A 51 ans, le premier ministre Matata Ponyo Mapon fait le bilan de son action depuis quatre ans à la primature. Edifiant.

En avril dernier, Matata Ponyo Mapon a bouclé ses quatre ans au poste de premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC). Un record de longévité à ce niveau de responsabilité qui lui a permis d’engager de profondes réformes économiques dont le pays avait urgemment besoin dans le Congo post-Mobutu.
Lutte contre la pauvreté par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, rationalisation de la dépense publique, rénovation des infrastructures de transports, réorganisations des régies financières, gestion de la dette, mesures fiscales de soutien aux entreprises et l’activité économique, etc., en quatre ans, le premier ministre s’est attelé à rétablir l’économie congolaise sur les rails. « Aujourd’hui, notre défi est de travailler en sorte que nos ressources naturelles cessent d’être une malédiction et qu’elles deviennent plutôt une opportunité pour une meilleure insertion de notre pays dans l’économie mondiale et des chaînes de valeurs internationales », écrit-il dans un livre d’entretien qu’il vient de publier, « Pour un Congo émergent »*.
A la grande différence d’autres pays, la RDC est dotée d’énormes richesses naturelles : Il possède le premier massif forestier en Afrique, détient 50% du potentiel mondial hydroélectrique, occupe le 4è rang en réserves mondiales de cuivre et 1er pour le cobalt. Un scandale géologique comme on qualifie souvent ce pays.
Mais très paradoxalement, les indices sociaux du pays demeurent désespérément bas. Comme ailleurs sur le continent, la croissance économique moyenne de 7,8% enregistrée depuis six ans n’a pas été aussi inclusive. Certes, le premier ministre note dans son livre que « l’indice de pauvreté a baissé d’un quart, passant de plus de 80% de la population en 1990 à 63,4% aujourd’hui », mais 47,5 sur 75 millions de Congolais vivent encore en dessous du seuil de pauvreté.
A la lecture du livre, on découvre, stupéfait l’état calamiteux dans lequel la guerre civile et les incessants troubles qui ont éclaté depuis 1996 ont plongé le pays.
Entre 1988 et 2001, la croissance a ainsi été négative, -48,7% en moyenne, une inflation qui a atteint un niveau affolant, 1300%, avec un pic à 9800% en 1994, et une dépréciation du Franc Congolais (FC) par rapport au dollar de 96% au début des années 2000 !
Grâce à une thérapie de choc, l’inflation a été ramenée à 13,7% entre 2002 et 2014, puis maitrisé à 0,82% en 2015. Le gouvernement est aussi parvenu à stabiliser la dégringolade du FC qui s’est progressivement apprécié puisqu’il s’échangeait à 918, 38 dollars en 2011 contre 921,79 dollars deux ans plus tôt. Afin de rassurer les investisseurs, la RDC adhéré en 2012 à l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (OHADA). Un guichet unique pour la création d’entreprise a été mis en place, ce qui a considérablement réduit le délai de création d’une entreprise. De 155 jours et d’un coût de 3500 dollars, le délai est désormais ramené à une dizaine de jours et le paiement 120 dollars pour les sociétés, et 40 dollars pour les établissements individuels.
Pour faire face aux besoins de financement et d’investissement, l’exécutif a réorganisé les trois régies financières, la direction générale des douanes, la direction générale des Impôts et la direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations. Résultats, 2253 milliards de FC, soit 19,9% du PIB) de recettes intérieures ont été recouvrés contre seulement 15 milliards, soit 5,1% du PIB en 2000. Dans le même temps, une vingtaine de cadres de la haute administration ont été suspendus ou révoqués pour corruption. La combinaison de toutes ces mesures a permis à l’Etat de réaliser un budget de plus de 8 milliards dollars en 2015 contre seulement 300 millions de dollars en 2001.
« L’ambition de faire de la RDC un pays émergent à l’horizon 2030 exige, de la part du gouvernement, la mise en place d’orientations stratégiques axées sur la gestion durable, mais aussi rentable de toutes les richesses », écrit le premier ministre congolais. Question. Ce grand pays, vaste de 2,345 millions de km2, l’équivalent de quatre fois la France, emprunte t-il la voie de l’émergence ? Les prochains mois s’annoncent pour le moins agités avec la volonté clairement affichée du président Joseph Kabila de rester au pouvoir à la fin de son mandat en décembre prochain. Le pays risque à nouveau de basculer dans une violence durable qui remettrait en cause les acquis économiques et sociaux enregistrés ces dernières années.

Joachim Vokouma
Kaceto.net
*Matata Ponyo Mapon ; Pour un Congo émergent. Entretiens avec Kibambi Shintwa ; édition Privé ; Paris 2016 ; 14,95 euros.