Prévu demain 16 juillet à Ouagadougou, le « Concert de l’amitié » a été annulé par le ministère de la Culture pour des motifs qui laissent sceptiques de nombreux Burkinabè

Il a réalisé des spots radios et télé, confectionné des affiches, embauché du personnel, investi du temps et de l’argent, mais finalement, le « Concert de l’amitié » qu’il voulait organiser n’aura pas lieu. Ainsi en a décidé le ministère de la Culture. Motifs du refus ? Hamed Traoré, le promoteur de l’évènement n’aurait pas la licence d’entrepreneur de spectacle, pas plus qu’il n’a obtenu l’autorisation d’organiser une telle manifestation. « Ceux qui organisaient le « Concert de l’amitié » ne se sont pas conformés à la règlementation, et c’est pourquoi nous avons interdit le concert », a expliqué le secrétaire général du ministère de la Culture, Stanislas Méda.
La pilule est amère à avaler et dans le milieu du show-biz, des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une cabale contre ce jeune entrepreneur culturel bien connu pour son dynamisme. « Il y a plein de concerts qui s’organisent sans licence mais le ministère de la Culture ne dit rien », répliquent ceux qui estiment qu’il y a une injustice dans cette affaire. Chacool Ouattara, le prometteur de Actu Cool Magazine cite des spectacles organisés par des individus qui ne possèdent pas la fameuse licence.
Papus Zongo, le promoteur des Kundé d’Or, considère pour sa part que la vraie raison de l’annulation du Concert est ailleurs, dans la venue de l’artiste camerounais Francko, auteur de « Coller la petite », un tube à succès dont une partie des paroles peut être considérée comme une apologie de l’inceste.
Le milieu show-biz est très opaque et il faut une bonne dose de courage pour oser dénoncer la mainmise de certaines personnes sur l’industrie du spectacle au Burkina. L’artiste Smarty l’a décrié bon nombre de fois, Bebeto Bongo a aussi embouché la même trompette il y a quelque jours pour s’étonner de son absence des scènes nationales alors qu’il tourne en Europe et en Afrique. Téléphone Bationo, le promoteur du festival « Faites de la Musique » et président d’une association de professionnels de la culture, a confié avoir proposé au ministère de permettre qu’un promoteur ayant la licence puisse endosser la responsabilité de l’évènement. Sans succès. Un refus qui conforte la position de ceux qui, très nombreux, pensent que les autorités se cachent la légalité pour priver les Ouagalais de « Coller la petite ».
Car, arguent-ils, tous les jours, dans les différents villages et villes du Burkina, des spectacles ont lieu sans que les organisateurs n’aient le fameux sésame, d’autant que le nombre de détenteurs de la licence dépasse à peine la trentaine. Il y a donc deux poids deux mesures dans cette affaire aux contours pour le moins flous, et il faudrait bien que les protagonistes entament sans délai des discussions pour trouver une issue qui respecte la légalité et préserve les intérêts de l’organisateur du concert.
Mais au fond, cette polémique révèle les contradictions de la société mondialisée. Comme l’a souligné le ministre de la Communication Rémi Dandjinou, il y a longtemps que le tube est diffusé sur les radios, et le clip passé en boucle sur les chaines de télévision. Les enfants le fredonnent à longueur de journée, sans peut-être savoir s’il faut considérer les paroles au premier ou au second degré. Or, la musique, comme les autres modes d’expressions, doit contribuer à structurer l’identité culturelle des enfants et des adolescents, à leur donner des repères qui consolident leur singularité tout en les préparant à recevoir l’universel. Sur l’ensemble de la chanson, quelques mots posent problème et il faut le reconnaitre. Entre l’annulation du concert qui pénalise les autres artistes invités, et la tribune grandement ouverte au musicien camerounais, il y a peut-être un juste milieu à trouver.

Joachim Vokouma
Kaceto.net