En vue d’améliorer les chiffres sur la planification familiale dans la région du Nord qui sont actuellement de 21,1%, l’équipe du projet SWEDD a entamé depuis le 24 juin 2018 une campagne de communication dénommée « 100 jours pour convaincre » dans les villes comme Bagare, Tema Bokin, Arbole et Pilimpikou. L’opération est menée avec le soutien financier de la Banque mondiale et l’appui technique de l’UNFPA

La première étape de cette campagne de communication a conduit l’équipe caravanière à Yako chef-lieu de la province du Passoré, une commune où les différentes communautés religieuses vivent en parfaite harmonie.
Dans cette commune, le taux de naissance est très élevé, avec une couverture contraceptive de 34%, au-dessus de la moyenne nationale qui est de 22,5%.
Selon le médecin chef du district sanitaire de Yako, Fabrice Hébié, en 2017, il a été enregistré 14 366 naissances vivantes. Le poids de la religion et des coutumes y sont-elles pour quelque chose dans cette vitalité démographique et le faible niveau d’accès aux méthodes contraceptives ?

En réalité s’il y a un point sur lequel les différentes confessions religieuses s’accordent, c’est qu’elles sont toutes contre "les relations sexuelles et les grossesses hors mariage", et adhèrent toutes au planning familial.
Mais comment explique t-on le nombre élevé de naissances ? Interrogés sur le sujet, les représentants de la religion protestante disent tolérer l’utilisation des méthodes contraceptives modernes même s’ils conseillent l’abstinence et la fidélité à leurs fidèles. Selon le pasteur principal de l’église des assemblées de Dieu, Etienne Salou, pendant leur formation, les pasteurs reçoivent des formations sur le planning familial et une fois sur le terrain, chaque pasteur en parle avec ses fidèles. A cette formation initiale s’ajoutent des séminaires, des camps bibliques où il est question de planification familiale. "Nous sommes totalement d’accord avec la planification et nous
encourageons nos fidèles à la pratiquer", affirme Pasteur Salou.
L’église protestante est également favorable aux méthodes contraceptives modernes, mais rappelle qu’une relation sexuelle hors mariage est un péché. Malgré cette éducation, il arrive souvent que de jeunes filles tombent enceintes et à face à une telle situation, "dans nos assemblées, nous n’enseignons pas l’exclusion de ces filles de nos foyers ; nous les recevons chez nous en les sensibilisant et en leur donnant des conseils", explique Pasteur.
Quant à la religion catholique, elle n’est pas si tolérante face aux méthodes contraceptives modernes (pilules, injectables, stérilet, etc). Rencontré dans la matinée du 26 juin par les caravaniers, Abbé Benoit Sawadogo, vicaire de la paroisse de Yako et représentant le curé de la paroisse est formel : "l’église catholique a toujours opté pour la méthode contraceptive naturelle et la conseille car, c’est une méthode à 100 % efficace et qui respecte la dignité de la personne humaine", a-t-il déclaré. Puis d’ajouter : "L’église, en rapport avec la méthode naturelle resitue la question de l’acte conjugal qui doit être accompli dans le mariage ; c’est un acte qui doit s’ouvrir à la procréation et qui dit procréation, dit aussi éducation. C’est tout un ensemble et c’est pour toutes ces raisons que l’église catholique est contre les méthodes contraceptives modernes qui en réalité, sont des méthodes abortives". Allant plus loin, il se veut précis : "Il y a une grande différence entre les méthodes contraceptives et les méthodes abortives. Est-ce pour empêcher des naissances ou pour tuer des bébés ? Il y a cette distinction qu’il faut faire. Si l’église dit de faire beaucoup attention, c’est pour ne pas laisser les gens tomber dans ces méthodes abortives, car l’église ne peut pas accepter que des enfants soient assassinés, qu’une mère tue ses enfants. C’est le monde en l’envers", a t-il martelé.

Que faut-il donc face aux grossesses qui ne font qu’augmenter chez les adolescentes ?
Pour le prêtre, c’est à nous tous de les sensibiliser et ne pas tout permettre. "Il y a certaines émissions qu’on doit interdire dans nos médias. Il ne suffit pas de mettre un enfant au monde, il faut surtout l’éduquer. Devant un film pas catholique, l’enfant bien éduqué préférera se lever et partir, et si on lui donne un téléphone avec des sujets qui ne rendent pas gloire à Dieu, il va vous le restituer. Mais un enfant abandonné par les parents, laissé à lui-même, éduqué par la rue et ses camarades, voyez ce qu’il va faire. Seule l’éducation permettra d’espacer les naissances de façon naturelle" croit-il savoir.
Sur le fait que la région Nord ait le plus fort taux de naissance, le vicaire "rend grâce à Dieu et remercie le seigneur qui nous donne la vie parce que, c’est lui l’auteur de la vie". Il invite à ne pas oublier qu’une femme sur mille ne peut pas accoucher, à penser à elles, à leur douleur, leur peine et à ne pas voir tout dans le sens négatif."Je n’encourage pas systématiquement les naissances et l’église est d’accord qu’on les espace, mais de façon naturelle", a t-il précisé.
L’Islam n’est pas non plus tendre avec les méthodes de planification dites modernes.
Après une séance de plaidoyer sur la planification familiale menée par des agents de la santé sexuelle et reproductive dans la localité ou toutes les confessions religieuses étaient représentées, nous avons tendu notre micro au représentant de la confession musulmane, Aladji Abdallah Ouédraogo pour avoir son point de vue sur la question.
"On nous reproche souvent nous les musulmans d’être des non partisans des méthodes contraceptives alors qu’au temps du prophète, cela existait bel et bien ; mais ce n’était pas les mêmes méthodes contraceptives qu’aujourd’hui", argumente t-il. Pour lui, utiliser les méthodes contraceptives sous prétexte que nous n’aurons pas assez de moyens pour s’occuper des enfants, c’est condamné par la religion car c’est Dieu qui donne la progéniture et il pourvoit toujours. Utiliser les méthodes contraceptives modernes, c’est tuer les fœtus et la religion musulmane ne peut pas accepter cela".

Frédéric Tianhoun
Kaceto.net