Longtemps attendu et réclamé, l’exécutif burkinabè s’est enfin décidé à organiser un forum des Burkinabè établis à l’extérieur. Un rendez-vous qui devrait marquer une étape importante dans l’implication de la diaspora au développement du pays

C’est l’une des grandes annonces faites le 31 décembre par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré dans son message de nouvel an : l’organisation d’un forum de la diaspora burkinabè. "Conformément à mon engagement d’impliquer la diaspora dans l’œuvre de construction nationale, j’annonce la tenue du premier forum de la diaspora dans le courant du premier semestre 2018 », a t-il indiqué, espérant que ce rendez-vous avec les Burkinabè de l’extérieur permette "d’échanger de façon approfondie sur les défis à relever ensemble". Il a aussi annoncé que le vote des Burkinabè de la diaspora sera opérationnel en 2020. Voilà qui devrait rassurer tous ceux qui, très nombreux, commençaient sérieusement à douter quant à la participation citoyenne des Burkinabè de l’extérieur lors des prochaines consultations électorales.
D’emblée, il faut saluer le fait que le gouvernement se soit enfin décidé à organiser pour la première fois un forum réunissant l’ensemble de la diaspora burkinabè éparpillée aux quatre coins du monde, comme le font de manière tout à fait régulière, d’autres pays tels le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire pour ne citer qu’eux.
Dans le passé, prétextant le manque de moyens financiers, on s’était contenté d’un format à minima où seulement les délégués du Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur (CSBE) avaient été conviés. Début avril 2017, le ministère de l’Economie, des finances et du développement avait organisé un Forum national sur la migration et le développement, qui n’avait mobilisé que quelques centaines de personnes venues de plusieurs pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Mais à vrai dire, ce rendez-vous n’a pas été à la hauteur des enjeux que représente l’apport de la diaspora burkinabè dans le développement socio-économique et culturel du Burkina.
L’absence très remarquée du ministre des Affaires étrangères, de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur, Alpha Barry, puis de la ministre déléguée chargée de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur, Solange Rita Agneketome/Bogoré ainsi que leurs proches collaborateurs aux débats était la preuve d’un manque de coordination entre les deux ministères dans la politique à conduire vis à vis de la diaspora. A moins que ce ne soit révélateur d’une rivalité malsaine à laquelle se livrent deux entités dont les périmètres et les compétences sont pourtant clairement délimités.
Il est plus que temps de conjuguer les synergies pour capter au maximum l’apport de nos compatriotes vivant hors des frontières nationales dont on estime le nombre à plus de 10 millions. La création d’un ministère délégué chargé de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur, longtemps attendu, va dans le bon sens. Le titulaire du poste, Solange Rita Agneketome/Bogoré, pas assez visible depuis sa nomination, a l’obligation de résultats, notamment dans la mobilisation des fonds et des ressources humaines de la diaspora. Dans un rapport publié en avril dernier et intitulé, "Migrations et envois de fonds : développements récents et perspectives", la Banque mondiale a révélé que les migrants opèrent des transferts importants de fonds vers leurs pays d’origine. En 2016, le Nigeria a ainsi reçu 19 milliards de dollars de sa diaspora, suivi du Ghana et du Sénégal ex-æquo, 2 milliards de dollars, le Kenya 1,7 milliard de dollars, l’Ouganda 1,1 milliard, le Mali 0,8 milliard, l’Afrique du Sud 0,7 milliard et le Liberia 0,6 milliard.

Quand au Burkina, seulement 174 190 852 millions de dollars avaient été transférés par les Koswétos en 2011, montant révélé lors du Forum sur la migration dont on a évoqué pus haut. En somme, des broutilles au regard du nombre de Burkinabè vivant à l’extérieur et du potentiel de fonds qui pourrait être transféré et investi dans l’économie nationale.
Consciente de ce gâchis financier, la ministre déléguée chargée de la Coopération, et des Burkinabè de l’extérieur, a déjà entrepris des concertations avec des banques et établissements financiers burkinabè pour tenter de lever les freins qui nous empêchent de profiter, comme les autres pays, de la manne financière de la diaspora.
Le Forum annoncé par le président sera l’occasion d’explorer des pistes visant à faciliter les transferts de fonds, d’autant qu’à l’inverse de la diaspora de la première génération post-indépendance, qui était pour l’essentiel composée de travailleurs non qualifiés, les Burkinabè de la nouvelle génération diasporique établis à l’étranger ont fait des études et acquis pour certains, une expertise dans leur domaine d’activité. Experts en énergie nucléaire et/ou solaire, spécialistes des trains atterrissage, en génie civil, en informatique, dans le management des entreprises, la conception des programmes scolaires et universitaires, dans la génétique, etc., bref, la diaspora regorge de compétences prêtes à servir le pays, comme le font leurs collègues d’autres pays. Encore faut-il les qu’au delà des incantations, les pouvoirs publics manifestent un intérêt à leur égard. On pourrait ainsi se passer des services de ces experts étrangers, souvent chèrement payés, pendant que des patriotes rongent dans le silence, leur amertume.
Le Forum qui pourrait se tenir en avril sera également l’occasion d’évoquer la participation de la diaspora aux prochaines élections, un sujet devenu un serpent de mer depuis plus de dix ans. Il est temps que les Burkinabè de l’extérieur cessent d’être traités comme des citoyens de seconde zone. Leurs droits civiques et politiques sont pleinement garantis par la constitution en vigueur et dans l’avant-projet constitutionnel remis récemment au président Kaboré. Des Burkinabè de l’extérieur ont activement participé à sa rédaction. En 2009, une loi sur le vote des Pawétos a bien été votée, mais depuis lors, tous les gouvernements successifs ont trouvé des subterfuges pour reporter son application. La réconciliation nationale à laquelle tout le monde appelle de ses vœux passe aussi par l’implication de la diaspora.
A l’heure où les ressources sont de plus en plus rares au plan international, le moment est venu d’imaginer d’autres pistes de financement du développement, en explorant par exemple le patriotisme économique de la diaspora, sachant que dans certains pays, son apport dépasse largement l’aide publique au développement.

Joachim Vokouma
Kaceto.net