Il avait échoué en 2002, puis en 2007 à prendre les rênes du Mali. Alors, à son accession au pouvoir en 2013, lorsqu’il déclare, dans un style qui rappelle le général De Gaulle, qu’il a « une certaine image du Mali » et qu’il entend restaurer « l’honneur du pays », tout le monde a envie de le croire. 5 ans plus tard, on a l’impression que toutes ces promesses d’Ibrahim Boubacar Keïta n’étaient que des vœux pieux.

Alors qu’il y a quelques semaines encore, il restait évasif sur la question, le chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a été investi candidat à l’élection présidentielle par une coalition de près de 70 partis, le dimanche 6 mai dernier. Comme l’a expliqué Bocary Tereta, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti présidentiel, « à la demande de son parti et de ses alliés politiques, le président malien IBK accepte d’être candidat à la présidentielle de juillet ».

On se demande bien comment le président en exercice réussira à reconquérir un peuple auquel il avait promis la fin de la corruption, la sécurité et le changement.
En effet, après cinq années d’insécurité, d’instabilité administrative et de pertes des deniers publics liées à la prévarication, il n’est pas certain que les Maliens soient prêts à refaire confiance à IBK.

A Paris, où le président malien a de nombreux amis, sa victoire avait été bien accueillie en 2013. Les liens entre IBK et l’Hexagone sont si étroits, qu’un an après son accession à la magistrature suprême, des enquêtes suggèrent que le président malien a été financé par Michel Tomi. Surnommé le parrain des parrains corses, l’homme est soupçonné de blanchir en France de l’argent gagné en Afrique. Il se serait servi de cet argent pour financer ses amis, dont IBK.
L’ami français du président malien demande même à Bernard Squarcini, un ancien patron des renseignements français, d’assurer la protection d’IBK. Comme le déclare au Monde, l’ex- patron de la Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI), « il fallait sauver le soldat IBK, protégé par la France ».
En fait, les liens entre le président malien et la patrie des droits de l’Homme sont très anciens. On peut, dans un certain sens, dire qu’ils datent de la naissance du président malien.
En fait, les liens entre le président malien et la patrie des droits de l’Homme sont très anciens. On peut, dans un certain sens, dire qu’ils datent de la naissance du président malien.
IBK est né en 1945 à Koutiala, dans le sud-est du Mali colonial. Il grandit à Koutiala où il étudie jusqu’en 1958. Cette année-là, alors qu’il n’a que 13 ans, Ibrahim Boubacar Keïta remporte le concours général organisé par la France dans chacune de ses colonies. Il gagne alors le droit de poursuivre ses études secondaires au prestigieux lycée Janson de Sailly. Pressé par sa famille, IBK retournera au Mali où il termine ses études secondaires au lycée Askia Mohamed de Bamako. Il y obtient son baccalauréat en 1965. Il s’inscrit alors à la faculté de lettres de l’université de Dakar, puis à la Sorbonne, à Paris, où il obtient une maitrise en Histoire. Il étudiera également à l’Institut d’histoire des relations internationales contemporaines (IHRIC), où il obtient un DEA en politique et relations internationales. Après ses études, il enseigne les systèmes politiques du tiers-monde à l’université de Paris Tolbiac. IBK vivra plus de 20 ans en France, avant de retourner au Mali, en 1986.
Quelques semaines après son retour, IBK devient directeur adjoint de la campagne d’Alpha Oumar Konaré pour l’élection présidentielle de 1992. Une fois élu, le nouveau président le nomme, en juin 1992, conseiller diplomatique et porte-parole du président de la République. Au mois de novembre suivant, il est nommé ambassadeur du Mali près la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Burkina Faso et le Niger. Un an plus tard, il est nommé ministre des Affaires étrangères, avant qu’Alpha Oumar Konaré le nomme Premier ministre, en février 1994. A cette étape, IBK n’est qu’à un échelon du fauteuil présidentiel. En attendant, en 1999, il devient vice-président de l’Internationale socialiste, une organisation politique internationale regroupant la majorité des partis socialistes, socio-démocrates et travaillistes de la planète.

