La publication précédente nous a fait jeter un regard sur les attentes d’une fin du monde qui, depuis les temps antiques, ont marqué la conscience des hommes. Ces attentes, tantôt optimistes et chargées d’une espérance de salut ou de réhabilitation de l’être, tantôt lourdes de crainte et de désespoir, pèsent encore sur la conscience de l’homme de l’époque contemporaine.

Les fondements de cette conscience contemporaine d’un terme du monde, sont, naturellement, liés au fait qu’aucune des conquêtes de notre raison n’a pu résoudre l’équation de la finitude des choses et des êtres. Si, en effet, les éléments, pris isolément, sont voués à la finition, par entropie physico-chimique, par mort biologique ou par épuisement et dégradation sous l’effet du temps, alors, il faut se résoudre à accepter que l’ensemble peut connaitre le même sort. Mais la raison ne peut-elle pas mieux faire que le mythe et les croyances, en donnant des contours plus précis de cette fin probable du monde ? Le monde pourrait finir comme il a commencé. De quelle manière alors pourrait-il finir ? C’est là une des questions de base que nous ne pouvons plus contourner, si nous voulons poursuivre l’aventure humaine dans l’univers avec lumière et responsabilité.
À cette étape de la réflexion, nous ne revenons plus sur les craintes et les espérances religieuses d’une fin du monde. Si le monde doit finir par la volonté de Dieu, il finira de la manière et au moment choisis par le même Dieu omniscient, omnipotent, qui créa toute chose ex nihilo. Lui seul sait où se trouvent les termes de son plan de salut et de l’aventure humaine. Tout au plus, il pourrait encore nous révéler ses desseins, en nous envoyant des prophètes de la dernière heure ! Du point de vue religieux, il faut donc rester éveillé, car la fin peut intervenir à tout moment.
Mais, la fin peut être déjà aussi programmée dans le système de l’univers lui-même, comme elle peut découler des errements de la civilisation humaine sur la terre. C’est dans ces cas que l’exercice de notre raison et le progrès de nos connaissances peuvent nous éclairer sur notre sort prochain.
Il faut d’abord souligner que la notion de fin du monde, d’un point de vue scientifique est sans contenu. Dans notre conscience, le monde a évolué des micro-espaces de vie des peuples anciens, à l’univers que nous connaissons aujourd’hui, en transitant par la découverte des contours exacts de notre cadre planétaire de vie, qui est la terre. Dans ce contexte contemporain d’un univers que nous connaissons infini, la fin du monde renvoie à quoi exactement ?

La première hypothèse à entrevoir, c’est celle de la fin de l’univers tout entier. Cet univers, que notre démarche scientifique fait remonter au big-bang d’il y a environ 14 milliards d’années, est-il voué à un retour au néant ? Cette question, en l’état actuelle de nos connaissances, est absolument sans réponse. De la même manière que nous ne savons rien de la provenance de cette matière originelle qui a implosée pour engendrer toute chose, nous ignorons tout du cadre global dans lequel l’univers évolue, puisqu’il semble bien qu’il évolue toujours. L’univers finira-t-il par se dissoudre dans une sorte de néant sans forme et sans fond ? La question, ainsi posée, est au-dessus de notre entendement ! Il faudrait d’abord répondre à la vielle interrogation du philosophe allemand Leibniz qui se demandait : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » La science, notre science, se contente, pour le moment, de chercher à comprendre et à expliquer comment fonctionnent les systèmes de l’univers ; elle n’est pas en mesure de lever le voile sur la provenance et la finalité de l’ensemble. La théorie du big-bang, utilisée pour expliquer la naissance et l’évolution de l’univers, n’est que conjecture scientifique, au même titre que celles élaborées par l’astronomie contemporaine, pour expliquer les trous noirs du firmament, l’expansion de l’univers, et bien d’autres phénomènes observables par nos sondes, nos satellites, nos télescopes électroniques de précision très pointue.

