Deux adolescents et deux soldats ont été tués dans de violents heurts entre la population et les forces de l’ordre à Sokodé, la deuxième ville du Togo, après l’arrestation d’un imam proche de l’opposition.

"Une source hospitalière nous a confirmé la mort d’une deuxième personne (civile) à Sokodé qui vient d’être conduite à la morgue", a déclaré à l’AFP Aimé Adi, directeur d’Amnesty International, à la suite d’une déclaration officielle confirmant la mort d’un civil et de deux militaires.

Cette quatrième victime, du nom de Agoro Ashraf, avait 17 ans et a "reçu une balle dans la tête", selon M. Adi. Yerima Ikililou, le premier civil tombé avait "également 16-17 ans", selon
M. Adi. "Ses parents ont amené le corps à la morgue de Sokodé et d’après les
premières constatations, il aurait reçu des petites balles de plomb dans le
corps", a-t-il ajouté.

Un peu plus tôt dans la matinée, le gouvernement avait annoncé la mort d’un jeune civil, et de deux militaires "lynchés" par la foule la nuit dernière. "Leurs armes et munitions ont été emportées", a fait savoir le gouvernement dans un communiqué, ajoutant qu’il y avait "une vingtaine de blessés parmi les
civils et les forces de sécurité".

De violents heurts ont éclaté à Sokodé, après l’arrestation d’un imam proche du parti de Tikpi Atchadam, le Parti National Panafricain (PNP), avant de se propager dans la nuit dans plusieurs villes du pays, dont Bafilo (au nord) et Lomé.

"Cinq véhicules de la gendarmerie sont arrivés pour enlever Alpha Alassane, un imam très reconnu à Sokodé", a expliqué à l’AFP Ouro Akpo Tchagnaou, coordinateur de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, opposition).
"La population s’est sentie visée et est sortie dans les rues", a-t-il ajouté en soulignant que les échauffourées avaient duré toute la nuit et que "des femmes et des enfants ont fui la ville" alors que les militaires "rentraient dans les maisons".

Des habitations des cadres du parti ont été incendiés, ainsi qu’un bureau de banque, la poste et un bâtiment de TogoCell, selon de nombreuses sources concordantes.

Dans ce bastion du PNP la situation restait "encore très électrique" mardi après-midi, selon Tom Feiyilley, correspondant d’un journal local contacté par l’AFP. "Les jeunes n’ont pas quitté les barricades, et les forces de l’ordre continuent à tirer des gaz lacrymogènes. La Nationale 1 (qui relie le Togo au Burkina Faso) est toujours fermée", a précisé M. Feiyilley.

Ces manifestations de colère spontanées surviennent après une série de manifestations organisées par une coalition de l’opposition qui mène une forte contestation contre le pouvoir depuis le mois d’août.

Le PNP de Tikpi Atchadam, nouvelle figure de proue de l’opposition, s’est allié à 13 autres partis pour demander une limitation non-rétroactive du nombre de mandats présidentiels et la démission du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, et héritier d’une famille à la tête du Togo depuis 50
ans.

 Nouvelles manifestations -

A Agoé, fief des partisans du PNP dans la capitale de Lomé, deux bureaux des douanes incendiés et des pneus brûlés étaient encore visibles aux abords des voies. Les forces de l’ordre étaient encore très présentes mardi matin mais le calme, revenu.

Le climat reste extrêmement tendu à la veille de nouvelles manifestations dans Lomé contre le pouvoir annoncées par l’opposition pour les 18 et 19 octobre, malgré une interdiction des autorités à défiler les jours de semaine.

Le ministre de la Sécurité, le colonel Yark Damehame, a justifié l’arrestation de l’imam, un proche du Parti National Panafricain (PNP), en assurant que "dans ses prêches, il appelle ses fidèles à la violence et à la haine".

"Le comble, vendredi dernier, il a appelé ses fidèles à tuer des militaires", a ajouté le ministre mardi matin sur l’antenne locale Radio Victoire.

L’imam Alassan a toujours été une voix contestataire au Togo, même au temps d’Eyadèma Gnassingbé, père de l’actuel président, mais dans un contexte de fortes tensions politiques depuis deux mois, il s’est rapproché du PNP.

"Depuis des semaines, sa mosquée est pleine chaque vendredi", constate le journaliste local. "A chaque manifestation, il demande à ses fidèles de prier et de faire le jeûne, mais n’appelle pas à la violence", assure-t-il.

Depuis août, de nombreuses manifestations ont été organisées au Togo, dont celles des 6 et 7 septembre, qui avaient rassemblé plus de 100.000 personnes dans la capitale Lomé et plusieurs dizaines de milliers dans les villes du nord du pays, nouveau foyer de contestation du pouvoir.

AFP