Après le rendez-vous manqué de 2014 pour cause d’insurrection populaire, la 14ème édition du SIAO s’est tenue du 28 octobre au 6 novembre 2016 dans un contexte sécuritaire pour le moins particulier. Cinq mois après la clôture de cette grande fête de l’artisanat africain, le Directeur général du SIAO, Dramane Sanou dévoile les grandes lignes du bilan de l’édition 2016, qui était celle de la relance.

Etes-vous satisfait du bilan de la 14 ème édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) qui s’est déroulée du 28 octobre et 6 novembre 2016 ?

Nous n’avons pas encore communiqué sur le bilan général, mais juste transmis les chiffres à chaud à nos supérieurs, et nous sommes à présent en train de les consolider, notamment les chiffres sur les entrées, les recettes et les dépenses. Nous avons reçu les différents rapports des commissions, et il faut procéder à des recoupements car certains chiffres ne concordent pas parfois. La commission sécurité n’a pas encore remis son rapport, mais dans le passé, elle s’était toujours acquittée en mars avril ; donc, nous sommes dans le délai. Toutefois, notre souhait est de réduire les délais et donner les informations au public pendant que la manifestation est encore dans les esprits.
Dans les années à venir, les gens devraient remettre rapidement leur rapport ce qui nous permettra ainsi de payer les reliquats que les partenaires nous doivent ou à qui nous devons. Les rapports financiers sont les plus difficiles à déposer car les gens prennent nos numéros de compte et deux ou trois après, nous n’avons rien reçu. Or, les conventions que nous signons avec certains partenaires les obligent à verser l’argent avant même l’ouverture du SIAO. Mais nous sommes à chaque fois obligés de les relancer à plusieurs reprises pour qu’ils s’exécutent, ce qui ne facilite pas le travail de l’agent comptable. Le processus de rédaction du bilan est donc long parce qu’il faut faire un rapport en conseil des ministres qui fait ensuite une synthèse de ces bilans et si c’est validé, ça devient le bilan définitif.

Quel est donc le bilan provisoire que vous avez établi ?

Au plan sécurité, nous avons déboursé 33 millions F CFA contre 13 millions en 2012 ! Vous voyez donc que cette ligne budgétaire a explosé et cela a un impact sur l’équilibre général du budget. Comme je l’ai dit plus haut, nous attendons que la commission Sécurité, qui était composée de 700 membres, dépose son rapport pour savoir exactement ce qu’elle a pu mener comme activités sur le site pendant le SIAO.
Quant à la commission Santé, elle a rendu son rapport dans les délais, soit 72 heures après la clôture du SIAO. Il y a avait 12 membres dans le Commissariat général du SIAO auxquels sont venus s’ajouter des agents du centre régional de santé et le programme national du volontariat. Dans son rapport, cette commission rapporte avoir prodigué des soins généraux à des gens, vérifié l’assainissement de la cour, la qualité et l’hygiène des denrées alimentaires, sensibilisé sur le VIH-Sida. 547 patients dont 78 souffrant de paludisme ont été pris en charge, 73 kg d’aliments avariés saisis dans la zone de restauration et incinérés au Cema du secteur 30 de Ouagadougou. Les membres de la commission ont aussi fait des prélèvements sur des aliments qu’ils ont analysés ensuite ; ils ont bénéficié d’une ambulance médicalisée du centre hospitalier universitaire Blaise Compaoré qui était en partenariat et qui a offert des produits de premiers soins. Ils suggèrent que leur nombre soit revu à la hausse et demandent à siéger dans la commission de sélection des candidats à la restauration, et que celui qui est pris en train de vendre des aliments avariés soit définitivement privé de SIAO. Ce n’est pas tout. D’après eux, l’enlèvement des ordures qui était confié à une société privée, n’était pas bien fait et il manquait cruellement de bacs.
Je déplore bien entendu que le travail ait été bâclé ; nous allons prendre nos responsabilités parce qu’il est inadmissible que ceux qui ont eu le marché ne l’aient pas exécuté comme il faut.

