La Cour d’assises d’Abidjan a acquitté mardi l’ex-première dame de Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, de crime contre l’humanité lors de la crise post-électorale, un coup de théâtre alors que le procureur avait requis l’emprisonnement à vie.

"Le jury à la majorité déclare Simone Gbagbo non coupable des crimes qui lui sont reprochés, prononce son acquittement et ordonne qu’elle soit remise immédiatement en liberté si elle n’est retenue pour d’autres causes", a déclaré le juge Kouadjo Boiqui, président de la Cour d’assises.

Simone Gbagbo purge déjà une peine de 20 ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l’Etat" prononcée en 2015.

Les parties ont "60 jours pour introduire un pourvoi contre cette décision", a souligné le juge, à l’issue de six heures de délibéré des six jurés.

Le procureur général du tribunal d’Abidjan avait requis une peine d’emprisonnement à vie à l’encontre de Simone Gbagbo, y voyant un acte pour sceller "la réconciliation nationale" après une meurtrière crise post-électorale.

"Messieurs les jurés, il vous est demandé par l’acte que vous allez poser d’aider la Côte d’Ivoire à tourner une page de son histoire, de sa propre histoire et de lui donner les moyens d’aller à la réconciliation nécessaire", avait déclaré le procureur Aly Yéo, dès l’ouverture de son réquisitoire qui a duré une heure.

Pour lui, "la réconciliation passe avant tout par la justice. Car sans justice, la réconciliation n’est qu’illusion".

"Soyez au rendez-vous de l’histoire", avait martelé le procureur, appelant les jurés à déclarer "Mme Gbagbo coupable de crime contre l’humanité et de crime de guerre" et à la "condamner à l’emprisonnement à vie".

Mme Gbagbo, dont la dernière apparition au tribunal remonte à fin novembre, était une nouvelle fois absente mardi pour dénoncer un procès qu’elle juge inéquitable.

 ’Le véritable chef de la Côte d’Ivoire’ -

Selon le procureur, "elle a commencé à s’imposer depuis l’accession de son époux (Laurent Gbagbo au pouvoir en 2000) "comme le véritable chef de la Côte d’Ivoire, de l’armée, de la police et de la gendarmerie".

L’ex-première dame de Côte d’Ivoire a été le chef d’une cellule de crise, "véritable organe décisionnel sur le plan sécuritaire", souligne le parquet général, sur la base des documents saisis chez le couple présidentiel, lors de
leur arrestation le 11 septembre 2011.

Le procureur a requis en l’absence des avocats commis d’office de Mme Gbagbo qui réclament une "reprise totale du procès" en raison d’"irrégularités".

Les trois avocats commis d’office avaient longuement exposé vendredi dernier leurs griefs, dénonçant notamment l’absence de 10.000 documents dans le dossier d’accusation et le remplacement d’un juge.

Me Patrick Georges Vieira a dénoncé une "situation ubuesque, qui est une atteinte aux droits de la défense. Le caractère équitable (du procès) est indiscutablement remis en cause".

Les avocats qui avaient été commis d’office pour remplacer les précédents défenseurs, qui avaient déjà quitté le procès pour protester contre le refus de la cour d’entendre certains témoins, réclament la reprise du procès à zéro.

Le premier défenseur de Mme Gbagbo, Ange Rodrigue Dadjé, a souligné lundi dans un communiqué que "les actes, déclarations et décisions de la Cour d’assises et du ministère public contrevenaient gravement aux engagements pris par l’Etat de Côte d’Ivoire de garantir à Mme Simone Gbagbo un procès juste et équitable".

Mme Gbagbo est jugée depuis le 31 mai 2016 pour son implication présumée dans des tirs d’obus sur le marché d’Abobo, un quartier d’Abidjan favorable à Alassane Ouattara - rival de son mari Laurent Gbagbo à la présidentielle de novembre 2010 - et pour sa participation à une cellule qui organisait des attaques menées par des milices et des militaires proches du régime.

Ces crimes ont été commis lors de la crise qui a fait plus de 3.000 morts en cinq mois dans le pays, après le refus de M. Gbagbo de reconnaître la victoire électorale de M. Ouattara.

Laurent Gbagbo, lex-président ivoirien est jugé de son côté par le Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour des crimes contre l’humanité commis pendant la crise de 2010-2011.

AFP