Trois députés nigériens participent à la rencontre de haut niveau des parlementaires de la CEDEAO, de la Mauritanie et du Tchad pour le financement adéquat de la santé, le dividende démographique et les politiques de population et développement, débutée hier à la salle de conférence de Ouaga 2000 (http://kaceto.net/spip.php?article3012).
Le Niger, on le sait est cité comme le pays ayant un taux fécondité très élevé, ce qui n’est pas toujours un atout dans le combat pour bien-être des populations.
Pourquoi ce pays occupe t-il ce rang non envié ? Que font les pouvoirs publics pour contenir l’explosion démographique ?
Eléments de réponse avec le député Mamoudou Ouamarou, résolument engagé dans le combat pour la maîtrise de la fécondité dans son pays

Lorsqu’on parle de taux de fécondité élevé en Afrique, on cite toujours votre pays en exemple. Confirmez-vous votre rang ?

Je confirme, car c’est la vérité ! Le Niger a un taux de fécondité de 7,6%, ce qui est le plus élevé en Afrique, voire au monde. Dans son discours, le directeur général de l’Organisation ouest-africaine de la santé, (OOAS) Xavier Crespin a fait cas de ce taux élevé, mais il n’a pas cité le pays. Moi, je suis parlementaire et je peux le dire surtout que je lutte contre cette forte fécondité, et que je me bats pour que des actions soient entreprises ans le sens du dividende démographique. Il faut que les bras valident, qui travaillent soient plus nombreux pour pouvoir supporter les personnes dépendantes, et c’est cela notre combat.
Au niveau de la commission des Affaires sociales et culturelles, nous sommes en train de dépoussiérer un certain nombre de lois, notamment celles sur la scolarisation de la jeune fille, du mariage, et celle sur la protection sociale afin que le Niger puisse être au diapason des pays qui aspirent au développement.

Quel est l’âge légal du mariage au Niger ?

L’âge légal du mariage est de 18 ans pour la femme, et pour l’homme, 20 ans et plus. Si une fille a 18 ans, on ne peut pas la considérer comme étant mineure. Reste qu’au niveau socio-culturel, de la religion musulmane, c’est autre chose : chez nous, des gens marient les filles même autour de 9 ans ! Il y a un débat sur cette pratique et nous voulons légiférer sur ce problème car, après tout, c’est la femme et non l’homme qui porte la grossesse, qui accouche et il faut que son organisme soit à même de supporter cette grossesse pour accoucher normalement. Si ses organes ne sont pas bien développés, elle va avoir des problèmes de césarienne, de fistule vagico-vaginales où elle va perdre des urines, et au final elle devient un fardeau pour la société. Il faut savoir qu’en cas de complications, beaucoup d’hommes abandonnent leurs femmes.

Comment expliquez-vous ce fort taux de fécondité chez vous alors que la population nigérienne ressemble à celle du Burkina ou du Mali ?

Je l’explique par un certain nombre de phénomènes : d’abord, la population est très jeune, plus de 50%, plus de 50% de femmes en âge d’activités sexuelles. Ensuite, au Niger, le mariage est largement resté religieux, traditionnel et non civil. La plupart du temps, ce sont les marabouts qui célèbrent les mariages ; les parents du mari apportent la cola, la dote et on attache le mariage et c’est terminé. C’est la raison pour laquelle, les gens n’attendent pas que la fille ait l’âge légal avant de la marier.
Face à ce phénomène, nous ne restons pas les bras croisés. Le ministère de la Santé a initié des actions de planification familiale, mais à cause des barrières socio-culturelles, toutes les femmes n’ont pas accès à l’offre de la planification. Les comportements des hommes et des marabouts font que les femmes ne fréquentent pas les services de santé. Il faut donc des plans de sensibilisation en l’endroit de la population, des marabouts pour que les gens comprennent qu’on ne leur demande pas de limiter les naissances, mais les espacer. Il ne sert à rien de faire des enfants si on ne peut pas s’en occuper et qu’ils deviennent un fardeau pour la société. On ne doit pas créer des problèmes pour les autres. Nous allons voter une loi et l’expliquer aux marabouts afin qu’ils comprennent que les choses ne peuvent pas continuer comme ça. A ce rythme, d’ici 2035, nous serons 36 millions, et facilement on atteindra les 50 millions ! Ce n’est pas tenable surtout face à la dégradation des surfaces cultivables, et à la pluviométrie capricieuse au Niger. Comment allons-nous pouvoir prendre tout ce monde en charge ? Avec les partenaires, le ministère de la santé et les parlementaires, nous devons agir pour maitriser cette démographique galopante.

Quelles sont les mesures déjà mises en œuvre pour freiner l’explosion démographique ?

L’OOAS a créé un réseau de champions pour un plaidoyer fort pour le financement de la santé ; cela permettra de financer les activités sectorielles qui rentrent dans le cadre de la maitrise de la population. Il y a aussi le réseau des bailleurs des fonds pour le financement de la vaccination qui offre aussi des services concourant à la maitrise de la fécondité. Au niveau de l’assemblée, il y a la loi sur la protection de la jeune fille et l’âge du mariage que nous allons voter et je me battrai pour qu’elle voit le jour

Etes-vous optimiste dans ce combat ?

Je suis très confiant et optimiste ! La preuve est que nous sommes à Ouaga pour participer à ce forum de haut niveau. Le problème nous concerne, nous Nigériens et chacun doit jouer sa partition. Le DG de l’OOAS est nigérien et il joue un rôle central au niveau de la CEDEAO pour amener les pays à mener des politiques à même de maitriser le phénomène d’explosion démographique. Nous sommes trois parlementaires présents à ce forum, mais nous serons rejoints par le président de l’Assemblée nationale pour qu’ensemble, on s’engage dans le combat de la maitrise du taux de fécondité dans notre pays.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net