Parmi les innovations de la dernière édition, des portiques avaient été installés à l’entrée. Mais il fallait être patient dans une longue file avant d’accéder au site. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Ces longues files que nous avons déplorées sont dues à trois raisons : d’abord, nous avons mis en place un nouveau système d’accréditation pour lutter contre les fraudes. Entre le réseau Wireless qui devait accélérer le système de contrôle et la distance de certains appareils par rapport au lieu de contrôle, le flux n’était pas grand et ça ralentit la transmission des données.
Ensuite, des gens ont voulu saboter le système, et la police a même vu un individu en train de débrancher un appareil de relais, mais elle a pensé qu’il était de l’organisation. Il fallait tout relancer à partir du serveur. Nous nous sommes plains auprès de la police qui n’a pas été vigilante. D’autres individus ont aussi carrément sectionné le câble qu’on avait enterré jusqu’aux portiques d’entrée et cela a ralenti le flux. Heureusement, c’était le soir et on a profité de la nuit pour faire la reconnexion.
A ces trois principales causes s’ajoute la mauvaise coordination entre l’agence comptable et ceux qui vendent les tickets. Parfois, les tickets d’entrée étaient épuisés et curieusement, on mettait du temps pour en remettre dans le circuit et cela pouvait durer des heures. Il s’est aussi trouvé des agents qui ouvraient les guichets à 11 h au lieu de 9 h, sous prétexte qu’ils n’ont pas fini de compter les tickets à remettre aux guichetiers.
Tout cela participe d’un plan concocté par certains visant à nous convaincre de revenir à l’ancien système où la fraude était facile, mais système ils se trompent. On ne reviendra pas en arrière parce qu’à la vérité, le système actuel permet de réduire les fraudes, facilite le travail de la sécurité puisqu’on sait si vous êtes dans le parc ou pas, et il permet de savoir combien de personnes sont entrées avec le ticket valable.
Enfin, le protocole de contrôle était long puisqu’il y avait un premier contrôle de police à une certaine distance, puis des fouilles avant les portiques et enfin les portiques. Malgré la communication que nous avons déployée, il y avait des gens qui venaient avec des sacs trop pleins, surtout les femmes, avec des outils que le système détecte par un Bip. Il faut à nouveau contrôler, mais valait mieux procéder ainsi avant que la personne n’accède au site.

Quels sont les chiffres clés du SIAO 2016, qui était l’édition de la relance après le rendez-vous manqué de 2014 ?

Ce qu’il faut retenir, c’est que le SIAO bénéficie d’une subvention de 350 millions de l’Etat, une somme très insuffisante parce que les charges ont augmenté comme par exemple la sécurité, alors que la dotation est restée la même depuis des années ! Nous avons enregistré :
• 3800 artisans participants venant de 27 pays contre 3384 venant de 32 pays en 2012.
• 744 journalistes représentant 100 médias internationaux et nationaux venant de 11 pays contre 500 journalistes venant de 104 organes de presse de 9 pays en 2012
• 470 acheteurs et visiteurs professionnels venant de 5 continents contre 306 acheteurs et visiteurs en 2012.
• Au total, c’est 353761 visiteurs grand public venus de 32 pays contre 307440 visiteurs en 2012.
• 44 820 000 FCFA pour 47 prix attribués aux lauréats par 22 donateurs en 2016 contre 29 400 000 FCFA pour 13 prix donnés par 14 donateurs.
En termes de retombées financières, les recettes globales s’élèvent à 737 911 650 F CFA contre 626 247 889 F CFA en 2012. Nous avons donc assuré la couverture totale des dépenses d’un montant de 566 777 702 en 2016 contre 625 519 067 en 2012. En conséquence, le résultat global de l’exécution budgétaire est de 171 133 948 F CFA contre 728822 en 2012.
Ce qu’i faut noter, c’est que toutes les entrées n’étaient pas payantes, comme par exemple les journalistes, les membres du comité d’organisation et les invités spéciaux. Nous avons vendu 201761 tickets, y compris les badges permanents. Au début, les ventes à l’unité étaient en-deçà de nos prévisions en raison du contexte sécuritaire Les premiers jours, certains ont préféré venir seul et c’est après qu’ils sont revenus en famille quand ils ont vu le dispositif de sécurité mis en place. Globalement, nous avons fait plus de recettes que les autres éditions alors qu’on était mal partis du fait que les recettes liées à la location des stands ; presque 80% étaient déjà recouvrés en 2014. Pour lutter contre les fraudes dont se rendent aussi coupables des agents du SIAO, une commission de vérification de a location des stands a été mise en place, et des fautifs ont été arrêtés et détenus par la police de Wemtenga.

