Du 18 au 25 novembre prochain, se tient à Ouagadougou, dans l’enceinte du SIAO, la quatrième édition du Salon international du textile africain (SITA), avec pour thème, « Port du textile traditionnel africain en milieu scolaire ».
Au menu, exposition vente, défilés de mode populaires, rencontres B to B, débats, etc.

Lancé en 2008, le SITA se veut une plateforme d’échanges et d’affaires pour les professionnels du textile africain, depuis la production de coton jusqu’aux habilleurs, les artisans de l’ameublement, en passant par la transformation, notamment la filature et le tissage.
Environ 15 000 visiteurs professionnels d’Afrique, d’Europe et d’Asie et grand public sont attendus à cette édition qui est celle de la relance, après une interruption due aux remous sociaux que notre pays a connus depuis 2011.
Au moment où le continent noir est envahi par des productions étrangères, où des articles de qualité douteuse sont déversés sur nos marchés à des prix défiant toute concurrence, le SITA revêt à l’évidence deux enjeux majeurs : économique et culturel.
Au plan économique, le coton, communément appelé « l’or blanc », est la principale culture de rente et d’exportation de plusieurs pays africains (Burkina, Bénin, Togo, Tchad, Cameroun, Egypte, Mali, Côte d’Ivoire). Au Burkina, le coton contribue pour environ 4% à la formation du Produit intérieur brut (PIB) et pour 17,5% aux recettes d’exportations, faisant ainsi de lui, le deuxième produit d’exportation du pays après l’or.
Reste que dans tous ces pays, à peine 5% de la production est transformée sur place, par manque d’industrie de filature, l’essentiel étant exporté sur le marché international où la fixation des prix et la fluctuation du cours du coton échappent aux Africains.

Depuis la nuit des temps, le coton est utilisé dans le textile vestimentaire, une fonction profondément ancrée dans les traditions africaines. Mais comment passer de la production artisanale à la production industrielle ? Comment réinvestir l’économie du textile afin qu’elle soit profitable aux consommateurs africains ?
C’est une Lapalissade de dire que les Africains délaissent depuis des décennies, l’usage du textile africain au profit de tenues faites à base de tissus issus de produits non dérivés du coton. Conséquence, on assiste à une disparition progressive, mais continue de certains type de textiles, et au délitement des circuits de distribution.
Le textile africain est toutefois encore au goût du jour, avec une évolution dans sa production. Occupation artisanale dans le passé, la confection de pagnes africains s’est muée en une véritable industrie dans la sous-région. « C’est bon, mais ce n’est pas arrivé », pour reprendre une expression chère aux commerçants dans nos marchés.

Au plan culturel, l’enjeu est de redonner au textile africain la place qui est le sien, c’est-à-dire, celle d’être la marque et l’expression d’une identité culturelle, fondamentalement unique et reconnaissable comme telle dans le « choc des civilisations ». D’autant que la mémoire continentale nous enseigne que nos tisserands et autres ouvriers qui fabriquent des tissus sur des métiers à bras, ont toujours occupé une grande place dans la société traditionnelle. Qui ne se souvient de nos grand-mères qui, jambes croisées, chantonnant, s’adonnaient à longueur de journée, à filer le coton, contribuant à l’éducation des enfants par les charades et autres contes éducatifs ?
Après le FESPACO, le SIAO, le SITHO, le TOUR du FASO, le Burkina a l’ambition à travers le SITA de conforter sa place de carrefour africain de la culture et d’être à l’avant-garde dans le combat pour l’avènement des industries culturelles sur le continent. C’est dans doute la raison pour laquelle, le SITA 2017, qui rappelons-le, est une initiative privée, bénéficie du soutien ferme et entier des autorités politiques.
Comme pour le SIAO et le SITHO, les exposants inscrits vont bénéficier d’une exonération sur tous les produits destinés à l’exposition. Cette exonération à l’entrée leur permet de ne payer les frais douaniers que sur les produits effectivement vendus et non sur tous les produits transportés.
Selon la directrice, Antoinette Yaldia, le SITA vise à « promouvoir le développement du textile africain à travers la création d’une filière porteuse d’espoir pour l’agriculture africaine grâce à la valorisation du port du tissu traditionnel africain ». Plus spécifiquement, il s’agit durant la semaine que va durer le SITA, de valoriser et promouvoir le textile africain, la production du coton bio, protéger et accorder au textile africain sa place dans le contexte de la mondialisation, et accroitre la rentabilité des industries textiles. Ce n’est pas tout : « Nous volons aussi jeter un pont entre l’Afrique et sa diaspora à travers le textile, insuffler aux professionnels du textile africain des ambitions à l’échiquier mondial et enfin pérenniser et institutionnaliser le SITA », détaille Antoinette Yaldia.

Au menu de cette édition, il y a bien entendu, l’exposition vente, occasion de montrer la diversité du textile africain à travers les cultures, ainsi que les dernières technologies en la matière.
Le Sita est aussi le rendez-vous privilégié pour les rencontres entre professionnels d’une part, et entre les visiteurs acheteurs et professionnels d’autre part. Elle se tiendra dans deux pavillons climatisés au sein du SIAO avec des stands spacieux aux normes réglementaires (9m carré).
Il est également prévu des défilés de mode tout à fait particuliers : pas ceux des paillettes et des mondanités, mais des défilés de mode populaires, à l’attention des couches sociales aux revenus assez moyens, mais qui constituent une masse importante dans le circuit de la consommation du textile africain. Ce sera l’occasion pour les stylistes de démystifier leurs créations jadis destinées à une seule catégorie de personnes, afin de diversifier leur potentielle clientèle. Ils offrent aux populations, la chance de découvrir une nouvelle vision de l’approche comportementale en matière d’habillement.
Le SITA, c’est aussi et surtout une plateforme pour les affaires. Des rencontres B to B permettront aux industriels, chefs d’entreprises, tisseuses, bref, aux professionnels du textile de nouer des partenariats dans un esprit gagnant-gagnant.

Cette fête du textile sera aussi l’occasion de réfléchir sur le thème de l’édition, « Port du textile traditionnel africain en milieu scolaire » via un atelier qui rassemblera des chefs d’entreprises, des experts, des producteurs, des spécialistes de l’innovation dans le domaine et des décideurs politiques. Le but étant d’imaginer des pistes et stratégies de promotion de la filière cotonnière dans le milieu scolaire, sachant que les jeunes sont les futurs consommateurs conscients des produits africains. A l’heure où les barrières protectionnistes sont tombées, le patriotisme économique est plus que jamais une nécessité pour soutenir nos économies encore fragiles face aux productions à grande échelle des pays industrialisés.
Enfin, le SITA fermera ses portes par une soirée de clôture tout en apothéose avec l’organisation de la nuit du coton. « A cette soirée, nous avons prévu un défilé de mode des deux meilleurs stylistes de la semaine et de la remise de prix et reconnaissances aux meilleurs contonculteurs, aux meilleurs stylistes, aux meilleurs exposants, aux autorités et acteurs qui, de par leurs actions ou style vestimentaire, valorisent au mieux le textile africain », explique la directrice du SITA.

Georges Diao
Kaceto.net