L’avant-projet de code électoral alimente la polméique dans les débats publics. Partis politiques de l’opposotion et organisations de la société civile s’inquiètent de certaines dispostions prévues dans le texte. Ci-contre, une lettre ouverte adressée au président du Faso par l’association le Tocsin, très active dans la défense des droits des Burkinabè de l’extérieur

Excellence Monsieur le Président,

Le 30 mai 2017, le Gouvernement a remis aux partis et formations politiques, pour amendements, le projet de loi organique portant code électoral. En tant que membre de la société civile, le TOCSIN n’était à priori pas destinataire de cet important projet mais en tant que structure de veille et d’interpellation, nous ne pouvions rester insensibles à cette loi qui doit régir la vie nationale en matière d’élections.

Tout en approuvant positivement cette démarche qui permet aux burkinabè d’apporter leur contribution à la finalisation de ce projet de code électoral à travers leurs amendements, permettez nous de vous faire part des préoccupations du TOCSIN. Ces préoccupations portent essentiellement sur le vote des burkinabè de l’extérieur, la commission électorale indépendante (CENI) et les documents autorisés pour l’inscription des électeurs sur les listes électorales.

I. Du vote des burkinabè de l’extérieur

Le TOCSIN voudrait rappeler qu’une loi a été votée en 2009 sur le vote des burkinabè de l’extérieur. C’était l’un des principaux plaidoyers du TOCSIN depuis bientôt deux décennies. En 2010, des prétextes ont été avancés pour reporter l’accomplissement de ce droit. Le TOCSIN avait brandi un carton rouge au pouvoir en place. En 2015, pour des circonstances exceptionnelles, le droit de vote des Burkinabè de l’extérieur a été de nouveau reporté.

A l’issue de ce second report, le TOCSIN a vivement souhaité l’effectivité du vote de nos compatriotes de l’extérieur en 2020 et qu’aucune autre raison ne soit trouvée dans la perspective des votes de 2020 pour mettre sous boisseau l’application de la loi de 2009. Le TOCSIN a même souhaité que les opérations d’enrôlement de nos compatriotes démarrent dès 2017 au plus tard afin d’éviter d’attendre 2019, veille des élections et évoquer par la suite des contraintes.
L’assurance du vote de nos compatriotes nous a même été donnée le 22 février 2016 au cours de l’audience que vous avez accordée à notre association ce jour là. De même, le Ministre en charge des Burkinabè de l’extérieur a affirmé que ce vote de nos compatriotes était l’un des éléments principaux de sa mission.
Malheureusement, les dispositions contenues dans l’article 382 du projet de code électoral nous emmènent à douter de l’effectivité du vote en 2020 de nos compatriotes de l’extérieur. Cet article 382 est à supprimer.
La participation de nos compatriotes de l’extérieur au scrutin de 2020 ne fera que contribuer à la consolidation de notre démocratie, car une partie des Burkinabè (ceux de l’extérieur) ne se sentira plus marginalisée comme elle l’a été jusqu’à présent.

II. De la commission électorale indépendante (CENI)

En citant dans le projet de loi, l’autorité administrative indépendante en charge des élections, en lieu et place de la CENI, il apparait nettement la suppression de cette structure qui est pourtant le résultat chèrement acquis de la lutte du Peuple Burkinabè. Il est nécessaire que les raisons profondes de la disparition de la CENI soit donnée d’autant plus qu’aucun motif d’élaboration de ce projet de loi électorale ne figure nulle part dans le document. Il y a un gros risque de recul démocratique pour notre pays si la CENI devait disparaitre sans que les raisons profondes ne soient connues de toutes et de tous.

III. Des documents autorisés pour l’inscription des électeurs sur les listes électorales.

Selon l’article 13 du projet de loi, les burkinabè de l’extérieur sont tenus de produire les pièces suivantes pour justifier leur identité :
o l’acte de naissance établi par une autorité compétente burkinabè accompagné d’un certificat de nationalité ;
o la Carte nationale d’identité burkinabè ;
o le passeport burkinabè.

Les pièces citées montrent l’omission ou une volonté de liquidation du vote des burkinabè de l’extérieur en ne citant pas la carte d’identité consulaire qui pourtant est une pièce officielle délivrée par les Représentations Diplomatiques du Burkina Faso à l’étranger. Cette lacune doit être corrigée au cas où il s’agirait d’omission. De même le coût de la carte d’identité consulaire biométrique doit être réduit et mis au même prix que la CNIB. Pourquoi cette différence entre les burkinabè.
Afin d’éviter le recul démocratique et surtout les possibilités des votes multiples, l’usage de l’acte de naissance comme pièce électorale doit être interdit. A l’autorité compétentes de prendre les dispositions pour délivrer à tout citoyen burkinabè une carte nationale d’identité ou une carte consulaire biométrique (au cas où celui-ci résiderait à l’étranger).

Telles sont, Excellence Monsieur le Président du Faso, les préoccupations que le TOCSIN soumet à votre très haute attention et dont leur résolution contribueront au renforcement de la démocratie dans notre pays.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président du Faso, l’expression de notre parfaite considération.

Ouagadougou, le 08 juin 2017

Le Président
du Bureau Exécutif National,
Arouna SAVADOGO
Commandeur de l’ordre du Mérite