En 1999, il devient vice-président de l’Internationale socialiste, une organisation politique internationale regroupant la majorité des partis socialistes, socio-démocrates et travaillistes de la planète.
Lorsque l’élection présidentielle de 2002 se profile, IBK n’arrive pas à imposer sa candidature à la succession d’Alpha Oumar Konaré. Il démissionne de sa fonction de Premier ministre en 2000, quitte le parti présidentiel pour fonder le Rassemblement pour le Mali (RPM). Malgré tout, en 2002, Ibrahim Boubacar Keïta remporte 21,15% des suffrages exprimés, lors du premier tour de l’élection présidentielle. Il est troisième et soutient Amadou Toumani Touré (28,87%), qui bat Soumaïla Cissé (21,44%) au second tour.
IBK pourra se consoler quelques semaines plus tard, à l’issue des élections législatives au cours desquelles sa coalition obtient le plus grand nombre de sièges. L’ancien de la Sorbonne est alors élu président de l’Assemblée nationale. Lors des élections de 2007, son sort ne sera pas bien meilleur qu’en 2002.
En effet, IBK remportera 19,15% des suffrages, se classant deuxième, derrière le président sortant Amadou Toumani Touré… réélu dès le premier tour avec 71,20% des suffrages. Toutes les contestations d’IBK seront vaines et le président sortant de nouveau investi. Mais en 2013, la chance va tourner.
Dès juillet 2011, IBK est désigné candidat du RPM à l’élection présidentielle de 2012. Finalement, le planning électoral du pays sera perturbé par le coup d’Etat militaire qui renversera le président Amadou Toumani Touré, en mars 2012. Alors que le nord du Mali est en proie à une insurrection armée menée par des organisations djihadistes, une mutinerie de soldats éclate à Bamako et à Gao. Les hommes en armes protestent contre la gestion gouvernementale de la guerre et condamnent le peu de moyens à eux alloués. Le président Amadou Toumani Touré est renversé. Le 12 avril, Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale, devient président par intérim. Les élections sont reportées à 2013.
Après la lutte contre les terroristes, durant laquelle le Mali ne résistera que grâce à l’intervention de la France, la classe politique malienne se cherche de nouveaux meneurs. IBK réussit à se présenter comme le candidat du changement. Il promet redonner au Mali « le respect qui lui est dû », notamment en réglant les problèmes sécuritaires et en luttant contre la corruption.
Pourtant, après avoir été élu, IBK semble n’avoir jamais trouvé la méthode pour tenir ses promesses, ni les bons hommes pour l’y aider. En 2016, il a déjà changé 2 fois son Premier ministre. Le secrétariat général de la présidence de la République, un des postes les plus proches du chef de l’Etat, en était à son troisième titulaire, le 29 août 2016. Ensuite, alors que ses partisans l’ont baptisé « Kankeletigui » (« L’homme qui n’a qu’une parole », en bambara), le président finit par manquer à sa parole sur plusieurs promesses.

Alors qu’il est censé combattre la corruption, il se retrouve mêlé à des scandales comme celui déclenché en 2014 par l’achat d’un nouvel avion présidentiel. Le problème : des fonds auraient été détournés dans le cadre de cet achat qui, selon plusieurs expertises, était inutile puisque l’avion du président déposé était techniquement fonctionnel.
Les rapports cumulés, 2016 et 2017, du Bureau du vérificateur général (BVG), qui a analysé la gestion faite par une trentaine de structures a relevé que 75,74 milliards de francs CFA avaient été perdus par l’Etat en irrégularités financières. 11,55 milliards FCFA en fraudes et 64,19 milliards FCFA en mauvaise gestion.
Sur le plan sécuritaire, IBK n’a pas réussi à régler la crise qui secoue le nord du Mali. Les effets de l’accord d’Alger, signé en 2015 avec les groupes armés membres de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), se font toujours attendre. Et alors qu’il se dit qu’IBK perd le soutien de l’Elysée, le président malien peut-il réellement se succéder à lui-même en juillet prochain ?

ECOFIN