Fort heureusement, depuis la révolution copernicienne, au sortir du moyen-âge, notre rationalité a pris cette orientation qui, au lieu de vouloir justifier le monde, cherche à comprendre comment il fonctionne et selon quelles lois il se maintient. C’est sur ce chemin que nous avons pu cumuler des informations, plus ou moins précises, sur l’univers qui nous englobe. C’est aussi dans ce cadre d’une vision non-géocentrique du cosmos, que la notion d’une fin du monde prend un nouveau sens. À partir de cette révolution épistémologique en effet, la fin du monde ne renvoie plus forcément à un effondrement de tout l’univers, mais à une entropie ou à un cataclysme du système particulier de la planète terre, qui a rendu possible l’apparition et l’évolution de la vie. Nous savons aujourd’hui que dans l’univers, des systèmes entiers peuvent disparaitre sans que l’ensemble ne s’arrête. Ce constat concerne malheureusement notre planète de vie. Les scénarios d’une fin de notre magnifique antre de vie sont d’ailleurs très nombreux, les uns plus probables que les autres.
Le tout premier de ces scénarios, c’est évidemment celui que pourrait engendrer une catastrophe cosmique. Nous le savons, l’univers est fait à la fois d’ordres et de désordres. Nous savons par exemple que la terre s’est définitivement constituée et maintenue dans son axe actuel de rotation autour du soleil, à la suite d’une collision avec une autre planète en perdition, dont les débris donnèrent d’ailleurs naissance à la lune, ce satellite magique de la terre. Un nouveau choc de ce genre, serait fatal à la belle planète bleue ; soit elle éclabousserait en particules de poussière, soit elle sortirait de son axe pour s’éloigner, ou pour se rapprocher du soleil. Dans tous les cas, ce serait la fin du monde, de notre monde ! Nous savons aujourd’hui que si la terre réduit de dix pour cent la distance qui la sépare du soleil, elle deviendrait un énorme brasier de feu ; si, au contraire elle s’éloigne de dix pour cent, elle deviendrait une masse glacière sans aucune possibilité de vie, à l’image de la planète Mars. On comprend pourquoi la NASA surveille de près tout corps stellaire d’une certaine masse et en perdition vers la terre. Dans tous les cas, quelle que soit notre vigilance, un autre événement cosmique nous attend dans sept milliards d’années et demi : c’est la fin du système solaire, puisque l’astre qui nous éclaire, qui nous réchauffe et qui nous maintient dans cet axe de rotation salutaire autour de lui, sera absolument consumé. Le soleil mourra, entraînant avec lui ces huit planètes et leurs satellites. Même si la terre parvient jusque-là, nos chances de survivre à cet événement sont nulles, à moins que l’humanité n’invente une alternative au soleil, ou qu’elle ne trouve, dans l’univers, d’autres planètes propices à la vie et capables de nous accueillir.
Mais, notre belle planète et notre magnifique civilisation parviendront-elles à subsister jusque-là ! Il n’y a rien de moins sûr, au vue de toutes les causes d’apocalypse que nous cumulons au fil des années. Nous passons ici sous silence les risques de conflits nucléaires de grande ampleur, d’épuisement total des ressources de la planète, d’attaques extra-terrestres malveillantes, qui peuvent être certainement des causes d’une fin de notre monde. Notre regard va plutôt vers le risque le plus visible pour l’avenir de notre planète. Il s’agit de la destruction progressive de cette belle couverte qui rend la vie possible sur terre, et que nous appelons la couche d’ozone. Le débat est d’actualité, mais l’action ne suit pas les résolutions. Pourtant, l’émission sans mesure des GES, les gaz à effet de serre, constitue la menace la plus immédiate pour notre survie dans l’univers. Les conséquences de ce phénomène lié à notre mode de production et de consommation seront, dans la durée, fatales pour la planète terre. Il ne s’agit pas seulement d’un modeste réchauffement climatique, de pluies acides, d’inondations ou de sécheresses récurrentes ! Il ne s’agit pas seulement de graves perturbations occasionnelles de l’équilibre des saisons ! Au bout du réchauffement climatique, et certainement dans moins de mille ans, les gigantesques glaciers de la planète fondront, et déverseront d’énormes quantités d’eau dans les océans du monde qui, en débordant, avaleront tous les cinq continents, en commençant par noyer totalement toutes les grandes agglomérations côtières. Imaginez alors les gratte-ciels new yorkais, la Tour Eiffel de Paris, le mont Everest, le désert du Kalahari, du Sahara, celui du Nevada ou d’Arabie, tous complètement avalés par des eaux !

Ce sera la fin de tout sur la terre, à moins que nous ne devenons aquatiques ou que nous ne trouvons une autre niche dans l’univers.
En bilan, il faut dire que tout cela n’est point l’imagination d’un esprit semblable à celui de Nostradamus le visionnaire ! C’est juste la prévision scientifique des conséquences, à moyen et à long termes, de l’allure actuelle de notre civilisation prométhéenne.
Pourtant, bien de mythes anciens nous avaient mis en garde. Celui des Grecs, en particulier, nous invitait à ne pas aller fouiller dans les entrailles de Gaia la terre où se trouvent emprisonnées les forces du mal. Mais, voilà, après le feu et la houille, nous avons accédé au pétrole, et ensuite à l’uranium ! La cause de l’apocalypse la plus proche a donc sa racine dans notre cupidité même. Cependant, tout n’est pas encore perdu. Nous avons encore la possibilité de réagir vite et bien, ne serait que pour retarder cette fin par le déchaînement des eaux, que nous avons-nous-mêmes prédisposé dans l’ordre des choses, alors que le Dieu d’Israël a fait à Noé la promesse de ne plus mettre fin à la créature par le déluge. Pour le reste, pour les autres formes de fins qui nous menacent, il nous faut puiser dans notre curiosité qui nous livre de plus en plus les secrets de l’univers, et dans notre génie créateur qui nous fait aller toujours plus loin dans l’espace, pour trouver des niches de survie dans le ciel infini, ou pour imaginer de nouvelles dimensions à notre existence .
Hoh, homme, te voilà donc au tournant décisif de ton aventure dans l’univers !
Longue vie à notre belle planète verte et bleue !

Zassi Goro ; Professeur de Lettres et de philosophie
Kaceto.net