L’ex-président tchadien Hissène Habré, condamné en 2016 à la prison à vie pour crimes contre l’humanité, sera définitivement fixé sur son sort jeudi, avec l’annonce du verdict de son procès en appel tenu en janvier devant un tribunal spécial africain.

Le jugement en appel, comme celui de première instance, s’est déroulé devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées en vertu d’un accord entre l’Union africaine (UA) et le Sénégal, où M. Habré s’est réfugié après avoir été renversé en décembre 1990 par l’actuel président tchadien Idriss Deby Itno.

Ce procès est le premier au monde dans lequel un ancien chef d’Etat est traduit devant une juridiction d’un autre pays pour violations présumées des droits de l’homme.

Le 12 janvier, au terme de quatre jours de débats devant la chambre d’assises d’appel, le président de cette Cour, le magistrat malien Wafi Ougadèye, avait annoncé le renvoi de la décision au 27 avril.

Convoquée jeudi "pour 10H00 (locales et GMT)", cette audience "sera marquée par la lecture du verdict", qui "sera définitif et irrévocable", a déclaré à l’AFP le porte-parole du tribunal spécial, Marcel Mendy.

En cas de condamnation, Hissène Habré, aujourd’hui âgé de 74 ans, purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l’UA.

Le 30 mai 2016, Hissène Habré avait été condamné à la perpétuité pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, tortures et viols par le tribunal spécial puis, le 29 juillet 2016, à payer jusqu’à 20 millions de francs CFA (plus de 30.000 euros) par victime.

Une commission d’enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous son régime (1982-1990) à quelque 40.000 morts.

Jusqu’à mardi, on ignorait si Hissène Habré assistera à l’audience jeudi. Selon Marcel Mendy, "c’est une décision relevant de l’exclusive compétence du président" de la chambre d’assises d’appel Wafi Ougadèye, qui l’avait dispensé de présence aux débats en janvier.

 Confiance et espoir -

Tout au long du procès en première instance qui s’était ouvert le 20 juillet 2015, M. Habré avait refusé de s’exprimer ou d’être représenté devant une juridiction qu’il récuse. La Cour avait donc désigné trois avocats commis d’office pour assurer sa défense.

Ce sont ces trois avocats qui ont fait appel, et non les conseils désignés par lui et qui, selon ses instructions, ont boycotté les débats.

La défense commise d’office a réclamé une annulation de sa condamnation, dénonçant notamment des erreurs affectant la validité du verdict rendu en première instance et contestant certaines accusations contre M. Habré.

Pour jeudi, "nous sommes confiants", a affirmé à l’AFP un de ces avocats n’ayant pas souhaité être identifié, "nous estimons que nous avons donné des arguments sérieux et valables, de forme comme de fond". "Nous espérons que ces arguments seront pris en compte", en dépit de la présence "de l’Occident. Au fond, c’est leur procès (des Occidentaux), ils en sont +les parrains+", a-t-il ajouté.

Durant l’instruction et le procès, les partisans d’Hissène Habré ont dénoncé "un complot de l’Occident" contre lui.

Les avocats des parties civiles ont de leur côté réclamé la confirmation du verdict, à la fois "sur la culpabilité en toutes ses dispositions" et sur la peine, a rappelé l’un d’eux à l’AFP, Assane Dioma Ndiaye.

"Il appartiendra à la Cour de dire ce qui est de droit" sur ces deux aspects, a affirmé Me Ndiaye. Selon cet avocat, au regard de la gravité des accusations "et pour le combat que les victimes ont mené" pour aboutir à un procès, "une peine qui ne serait pas à la dimension des faits serait une déception totale" pour elles.

Le juriste américain Reed Brody, qui travaille avec les victimes depuis 1999, a également dit son espoir de voir le verdict initial confirmé en appel. "Les preuves de la responsabilité de Habré sont accablantes", a-t-il déclaré dans un communiqué diffusé le 20 avril.

L’audience de jeudi "ne devrait pas durer trop longtemps", a indiqué Marcel Mendy, le porte-parole des CAE. "De nombreuses personnalités ont été invitées" dont des ambassadeurs, a-t-il ajouté.

AFP