Signé le 20 juin 2015 à Bamako entre les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et le gouvernement, l’application de l’accord d’Alger se heurte à une hostilité de la population de Gao.

Après les journées de manifestations des 11 et 12 juillet dans les rues de Gao contre la mise en place des autorités intérimaires et qui ont été réprimées par l’armée (http://kaceto.net/spip.php?article263), le gouvernement joue l’apaisement. Hier, une délégation gouvernementale a été dépêchée à Gao dans la cité des Askias pour rencontrer les représentants du Mouvement de résistance civile de la société civile de Gao et le Collectif de la diaspora des régions du nord Mali. Composée de quatre ministres et de six députés, la délégation de haut niveau a entamé des discussions avec les jeunes protestataires qui ont débouché sur un communiqué lu par le ministre de la Justice et des droits de l’homme, garde des Sceaux, Maître Mamadou Ismaïla Konaté. Face aux représentants de l’Etat, les jeunes ont formulé plusieurs revendications, notamment le retrait des forces de défense et de sécurité stationnées dans les artères de la ville, la levée de barrages à certains carrefours, la lumière sur les causes des personnes tuées, la prise en compte de cette frange de la population dans le désarmement-réinsertion ainsi que des offres de formation professionnelles pour lutter contre le chômage.

Certes, le communiqué ne mentionne pas le départ du gouverneur et du directeur régional de la police réclamé par les manifestants, mais la délégation s’est engagée à transmettre toutes les doléances au président de la république, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), et annoncé que des instructions ont été données pour l’ouverture d’une information judiciaire sur les circonstances dans lesquelles des manifestants ont trouvé la mort.
Si cette rencontre a permis de ramené le calme à Gao, la pression de la rue continue cependant de peser sur le gouvernement. Ce matin, une manifestation s’est déroulée à Bamako, dans la capitale, pour dénoncer les agissements de l’armée vis-à-vis de la population à Gao. Dans le même temps, les organisations de la société civile du nord Mali viennent d’adresser une lettre ouverte au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon et au président IBK, dans laquelle, elles regrettent « la velléité [du gouvernement] de vouloir contribuer à imposer une minorité armée à la grande majorité représentant plus 90% des populations autochtones, laborieuses, paisibles et républicaines », dénoncent « l’accord de la honte dit du processus d’Alger qui est finalement loin d’apporter la paix et la réconciliation promises », de même que « son application sélective par un reniement systématique de ses principes de base » que sont « l’unicité, l’inclusivité et la représentativité ». Elles s’insurgent contre l’intention de Bamako « d’imposer des autorités intérimaires pour lesquelles nos Communautés n’ont nullement été consultées, et ce, en violation flagrante de la loi modificative du Code des Collectivités du Mali ».
Pis, ces organisations qui rassemblent des populations songhay, arma, foulane, chirfi, sorko, sourgou, ont décidé de rejeter « avec véhémence l’accord de la honte », pas plus qu’elles n’acceptent « la politique de régionalisation sélective mise en œuvre dans le seul dessein de créer une majorité factice des races touarègues et arabes, traduisant ainsi l’insidieuse balkanisation en marche de nos régions et le génocide programmée contre nos communautés face une minorité de Touaregs et d’Arabes ». Enfin, elles réaffirment que « le vocable Azawad ne représente aucune réalité historique ou socioéconomique, et qu’il ne saurait servir de quelconque référentiel à quelque titre ou niveau que ce soit pour nos Communautés ».
Assurément, ces revendications comportent un enjeu qui dépasse l’avenir des seules régions du Nord Mali. C’est l’unité du pays qui est posée, et tout laisse croire que l’accord d’Alger, signé aux forceps il y a un an n’a pas assez pris en compte les aspirations de la majorité de la population.

Joachim Vokouma
Kaceto.net