Crée en janvier dernier, l’Observatoire de la démocratie et des droits de l’homme au Burkina (ODDH) a rendu public hier un rapport semestriel sur l’état des droits de l’homme dans notre pays. En optant pour une périodicité semestrielle et non annuelle comme on en a l’habitude, l’Observatoire se veut un instrument de veille et d’interpellation des acteurs publics sur le respect ou pas des droits de l’homme.
Le premier rapport couvre la période de novembre 2016 à avril 2017 et porte sur une dizaine de domaines, allant de la liberté d’expression aux libertés publiques en passant par le foncier rural et urbain, l’exploitation minière et l’orpaillage, la sécurité et le terrorisme.
Sur la liberté d’expression, l’ODDH déplore l’absence de législation encadrant les activités des blogueurs et autres cyber-activistes, les exposant ainsi à la rigueur du code pénal, "le seul texte de loi qui leur est applicable et qui les conduit à la prison lorsqu’ils sont poursuivis pour diffamation ». Après avoir été gardé à vue par la gendarmerie pour divulgation du secret militaire, le cyber-activiste Naïm Touré a ainsi été condamné par la justice burkinabè pour injure suite à une plainte de Elysée Zong-Naba, conseiller juridique du président de l’Assemblée nationale. L’ODDH cite également la condamnation par la justice de Al Assane Barry pour les mêmes raisons, la menace qui pèse sur la pluralité des sources d’information avec la fermeture d’organes de presse en raison des créances non soldée des services de l’Etat envers ces entités médiatiques, l’agression dont été victime notre confrère Mamadou Ali Compaoré, les menaces à l’arme devant le domicile du leader d’opinion et militant de la société civile, Abraham Badolo, président de l’ADP, l’interpellation par la police du militant des droits de l’homme, Zaida Pascal, président du Cadre d’expression démocratique (CED), les poursuites judiciaires contre Safiatou Lopez, activiste de la société civile, tous accusés d’être des empêcheurs de gouverner en rond.

Dans son rapport, l’ODDH pointe également du doigt l’interdiction du port du voile dans des établissements à Kaya, à Sanaba, à Kouka, dans les Banwa, dans un collège à Zinado (Ganzourgou) et à Bobo. Dans le quartier Pissy de Ouaga, « une infirmière a refusé de consulter l’enfant d’une dame portant un voile intégral » et « le refus de scolarisation d’un enfant mal entendant à l’EPP communal de Zogona ».
On y apprend également qu’un enfant albinos ayant des difficultés visuelles est marginalisé dans sa classe à Ouahigouya et les menaces d’expulsion de leur village qui pèsent sur 300 femmes à Pilimpukou/Yako province du Passoré pour fait de sorcellerie.
Sur le foncier rural et urbain, l’Observatoire a relevé des atteintes graves aux droits de l’homme dans plusieurs localités du Burkina. A Tabtenga, ex secteur 28 de Ouaga, 4 familles ont été déguerpies dans une zone non lotie et la menace pèse sur 400 autres familles. A Yagma (Ouaga), Zekounga (Tanghin-Dassouri), des autochtones ont été expropriés de leurs terres « en violation du texte de loi sur l’extension de la commune de Ouagadougou ».
Utilisation incontrôlée du cyanure sur les sites d’orpaillage, le trafic et la consommation de drogue, les coupes abusives du bois qui entrainent des conflits, etc., sont entre autres maux dénoncés par les auteurs du rapport, qui s’interrogent également sur la « levée de scellés » dans l’affaire Guiro et la pertinence des poursuites de Blaise Compaoré et les ministres de son dernier gouvernement devant la Haute cour de justice. Les Koglwéogos qui défraient la chronique depuis des mois sont également dénoncés par l’ODDH, de même que l’agression dont a été victime l’artiste musicienne Adja Divine, accusée à tort d’avoir volé des enfants et tabassée par une foule déchaînée.
Dans ses recommandations, l’ODDH propose entre autres, l’adoption d’une loi protégeant les cyber-activistes, l’arrêt des intimidations et menaces à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, la répression contre les exclusions pour sorcellerie et la cessation des tortures commises par les Koglweogos sur des présumés voleurs.
« Le rapport sera remis aux pouvoirs publics et aux partenaires internationaux du Burkina en espérant que des actions seront prises pour mettre fin aux violations des droits de l’homme que nous avons dénoncées », a déclaré le président de l’ODDH, Lookman Sawadogo, par ailleurs directeur de publication du journal Le Soir.

Salam Sondé
Kaceto.net