Nous ouvrons ici une nouvelle série de réflexions, sous l’angle habituelle qui est le nôtre, et qui consiste en l’analyse généraliste sans ancrage trop spécialisé. Pour les jeunes, nous précisons qu’il leur faut nécessairement visiter les auteurs que nous mentionnons et que nous survolons, pour les nécessités de la concision d’une publication de presse. Notre même démarche sera donc suivie pendant le déroulement de cette nouvelle thématique. Nous mettrons l’accent sur la réflexion orientée vers La réalité contemporaine, plutôt que sur l’’histoire des idées. Naturellement, il est aussi impossible d’évacuer, du revers de la main, toute référence doctrinale, quand on parle du pouvoir. En effet, et en notre sens, la philosophie, pendant tous ces siècles, a essentiellement tissé son discours autour des items suivants : « l’être, l’existence, le vouloir, le pouvoir, l’espoir ». Si la notion de pouvoir a préoccupée les penseurs, il devient alors impossible de les mettre complètement à l’écart du débat contemporain. De temps à autres, nous leur adresserons donc des convocations pour qu’ils viennent se prononcer sur tel ou tel aspect du problème, sans leur laisser l’occasion de monopoliser le discours. Mais avant tout, ouvrons, nous-mêmes, la bien modeste réflexion sur ce thème : « les pouvoirs et le pouvoir d’État ».
Qu’est ce que le pouvoir en général ?
 Le vouloir et le pouvoir
Dans nos vies, deux choses concourent à donner un contenu concret à notre présence au monde : le vouloir et le pouvoir. Pour exister en être conscient, il nous faut du vouloir. Pour être, pour devenir mon être, je dois vouloir vivre ; je dois vouloir marcher, courir ; je dois vouloir aimer, travailler ; je dois vouloir rêver ; je dois vouloir aller sur la lune. Dans le constat de tous les jours, ce n’est pas ce vouloir qui nous fait défaut. Chacun de nous est au contraire une infinité de vouloir plus ou moins nobles, plus ou moins compatibles avec la réalité. Ce qui nous manque bien souvent, c’est le pouvoir. Paul veut marcher et courir, mais il ne peut, du fait d’un handicap physique. Je veux, dans ce pays du sahel, aller sur la lune ; je veux décrocher ces belles étoiles pour les gens que j’aime, mais je ne peux ; j’en ai le vouloir mais je n’en ai point le pouvoir. Rock Marc Christian Kaboré voudrait bien que son pays devienne la première puissance économique du monde, mais cela ne dépend pas de lui. En fait, l’ordre des choses du monde n’est jamais en adéquation avec nos désirs et il travaille trop souvent à les démentir ; le monde réel œuvre à contrarier nos désirs, nos vœux, nos souhaits ; il est l’adversaire féroce de notre volonté. L’histoire des hommes est, de ce point de vue, un immense catalogue rempli de vœux que le cours du monde a frustré.
 Notre pouvoir
Le monde n’est pas le vœu de l’homme ; il épouse rarement nos désirs. Malgré tout, chacun de nous a un minimum de pouvoir en ce monde. Chacun de nous a une capacité physique, qu’on pourrait appeler « pouvoir d’action ». Chacun de nous a un ascendant moral sur soi et sur un nombre plus ou moins important de personnes qui l’entourent. Ce pouvoir nous est conféré, soit par notre rang de naissance, soit par notre position sociale, soit par un contrat passé avec autrui, soit par la loi. Il est, tantôt une dérivation de notre « être », de notre « avoir », et tantôt, il est le retour de l’avance que nous avons sur les autres, dans les ordres du savoir, du savoir-être ou du savoir faire. Ainsi, le père de famille a du pouvoir sur ses enfants ; l’aîné a du pouvoir sur ses cadets ; les maîtres eurent du pouvoir sur les esclaves ; les nobles eurent du pouvoir sur les serfs ; les patrons ont du pouvoir sur les employés ; les maîtres de pensée ont du pouvoir sur les disciples. Nous ne posons pas ici l’épineuse question de la légitimité de ces pouvoirs. Nous constatons seulement qu’ils ont existé ou qu’ils existent. Nous sommes même conduit à en déduire que l’homme est « un être de pouvoir », une réalité-conscience qui aspire au pouvoir, un existant qui ne s’épanouit qu’avec le sentiment de posséder du pouvoir. La conséquence de cette approche de l’homme, est que la société n’est plus à voir comme un agrégat d’individus raisonnables, ou de volontés antagoniques, mais comme une interconnexion de pouvoirs groupés plus ou moins harmonieusement. La société est un réseau de pouvoirs. Ce sont ces pouvoirs sociaux, coiffés par le pouvoir d’État, qui feront l’objet de notre publication prochaine.

Zassi Goro ; Professeur de Lettres et de philosophie
Kaceto.net