Quand on est satisfait ou quand c’est bien, il faut aussi le dire : le Conseil Constitutionnel déclare l’article 497°3 du code de procédure pénale contraire à la Constitution.

Ce 14 Juillet 2016, le Conseil constitutionnel a notifié à Me Rodrigue Edasso Bayala et moi-même, une décision n°2016-08/CC du 12 Juillet 2016 relativement à une exception d’inconstitutionnalité que nous avons soulevé devant la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Ouagadougou, pour le compte de notre client BADO Abdoulaye, du nom du jeune qui avait été bastonné copieusement par des agents de police du Commissariat de REO en 2014 et qui avait fait la Une de la presse, l’Observateur Paalga en particulier.

En rappel, le Tribunal correctionnel de Koudougou a relaxé les agents de police pour infraction non constituée. En tant que conseils de la partie civile (victime), nous avons relevé appel de cette décision, sachant que le parquet ne le ferait pas au regard de la gestion du dossier depuis l’enquête jusqu’à sa programmation.

En faisant appel, nous étions conscients de deux choses :

 d’abord, le code de procédure pénale en son article 497-3° prescrit que la partie civile ne peut relever appel que sur les intérêts civils et non sur la constitution de l’infraction ;

 ensuite, la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel, en application de cet article, dans une jurisprudence constante, déclare systématiquement irrecevable l’appel de la partie civile (victime) portant sur toutes les dispositions du jugement, dont les dispositions pénales. Généralement, pour éviter cette situation, d’aucuns négocient avec le parquet pour qu’il relève appel.

Devant la Cour d’Appel de Ouagadougou donc, nous avons soulevé l’inconstitutionnalité de l’article 497-3° du code de procédure pénale, lorsque dans ces observations, lors des débats à l’audience, le parquet avait conclu d’emblée à l’irrecevabilité de l’appel de notre client pour ce même motif et avait rappelé qu’il nous appartenait de « négocier » avec le parquet pour qu’il relève appel. Pour nous, cet article constitue non seulement une violation du droit d’accès au juge, d’accès au juge d’appel et une violation du principe du double degré de juridiction qui veut que chaque justiciable puisse soumettre, à nouveau, ses prétentions à une juridiction de degré supérieur, afin qu’elle apprécie si le premier juge a bien dit le droit ou pas. En outre, pour nous, il y avait une violation de l’égalité d’accès au juge parce que ne comprenant pas que seuls les prévenus et le parquet puissent faire appel, ce droit étant dénié à la victime qui a pourtant un droit d’action devant le premier juge (soit par citation directe, soit par plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction). La chambre correctionnelle de la Cour d’Appel, certes tenue en vertu de la loi de renvoyer cette exception pour être appréciée par le conseil constitutionnel, a accepté sursoir à statuer et ordonné que cette question soit soumise à l’appréciation du « gardien du temple ».

Statuant sur cette exception par décision du 12 Juillet 2016, le Conseil Constitutionnel a décidé :

« - le 3° de l’article 497-3° du code de procédure pénale burkinabè est contraire à la Constitution ;

 La présente décision sera notifiée au Président du Faso, au Premier Ministre, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Président de la Cour d’appel, au requérant et publiée au Journal officiel du Burkina Faso »

Nous reviendrons sur cette décision qui est assurément (r)évolutionnaire pour l’accès au juge, un droit fondamental pour chacun de nous. Nous tenterons une lecture croisée dans d’autres cadres de cette position du juge constitutionnel burkinabè et de celle son homologue français qui avait déjà eu l’occasion, à travers une QPC de donner sa position.

En tout état de cause, nous l’accueillons comme une (r)évolution significative dans notre droit de procédure pénale. Au moins, désormais, les victimes n’iront pas « importuner » le parquet pour qu’il fasse appel des jugements correctionnels. L’une des conséquences est que les parquets pourront aussi gagner en cohérence, tant parfois il est incompréhensible que parfois, ils soient « obligés » de faire appel même quand le jugement est conforme à leurs réquisitions.

Pour le reste, même si BADO Abdoulaye venait à perdre son procès au fond à la Cour d’Appel, il aura dégréement contribué à l’évolution du droit par son action, et, les policiers de REO aussi, malgré eux, par cette bastonnade dont nous recherchons encore les fondements réels.

C’est le lieu d’inviter les plaideurs à aider les juridictions à faire bouger les lignes…si petites soient-elles.

Merci au Conseil Constitutionnel.

Merci à la Cour d’Appel de Ouaga

Me Batibié Benao B