La semaine passée, le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation a soumis à l’appréciation des partis politiques l’avant projet de code électoral. Cette initiative viserait à recueillir les amendements des partis politiques afin de soumettre à l’assemblée nationale un texte acceptable par tous dans la dynamique de construction de notre démocratie. La construction de la démocratie Burkinabè n’étant pas exclusivement le seul apanage des partis politiques, nous nous réservons le droit de porter notre modeste contribution à l’œuvre commune. Notre contribution sur l’avant projet de code électoral proposé sera axée sur le titre 8 : Dispositions transitoires.
A la lecture des trois (3) articles, plus précisément les articles 382, 383 et 384, qui constituent le titre 8 du projet de code électoral, nous tombons des nus tant ces textes marques un recul démocratique sans précédent depuis l’avènement de la démocratie au Burkina Faso. L’avenir de la CENI, commission électorale nationale indépendante, devrait désormais être rangé aux calendes grecques. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à l’article 384 de l’avant projet de code électoral qui stipule ceci : « jusqu’à la mise en place effective de l’autorité administrative indépendante en charge des élections, la commission électorale nationale indépendante (CENI) et ses démembrements demeurent compétents pour l’organisation et la supervision des opérations électorales conformément aux dispositions des chapitres 1 du titre 1 de la loi n 014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral ».
Ainsi donc, l’actuelle CENI ne répondrait pas aux attentes des rédacteurs de l’avant projet de code électoral qui annonce la mise en place d’une autorité administrative indépendante en charge des élections. Il aurait été opportun au moins qu’on explique à l’opinion en quoi la CENI a péché pour mériter cette mise à mort. Quant on sait que la CENI est le résultat d’une longue lutte du peuple, et même dans le sang, pour instaurer plus de démocratie au Burkina Faso, il apparait assez clair que ce changement annoncé avec l’avènement d’une autorité administrative indépendante en charge des élections n’ira pas dans le sens de l’intérêt supérieur des Burkinabè.
Le deuxième impair que nous relevons dans le titre 8 est mentionné dans l’article 383. Cet article dit ceci : « les pièces d’identification ayant servi à l’inscription sur les listes électorales tiennent progressivement de carte d’électeur, selon des critères définis par l’autorité administrative indépendante en charge des élections ». Quelle aberration que ce que prévoit cet article si d’aventure il devrait se matérialiser. Alors, ce serait la porte ouverte à la fraude électorale à ciel ouvert. A la lumière de ce texte, l’acte de naissance ou un jugement supplétif d’acte de naissance tiendront progressivement de carte d’électeur si l’un ou l’autre est utilisé par un citoyen Burkinabè pour s’inscrire sur la liste électorale. Quel recul démocratique que la voie incertaine et tortueuse qu’envisage le ministre de l’administration territoriale de faire emprunter au peuple. A cette allure, ne soyons pas étonnés que les caicédrats de la ville de Ouagadougou et les karités de la localité de Tuiré puissent prendre part aux prochaines élections au Burkina Faso.

La dernière incongruité mentionnée dans le titre 8 énonce ces propos dans l’article 382 : « la mise en œuvre des dispositions relatives au vote des Burkinabè résidant à l’étranger se fera de manière progressive à partir de 2020 selon des critères définis par l’autorité administrative indépendante en charge des élections ». Ce texte relatif au vote des Burkinabè résidant à l’étranger met à nue le comportement ambigüe du Président Roch Marc Christian Kaboré à travers sa promesse permanente de rendre effectif le vote des compatriotes de l’étranger en 2020. Le vote de ces compatriotes va ainsi s’étendre sur le temps à partir de 2020. Cet article est un manque respect et de considération à l’égard des Burkinabè de l’extérieur qui attendent depuis plus d’une décennie de jouir de leur droit constitutionnel, celui d’être électeur. Il ne serait pas faux de dire que cet avant projet de code électoral remet en cause ce droit constitutionnel de nos compatriotes dans la participation au choix des personnes qui doivent gouverner le Burkina Faso.
A la suite de ces manquements graves ci-dessus énumérés, Nous lançons un appel au CFOP, chef de file de l’opposition Burkinabè, afin qu’il puisse mettre en branle tous les mécanismes démocratiques pour que cet avant projet de code électoral soit corrigé le plus vite possible.
Nous appelons tout aussi le peuple à rester vigilent face à cette aspiration du pouvoir en place à remettre en cause les acquis démocratiques chèrement obtenus dans la lutte et dans le sang.

Ouagadougou, 05 juin 2017

Pour le Bureau Exécutif National de l’Association Convergence et Panafricaine (CCP)

Ousmane SO