Un sujet fait beaucoup parler au Burkina Faso ces derniers mois, celui des groupes d’autodéfense contre l’insécurité dans les villes mais surtout dans les campagnes. Adulés par les uns, décriés par les autres, ces groupes dénommés « Koglwéogo » (les « gardiens de la brousse » en « mooré », langue des Moossé) sont l’objet de nombreux articles et de débats passionnés sur Internet.

L’analyse « full text » du contenu de ces articles et prises de position des uns et des autres nous a permis d’identifier cinq(5) groupes de référents sémantiques noyaux qui les structurent : le groupe « Koglwéogo » (et ses équivalents sémantiques) ; le groupe « Etat, Autorités politiques et judiciaires, Droit, Loi, Police, gendarmes » ; le groupe « Villes, Villages, Territoires, Pays, Nation » (y comprises les « populations » qui y vivent, mais sans Ouagadougou et les Ouagalais) ; le groupe « Armes, Exactions, Manifestations, Affrontements… » (qui renvoie aux agissements des « Koglwéto » - pluriel de Koglwéogo : arrestations, séquestrations, amendes, tortures, voire exécutions sommaires, etc..) ; et enfin le groupe « Délits, sécurité, insécurité » (les « Koglwéto » étant censés assurer la sécurité en luttant contre les facteurs d’insécurité que sont les voleurs, les coupeurs de routes, les délinquants, etc..).

La structure des relations entre ces cinq (5) groupes de références sémantiques est ici représentée sous forme d’un graphe relationnel : les chiffres qui figurent sur le graphe indiquent les poids respectifs des relations existant entre ces groupes. Que dit ce graphe relationnel ? Je relève ici quelques points qui me paraissent importants :

D’abord, ce graphe confirme le fait que les « Koglwéogo » sont un phénomène qui a du sens à dimension territoriale et nationale (la relation entre « Koglwéogo » et « Villes, Villages, Territoires, Pays, Nation » présente le meilleur taux de cooccurrence : 15,7%).

Mais, si la vocation affichée de ces groupes d’autodéfense est de veiller à la sécurité des populations vivant sur ces territoires en question (ceux des campagnes notamment), ce qui est centralement mis en scène dans les discours et débats à leur sujet ce sont LEURS agissements, plus ou moins décriés, sur les présumés facteurs d’insécurité qu’ils sont pourtant censés combattre, quand ce n’est pas sur les populations elles-mêmes qu’ils sont censés protéger. C’est le sens de la chaîne relationnelle marquée sur le graphe : « Koglwéogo » <=> « Armes, Exactions, manifestations, affrontements… » <=> « Délits, Sécurité, Insécurité »

Et l’Etat (de droit), ses outils et ses représentants dans tout ça ? Eh bien, si on se réfère au graphe, on voit bien que malheureusement, dans ces discours et débats, ils ne semblent pas être présents à la hauteur des enjeux. Le groupe sémantique « Etat, Autorités politiques et judiciaires, Droit, Loi, Police et gendarmes » n’y joue pas encore un rôle d’ « ACTANT » discursif aussi structurant que l’est le groupe sémantique « Koglwéogo ». Ça viendra peut-être… A bon entendeur…

Deux citations à propos des « Koglwéto » pour conclure :
« Il y a des dérives. Mais il faut comprendre pourquoi on est arrivé là. C’est le résultat de trois phénomènes : la hausse de l’insécurité depuis une vingtaine d’années, dans les villes mais surtout dans les campagnes ; la démission totale de l’Etat en la matière, et ce même lorsque Blaise Compaoré était au pouvoir ; et enfin un manque de confiance envers les institutions de la République. Tant qu’on n’aura pas réglé ces problèmes, il sera vain de vouloir interdire ces milices. » (Chryzogone Zougmoré, Président du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples- MBDHP).
« Celui qui se trouve à 500 km de Ouagadougou a besoin d’être en sécurité. Il y a 8900 villages dans le pays. Les forces de l’ordre ne peuvent pas être partout. Nous avons donc besoin de l’aide des milices. Mais il faut les encadrer. » (Simon Compaoré, Ministre de l’Administration Territoriale et de la Sécurité Intérieure).

Ousmane Sawadogo
Expert-Consultant : Text Mining et Web Content Mining