Face aux fanatismes de toutes sortes, aux actes terroristes et aux autres violences sur fond religieux, l’auteur du texte ci-contre estime que seule la tolérance peut faciliter le vivre ensemble et contenir les extrémismes.

Le moins qu’on puisse dire est que la tolérance n’est pas la vertu première dans le monde d’aujourd’hui. Les actes terroristes à répétition, dont l’écho est amplifié par les moyens d’information et de communication surdéveloppés, nous offrent l’image d’une planète à feu et à sang. Même si nous nous efforçons chacun de maintenir le rythme de nos activités quotidiennes, il n’en demeure pas moins que le danger imprègne nos consciences.
En effet, chacun sait qu’un moment de détente entre amis dans un maquis peut rimer avec la fin de son périple sur terre. Dans ce contexte, la paix ne viendra que de la tolérance. Raison pour laquelle un regain d’intérêt a été constaté partout dans le monde pour l’essai de l’écrivain et philosophe Voltaire (1694-1778) publié en 1763 sous le titre Traité sur la Tolérance.
L’affaire Calas fut à l’origine de l’écriture de l’essai. De quoi s’agissait-il ? Sur fond de conflit religieux entre catholiques et protestants, le fils de Jean Calas, un commerçant protestant de la ville de Toulouse, est retrouvé mort. Le médecin dépêché sur place constate qu’il a été tué par strangulation ou par pendaison.

S’ensuivent des rumeurs chez les catholiques disant que Jean Calas aurait préféré assassiner son fils plutôt que de le laisser se convertir au catholicisme. Aucune preuve n’établit la culpabilité de l’accusé. Mais dans le contexte de haine religieuse et sous la pression de la majorité catholique de la ville, Jean Calas est condamné et exécuté.
Voltaire est indigné par la condamnation à mort d’un innocent et entame alors l’écriture du Traité sur la tolérance. Il consacre le premier chapitre à fustiger le fanatisme des juges catholiques de Toulouse. Puis, s’appuyant sur des exemples historiques, il s’attache avec méthode à montrer les avantages que les humains tireraient de la tolérance.
Pour Voltaire, l’intolérance ne relève ni du droit divin ni du droit naturel. Il prend sa source dans un fanatisme nourri de superstition. Et le philosophe de démontrer les dérives fâcheuses d’une foi dévoyée. Pour lui, la superstition « est à religion ce que l’astrologie est à l’astronomie : la fille très folle d’une mère très sage. »
Ce texte engagé du siècle des Lumières reste d’actualité. Suite aux attaques terroristes de 2015 à Paris, les ventes de l’ouvrage ont littéralement explosé dans les librairies.
Les attentats à Ouagadougou et la dissolution ces derniers jours du groupe dit « de sécurité islamique » à Pouytenga montrent aussi les dangers qui pèsent lourdement sur notre pays si nous n’engageons pas un travail de fond pour promouvoir la tolérance. Car la religion, cette « mère très sage » selon la formule de Voltaire, peut très vite mettre au monde une progéniture « très folle ».

Denis Dambré
(Proviseur, France)