Fortement ébranlé après l’insurrection populaire d’octobre 2014 et surtout du coup d’Etat de septembre 2015, le Congrès pour la démocratie et le progrès tente de se refaire une santé. La tenue de son congrès début mai a marqué une étape importante vers son éventuelle renaissance, mais pas assez pour l’instant à faire taire les divisions internes

C’était le principal enjeu du 7è congrès ordinaire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui s’est tenu du 5 au 6 mai dernier au palais des sports de Ouaga2000 : rassembler les cadres et les militants autour d’une direction soudée, et repartir sur de nouvelles bases vers la reconquête du pouvoir d’Etat. Un défi que l’ancien parti au pouvoir avait donné le sentiment d’avoir relevé à l’issue de ces deux jours de conclave. Trois semaines après le congrès, on peut cependant douter qu’ils aient atteint leur objectif. La guéguerre à laquelle s’étaient livrés les différents clans pour le contrôle de la présidence du parti a manifestement laissé des traces qui ne sont pas près de s’effacer. Faute de consensus, on s’en souvient, les sages du CDP avaient eu recours au vote pour départager les deux prétendants, le président sortant, Eddie Komboïgo et Boureima Badini, comme l’avait d’ailleurs recommandé le fondateur, Blaise Compaoré. La transparence du scrutin n’a été remise par personne et les résultats qui consacrent la victoire du candidat Eddie Komboïgo auraient dû mettre fin aux débats sur sa légitimité à diriger le parti.
Officiellement, personne ne conteste désormais sa place, mais en réalité, aux yeux de nombreux cadres, il passe toujours pour un usurpateur ; celui qui a pris le contrôle du parti dans des circonstances exceptionnelles alors que son parcours ne lui en donne pas droit. A la clôture du congrès le 6 mai, Boureima Badini, Juliette Bonkoungou, Mahamadi Kouanda, Jean Koulidiati, et autres « amis de trente ans » du président Komboïgo ont brillé par leur absence. Pour ces derniers, la pilule est très amère à avaler. Au lendemain du congrès, ils se concertés et n’excluent pas de claquer la porte du CDP pour aller créer un autre parti.
Lors de la conférence de presse que la direction du CDP a animée le 30 mai, Eddie Komboïgo et Achille Tapsoba ont préféré éluder la question évoquée par un confrère sur les intentions prêtées à leurs camarades. « Il n’y aura pas de scission au CDP. La compétition est terminée. Il y a un candidat qui a été élu et on s’en tient là », a sèchement répondu le premier vice-président du parti, Achille Tapsoba.
On veut bien le croire, mais l’unité tant recherchée n’est pas encore au rendez-vous, malgré le déjeuner que Boureima Badini et Eddie Komboïgo ont eu à Abidjan quelques jours après la fin du congrès. Face aux journalistes, aucun de ceux qui voulaient lui chiper la place, n’était présent. Or, très symboliquement, la présence au présidium de Léonce Koné ou de Juliette Bonkoungou aurait pourtant constitué un signal fort de la volonté de tous de tourner la page de la brouille pour préparer le CDP aux échéances de 2020. En attendant l’unité de la famille CDPiste qui pour l’instant ressemble à « Godot », le patron du Congrès pour la démocratie et le progrès n’a d’autre moyen de mobiliser ses troupes que décrocher des flèches contre le pouvoir en place. Un exercice dans lequel, il semble se plaire, d’autant que ces derniers temps, l’actualité nationale lui fournit de la matière. « 22 provinces sur les 45 que compte le pays sont menacées par la famine. Il y a des déficits céréaliers, pendant que les gouvernants s’achètent sur le dos du contribuable des voitures Talisman, sous prétexte de crevaisons à
répétition », s’étrangle-t-il.

Le 17 mai dernier, l’asemblée nationale a voté une loi sur l’autorisation de ratification de la convention d’extradition entre le Burkina et la France. Eddie Komboïgo, « qui n’est pas contre la manifestation de la lumière sur l’affaire Norbert Zongo », n’y voit « qu’une loi taillée à la taille de François Compaoré », frère cadet de Blaise Compaoré, qui pourrait être extradé de France vers le Burkina, à la demande du juge qui instruit le dossier Norbert Zongo.
Tout en reconnaissant que la rupture des relations diplomatiques avec Taïwan « est un acte de souveraineté qui incombe aux autorités en place », le patron du CDP regrette toutefois « le manque d’élégance et de reconnaissance à Taïwan pour ses soutiens multiples et importantes à l’égard de notre peuple ».
Sur la « loi Cheriff » adoptée le 7 avril 2015 sous la Transition qui avait conduit à l’exclusion des candidats du CDP à la présidentielle et aux législatives de la même année, le patron du CDP demande « sa suppression pure et simple du code électoral afin de permettre à tous les Burkinabè d’avoir les mêmes chances d’être candidat ». Puis, il enfile la toge d’avocat des Burkinabè de l’extérieur, en plaidant pour « nos frères et sœurs à l’étranger puissent voter sur la base de la NCIB, de la carte consulaire et du passeport ». Ses arguments font mouche. Les militants applaudissent.
Le président du CDP a réussi son face à face avec les journalistes, et satisfait de sa prestation, il est allé ensuite continuer la causerie avec ses proches camarades autour d’un verre dans le bar d’un hôtel. Pour l’unité du parti, on verra plus tard. A chaque jour suffit sa peine !

Joachim Vokouma
Kaceto.net