A cette édition encore, on a remarqué la présence de marchandises qui n’étaient pas des produits artisanaux…

C’est hélas vrai et c’est une plaie que nous avons essayé de traiter, sans véritablement y parvenir totalement. Les gens trichent lors des inscriptions. Certains cochent par exemple la case maroquinerie ou bijouterie, et au final, avec des complicités internes, ils vendent des produits industriels chinois ! Quand la police les arrête et confisquent leurs marchandises, ils disent que c’est pour avoir à manger et reviennent le lendemain puisqu’ils ont des badges accès permanent !

Comment se fait-il que des stands soient restés vides et inoccupés jusqu’à la fin du SIAO ?

L’explication est simple. Des artisans avaient payé la réservation de leurs stands en 2014 et au final ils ne sont pas venus. D’autres sont venus juste pour trois ou quatre jours et sont repartis après avoir tout vendu. Nous avons octroyé des stands à des artisans d’Afrique du Sud, du Kenya, du Ghana et du Japon qui ne sont pas venus et c’est seulement la veille de l’ouverture que nous été informés de leur absence.

L’agrandissement du parc est-il toujours d’actualité afin d’augmenter sa capacité d’accueil ?

Oui, c’est à l’ordre du jour mais à long terme parce que le Siao a laissé passer sa chance au moment du partage des espaces de la ZAD. S’il y a extension de cet espace de 7ha, ce sera donc en hauteur comme on en voit à Francfort où il y a des espaces à 8 niveaux. Dans le projet Grand Ouaga, on pourrait aussi nous accorder plus d’espace, même si la distance pourrait avoir un impact sur le taux de fréquentation. Nous pourrions toutefois en faire un lieu réservé aux acheteurs professionnels, avec de de nombreux services à l’intérieur. Ce parc pourrait aussi servir à la promotion de produits artisanaux avec l’organisation de salons thématiques tous les six mois !

Que faites-vous entre deux éditions du SIAO ?

Merci de me poser cette question parce que les gens pensent qu’à la fin d’une édition du SIAO, on ne fait plus rien. Nous travaillons en permanence. Nous contribuons aux activités du ministère du Commerce, de l’industrie et de l’artisanat ; préparons des documents à l’attention de potentiels partenaires que nous prospectons, et assurons la promotion de l’artisanat hors du Burkina. Nous envisageons l’organisation d’un mini SIAO intermédiaire entre deux éditions qui sera réservé aux artisans nationaux parce que nous avons constaté que les artisans des pays étrangers font de meilleures affaires que les nôtres. La première édition aura lieu en novembre prochain à Bobo-Dioulasso et sera par la suite tournante dans chaque région. Ce sera l’occasion de détecter de nouveaux talents qui ne viennent pas à Ouaga par manque de moyens, et cela va occasionner moins de frais aux artisans.

Comment se passe la location des deux pavillons à l’université Ouaga2 ?

Ce sont les autorités politiques qui ont décidé de louer les deux pavillons à l’université Ouaga2, et c’est à finalité sociale puisque la location mensuelle est de 150 000F CFA, c’est-à-dire, le prix de location d’une journée pour une manifestation comme les mariages ! Franchement, la location nous occasionne des charges en termes de consommation d’électricité et d’eau. La facture de courant s’élève en moyenne à 9 millions/mois, parce que la lumière est en permanence allumée. En plus, les étudiants dégradent les murs et certains endroits avec des inscriptions partout et au moment du SIAO, nous sommes obligés de tout rafraîchir et ça nous coûte cher. Nous avons dû bloquer les robinets avec des cadenas pour réduire la consommation d’eau parce que certains étudiants font leurs lessives autour des points d’eau.

Interview réalisée par Joachim Vokouma
Kaceto.net