Le premier ministre du Burkina Faso, Monsieur Paul Kaba THIEBA, a livré le 14 avril 2017, un discours sur la situation de la Nation devant les députés de la 7ème législature du Burkina Faso. Ce discours du Chef du gouvernement burkinabè s’inscrit dans le cadre du contrôle de l’action gouvernementale, conformément à l’article 109 de la Constitution burkinabè qui stipule que « le Premier ministre expose directement aux députés la situation de la Nation lors de l’ouverture de la première session de l’Assemblée nationale (…) ».

Dans cet article, je voudrais mettre en évidence quelques points de forme et de contenu de ce discours-là et du précédent discours présenté par le même auteur à l’occasion de la 6ème législature du 6 mai 2016.
Au plan formel…
D’abord, sur la base de l’analyse de certains indices langagiers pertinents, il ressort que les deux discours, celui de 2016 comme celui de 2017, fonctionnent sur le mode narratif. Le premier ministre THIEBA s’évertue à raconter à l’Assemblée Nationale un récit dynamique (usage significatif de verbes d’action), celui de son action gouvernementale et des événements qui l’ont jalonné : il exprime des faits et des actions qui se veulent objectifs (usage significatif d’adjectifs objectifs et numériques) et inscrits dans le temps et dans l’espace (usage significatif de marqueurs spatio-temporels).
L’engagement illocutoire en « JE, ME, MOI » (pronom personnel première personne du singulier) qui passe de 14% en 2016 à 17% en 2017, associé à un usage significatif de modalisations d’intensité (« tout », « tous », « plus », « de mieux en mieux », « de plus en plus », « encore plus », etc.) qui passe de 30% en 2016 à 38,5% en 2017 et un usage significatif de connecteurs de but (« afin de », « à des fins », « dans le but de », « dans l’optique de », etc.) qui passe de 1,6% en 2016 à 2,5% en 2017 (ça paraît peu, mais pour des connecteurs de but c’est beaucoup en réalité), tout cela indique une détermination affichée du premier ministre à atteindre les objectifs de son action.
Un dernier point formel que je relève, c’est concernant l’usage du « NOUS », pronom personnel, première personne du pluriel, qui passe de 5,1% dans le discours de 2016 à 13,3% dans celui de 2017. Ce « NOUS », qui n’est pas un « nous » de majesté, mais un « NOUS » de totalisation politique, d’identification. C’est important de le souligner. Regardons comment il se réparti dans le déroulé du discours du 14 avril 2017. En voici le graphique de répartition du début à la fin du discours :

Ce graphique de répartition du « NOUS » a été construit en divisant le discours du premier ministre en dix (10) secteurs contenant un nombre égal de mots et en calculant la fréquence d’apparition du « NOUS » à l’intérieur de chaque secteur de mots.
Il apparaît nettement que c’est plutôt en début de discours que P.K. THIEBA martèle ce « NOUS » de totalisation politique, comme un axiome. Et ce n’est pas anodin de constater que la première fois où ce « NOUS » apparaît, c’est précisément pour évoquer les… attaques terroristes que le pays subit depuis janvier 2016, au lendemain de la formation du gouvernement THIEBA. « Ces attaques [qui, dixit Paul Kaba THIEBA, 2017] constituent une agression contre NOTRE peuple, contre NOS valeurs de tolérance, de respect du caractère sacré de la vie, de cohésion sociale, de dialogue des cultures et des religions… Je puis vous assurer qu’au-delà de l’émotion et de la douleur, cette guerre qui NOUS est imposée a ravivé en NOUS, le patriotisme, le sens du sacrifice et NOTRE détermination à ne rien céder aux terroristes. NOUS n’avons pas peur de NOS ennemis et NOUS sommes déterminés à NOUS battre pour préserver ce qui NOUS est cher, la liberté, la démocratie et NOTRE souveraineté. »
Au plan du contenu référentiel…
Une communication, c’est une forme et un contenu en interaction pour faire sens. J’ai dit quelques mots sur la forme des discours sur la situation de la Nation 2016 et 2017 du premier ministre Paul Kaba THIEBA. Mais qu’en est-il de leurs contenus référentiels ? plus simplement, de quoi parlent-ils ? Le graphique en radar ci-après montre la répartition des vingt (20) références thématiques les plus saillantes qui structurent les deux discours et qui en constituent en quelque sorte leur ossature.

D’abord, je constate que STRUCTURELLEMENT, au plan référentiel, il n’y a pas de différence significative entre Paul Kaba THIEBA version 2016 et Paul Kaba THIEBA version 2017. Il y a comme une sorte d’engagement de consistance et de consistance de l’engagement.
A regarder de près ces vingt (20) noyaux de références, je crois pouvoir identifier deux groupes de références sémantiques :
Un premier groupe de références qui « fixe » le cadre et les conditions de l’action. Il se compose des références telles : « finance » (« l’argent, nerf de la guerre »), « réformer, transformer, améliorer, renforcer », « gouvernance, services publics », « droit, loi, justice », « organisations, institutions, « structures » (on a plus besoin d’institutions fortes que d’hommes forts, n’est-ce pas ?) et « projet, programme, plan » (à titre illustratif, on ne peut s’empêcher de penser au Plan National de Développement Economique et Social – PNDES en cours…).
Un deuxième groupe de références qui « dit » ce sur quoi précisément porte l’action. Il se compose des références telles, par ordre décroissant : « autour de la santé », « construction, travaux », « éducation, formation », « autour de la sécurité », « industries, énergie, mines », « agriculture (et pêche), élevage, ruralité », « infrastructure, équipement, matériaux », « jeunes, femmes, enfants », « production (et produits), producteurs » et « entreprises ».
Je n’irai pas plus loin, vous laissant le soin de poursuivre le travail d’interprétation de ces résultats.
Bon vent à Monsieur THIEBA et bonne chance au Faso !

Ousmane SAWADOGO, Expert en Text Mining et Web Content Mining – kaceto.net