L’adoption de la loi portant code électoral au Burkina continue de susciter la polémique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Dans le texte ci-contre, Judicaël COMPAORE
2è Secrétaire adjoint Chargé des structures du CDP à l’Etranger, membre du Bureau exécutif National et de la direction du CDP en France pointe du doigt les insuffisances et le caractère discriminatoire de la loi

Le vote étant un droit civique et constitutionnel, il est désormais de coutume dans tous les pays épris de démocratie d’organiser la participation de la diaspora tout au moins au scrutin présidentiel. En Afrique de l’Ouest, Béninois, Maliens, Sénégalais, Ivoiriens et bien d’autres ne dérogent pas à ce principe républicain, faisant du Burkina Faso l’exception qui confirme la règle.
Au Burkina Faso, depuis le 7 mai 2009 une loi a été consacrée par l’Assemblée nationale au vote des Burkinabé de l’étranger en ce qui concerne les scrutins présidentiels et référendaires et devait entrer en vigueur pour compter de la présidentielle 2015 [NDLR : d’abord la présidentielle de 2010, puis différé pour, avait-on dit, des raisons financières].
Pour mémoire, la transition autoproclamée a foulé aux pieds cette disposition du code électoral, arguant le fait que les dispositions n’étaient pas optimales pour ce vote en 2015. Faut-il relever que le Mali dans des conditions similaires, sous la présidence de Dioncounda TRAORE a organisé des élections libres, transparentes, et inclusives permettant de remettre le Mali sur la voie démocratique ? Etions nous moins compétents en termes de capacités organisationnelles quand on sait d’ailleurs que la CENI avait déjà procédé à l’installation de ses démembrements dans les différents pays hôtes ?
Le président Rock KABORE ayant affirmé de façon récurrente son entière adhésion à la participation de la diaspora aux élections de 2020, le code électoral ainsi modifié et adopté ce 30 juillet 2018 par des députés godillots de l’A.N apparaît comme une forme de « mouta mouta ». Force est de constater que cette loi prive 90% de la diaspora de son droit de participer aux échéances électorales de 2020. Le caractère versatile de ce pouvoir ne surprend point.
Fallait-il s’attendre à ce qu’il en soit autrement quand on sait que lui-même avait soutenu que l’article 37 était antidémocratique avant de se raviser ? En tout état de cause, et à l’instar des promesses démagogiques nombreuses dont le PNDES, nous sommes en droit d’affirmer que la parole de l’exécutif actuel n’engage que ceux qui y croient. Du reste, le mea culpa semble être la forme républicaine de repentance au pays des hommes intègres.
La crédibilité d’un homme politique ne se mesure-t-elle pas à la constance dans ses idées ?

Du justificatif du votant à l’Etranger

La proposition faite par l’opposition et la société civile pour l’identification de l’électeur à l’étranger, au-delà de la CNIB et du passeport prend en compte la carte consulaire dite BIOMETRIQUE comme document principal en raison de sa fiabilité. De plus, l’Ambassadeur du Burkina en Rpublique de Côte d’Ivoire, Mahamadou ZONGO mettait en exergue cette fiabilité en février 2018 sur les colonnes du Faso.net en disant je cite « Je mets au défi quiconque d’apporter la preuve d’une personne ayant deux cartes produites par l’opérateur avec des informations différentes ». Faut-il également rappeler la circulaire n°2016-00392/MATDSI/CAD du Ministre d’Etat Simon COMPAORE datant du 8 septembre 2016 qui stipule que les cartes d’identités consulaires délivrées à l’étranger par les consulats du Burkina, sont valables sur le territoire national ?
Si donc les autorités du Burkina Faso reconnaissent la fiabilité et la validité des cartes consulaires BIOMETRIQUES, les raisons du refus d’utiliser ce document qui d’ailleurs intègre plus de données que la CNIB, sont sans nul doute à chercher ailleurs.
Au demeurant, 850 000 Burkinabé détiennent cette carte BIOMETRIQUE et cette modification du code électoral est une forme d’exclusion puisqu’elle empêche la majorité des Burkinabé de l’extérieur d’exercer leur droit de vote.
La fin justifie les moyens pour l’exécutif actuel, quant à l’évidence on imagine que leur accession au pouvoir semble avoir été facilitée par l’exclusion, et qu’ils entendent s’y maintenir par une autre forme d’exclusion.

Des lieux de vote à l’étranger

La loi adoptée à l’initiative de l’exécutif consacre les ambassades et les consulats comme seuls lieux de vote ; nul besoin de relever que ceci s’apparente à un apartheid électoral, et dénote une fois de plus de la volonté affichée de l’exécutif d’empêcher l’expression du suffrage de la diaspora. A ce sujet, la CENI, l’opposition et la société civile ont proposé avec pragmatisme l’installation au-delà des consulats et ambassades de lieux de votes supplémentaires en accord avec les pays d’accueil. Comparaison n’est pas raison semble-t-il ; mais pour une analyse factuelle, notons qu’à l’occasion de la récente élection présidentielle du Mali, 433 bureaux de vote étaient fonctionnels en RCI pour 179 000 inscrits. La rationalité serait certainement que pour plus de 2 millions de participants potentiels en RCI, l’on dispose de bien plus que 4 sites de vote que sont l’ambassade et les consulats.

De la révision des listes électorales

Le nouveau code électoral conçu et imposé au forceps par le MPP au mépris des observations de l’opposition et de la société civile, prévoit la messagerie SMS et les appels téléphoniques comme mode de révision des listes électorales. La transparence d’une élection relève de la fiabilité du fichier électoral et il va sans dire que cette configuration ne permet pas de garantir des élections crédibles, libres et indépendantes. La légèreté avec laquelle ce nouveau code aborde la problématique du fichier électoral n’augure pas des lendemains sereins. La démocratie n’est pas un vain mot mais une culture que nous devrons adopter avec ses principes les plus élémentaires ou la réfuter.
De ce qui précède, il est une lapalissade de noter que le vote de la diaspora orchestré tel quel est un vote de formalisme, une exclusion que tout républicain ne saurait passer sous silence.
Le Burkina Faso a plus que jamais besoin de se reconstruire et il est impératif que tous aillent dans le sens de l’objectivité car c’est la seule façon de poser les jalons d’une société harmonieuse, les positions de principes étant toujours celles qui transcendent les générations.
Les hommes passent mais l’histoire demeure.

Dr Judicaël COMPAORE
2ème Secrétaire Adjoint Chargé des Structure du CDP à l’Etranger
Membre du Bureau Exécutif National