atiéké, etc., ce ne sont pas seulement les gouvernements qui gagnent, ce sont les entreprises qui en feront leur business au grand bonheur des populations ».
Il nous faut donc instaurer un dialogue permanent entre les entreprises, l’Etat et le monde universitaire pour développer des programmes qui répondent aux besoins de nos sociétés africaines. Un chercheur dont l’invention se transforme en innovation y trouve son intérêt, de même que l’université qui l’accueille dès lors qu’elle peut s’approprier les brevets d’invention, et les revenus des licences d’exploitation issues de la recherche financée par l’Etat.

JV ;
Kaceto.net

Pour en savoir plus sur les travaux du Professeur Kaboré, voir Revue de Sciences sociales du Programme d’appui stratégique à la Recherche Scientifique ; (RSSPASRES) N°10 ; janvier-mars 2016.