Du 20 au 21 février dernier, le nouveau président libérien, George Weah était en visite en France où il a été reçu par son homologue français, Emmanuel Macron. Dans la Tribune ci-contre, Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille regrette que cette visite ait été largement dominé par le sport. "Réduire sa venue à Paris à une simple et amusante rencontre avec d’anciens partenaires ou adversaires des champs de jeu, c’est chanter les grandes vertus et taire les faces obscures", dit-il

George Weah, toute star planétaire qu’il fut, n’était sans doute pas venu en France, mardi 20 et mercredi 21 février, pour parler seulement sports et ballon rond. Son pays, ravagé et meurtri par des années de guerre civile, est socialement, économiquement, asphyxié et exsangue. C’est donc une règle absolue d’existence qu’il est d’abord venu poser à son riche homologue français.

Réduire sa venue à Paris à une simple et amusante rencontre avec d’anciens partenaires ou adversaires des champs de jeu, c’est chanter les grandes vertus et taire les faces obscures.

Dignité perdue
Depuis son élection, le premier devoir de M. Weah est de redonner une dignité perdue à la majorité de ses compatriotes. C’est de faire revenir, dans le giron des humains, les rejetés sociaux. C’est encore de retenir les malheureux candidats à l’immigration, guettés avec voracité et sans pitié en Libye par des esclavagistes modernes.

Le sport ne saurait être l’autodéfense de la survie collective. Quid de la jeunesse ? De l’éducation ? De la santé ? Ou de la culture ? Et puis, quel président invite-t-on à l’aune des résultats sportifs de son pays ou de la réputation de ses champions ? Au mieux, c’est se laisser accaparer par une idée fixe. André Gide disait que cela présente toujours un danger. Au pire, c’est continuer à considérer George Weah comme un vulgaire footeux qui se réclame d’études supérieures lointaines et incertaines. Un footeux avec une sucette à l’entrée du terrain comme on en voit tous les week-ends.

Réunir à l’occasion de son élection à la tête de l’Etat libérien et de son retour en France une brochette de personnalités sportives – avec pas mal d’Africains –, c’est de la part d’Emmanuel Macron et de l’Elysée, chercher la merveille dans l’instant et confondre ascension et descente. Certes, autour du président Macron et de l’invité du jour, il y avait des noms ronflants qui font le sport au quotidien. Il y avait des dirigeants, des pratiquants et même la présence intrigante de Kylian Mbappé, le jeune joueur français du PSG, qui n’était même pas né lorsque Weah effectuait ses chevauchées fantastiques. Il fallait des atours et des ornements pour rehausser l’événement et lui donner un sens. Paternalisme quand tu nous tiens !

Prendre son mal en patience
Le continent africain ne peut être exempté de reproches en la matière. Ahmad Ahmad, le successeur d’Issa Hayatou et nouveau patron du football africain, s’adonne depuis quelques mois à son jeu préféré : menacer de retirer au Cameroun l’organisation de la prochaine Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui doit avoir lieu du 7 juin au 7 juillet 2019. Pour quelle faute ? « Le retard considérable que le pays organisateur connaît dans l’installation des infrastructures », assure le président de la Confédération africaine de football (CAF).

Il serait bien que ce dernier prenne son mal en patience et cesse les déclarations insultantes vis-à-vis de ce grand pays du continent qui, s’est-il payé le luxe de dire, « ne serait même pas en mesure d’organiser un tournoi à quatre ». Ahmad Ahmad devrait se souvenir que le Cameroun a remporté cinq fois la CAN, que ses clubs ont inscrits leurs noms au palmarès de la Ligue des champions africaine, qu’en 1990 en Italie, les Lions indomptables ont été les premiers Africains à se hisser en quart de finale d’une Coupe du monde, que le Cameroun est le pays pionnier en matière de formation avec le centre Kadji et ses célèbres brasseries et, enfin, que ce pays a vu naître Joseph-Antoine Bell, le premier gardien africain à s’imposer en Ligue 1, le légendaire Roger Milla, Samuel Eto’o, mais aussi des joueurs comme Théophile Abega, François Omam-Biyik, Rigobert Song, Grégoire Mbida…

Certes, un pays comme celui-là aurait dû se doter depuis fort longtemps d’infrastructures à la mesure de son potentiel. Mais Ahmad Ahmad devrait savoir ce que le Cameroun a apporté au foot africain et ne pas l’oublier. Elu à la tête de la CAF en mars 2017, il peut être considéré comme un novice à ce poste. C’est la seule circonstance atténuante qu’on peut lui accorder.

Pape Diouf a été président de l’OM de 2005 à 2009.