Heurts entre forces de l’ordre togolaises et manifestants à Lomé, le 18 octobre 2017
Au moins quatre personnes ont été tuées par balle mercredi au cours d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre dans les deux principales villes du Togo, où des marches contre le pouvoir prévues par l’opposition avaient été interdites

A Sokodé (nord), deuxième ville du pays où des violences meurtrières avaient déjà éclaté la veille, trois personnes ont été tuées par balle, a déclaré en début de soirée à la presse le ministre de la Sécurité, le colonel Yark Damehame.

Dans la capitale Lomé, le gouvernement dénombrait en fin de journée "un mort et plusieurs blessés par balle", ainsi qu’une soixantaine de personnes interpellées.

Mardi déjà, Sokodé, fief du Parti National Panafricain (PNP, opposition) s’était embrasé après l’arrestation d’un imam proche du PNP. Les violences avaient fait quatre morts - deux adolescents et deux soldats lynchés par la foule.

"Les forces de l’ordre ne sont pas les seules à détenir des armes donc il est difficile de dire qui a tiré", a affirmé mercredi le colonel Yark lors du point presse.

La coalition de l’opposition, qui avait appelé les Togolais à manifester, a dénombré "deux morts dont un élève de 11 ans" et "au moins 20 blessés graves" dans la seule ville de Lomé.

La situation restait très tendue mercredi soir dans les deux villes, quadrillées par un impressionnant dispositif des forces de sécurité, selon plusieurs témoignages et des correspondants de l’AFP à Lomé.

Des manifestants avaient dressé des barricades de fortune faites de briques, de pneus brûlés, de troncs d’arbre ou de carcasses de voitures et les boutiques sont restées fermées dans plusieurs quartiers de la capitale.

La police a notamment tiré à de nombreuses reprises balles de caoutchouc et gaz lacrymogène à Bé, secteur historique de l’opposition d’où devaient partir les marches pour demander la démission du président Faure Gnassingbé, héritier d’une famille au pouvoir depuis 50 ans.

"Nous sommes décidés à aller jusqu’au bout. Nous n’avons plus peur des gaz lacrymogènes. La lutte doit continuer", a confié à l’AFP un manifestant, torse nu, son T-shirt attaché autour de la tête.
 ’Toujours calfeutrés’ -

A Sokodé, de nombreuses voitures dont celle d’un officier ont été incendiées au cours des violences, selon le gouvernement.

Un habitant joint par téléphone a raconté sous couvert d’anonymat, que ,dès l’aube et jusqu’à la nuit tombée, les militaires entraient dans les maisons à la recherche de manifestants.

"Nous sommes toujours calfeutrés chez nous. Tout le monde se demande ce qui va se passer maintenant. On a très peur des bérets rouges", a-t-il indiqué.

Le représentant de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, opposition) à Sokodé, Ouro Akpo Tchagnaou, faisait le même constat un peu plus plus tôt. "Les corps habillés (forces de sécurité) mènent des expéditions punitives dans les maisons. On frappe tout ce qui bouge", a-t-il rapporté.

L’opposition togolaise, qui organise des marches régulières depuis plus de deux mois, avait appelé la semaine dernière à deux nouvelles démonstrations de colère mercredi et jeudi.

Le gouvernement avait aussitôt interdit cet appel, annonçant qu’il n’autoriserait plus les marches pendant les jours de la semaine, pour éviter les "violences" et les "dérives".

Depuis août, de nombreuses manifestations ont été organisées au Togo, dont celles des 6 et 7 septembre, qui ont rassemblé plus de 100.000 personnes dans Lomé et plusieurs dizaines de milliers dans les villes du nord du pays.

Douze personnes dont une majorité d’adolescents, ont ainsi été tuées en à peine deux mois. Amnesty International a également recensé l’arrestation de "plus de 100 manifestants, dont au moins 28 condamnés".

L’opposition réclame depuis plus de 10 ans une réforme de la Constitution, et notamment la limitation à deux du mandat présidentiel.

Le gouvernement, dans ce contexte de crise socio-politique, a assuré qu’il soumettrait son projet de réforme au peuple "d’ici la fin de l’année", par voie de référendum.

Mais l’opposition rejette le texte en bloc : la limitation prévue par le gouvernement n’est pas rétroactive et permettrait au président Faure Gnassingbé, élu en 2005 dans la violence, de se représenter en 2020 et en 2025.

AFP