Décidément, la polémique née du choix des conseillers devant siéger au Conseil supérieur de la communication (CSC) et l’élection de Mathias Tankoano comme président de l’institution chargée de réguler le secteur de la communication n’est pas près de s’estomper.
Après les passes d’armes entre deux camps, l’un composé de l’Association des journalistes du Burkina (AJB), le Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC) et l’autre, comprenant l’Association des éditeurs et promoteurs des médias en ligne (AEPML), la Société des éditeurs de la presse privée (SEP), l’Union nationale de l’audiovisuel libre du Faso (UNALFA), l’Union burkinabè des éditeurs de services télévisuels (UBESTV) et Publicitaires Associés, voilà qu’une autre structure, l’Union de la presse indépendante du Faso (UNPIF) s’invite dans le débat. Elle se dit préoccupée par le choix de l’ancien conseiller spécial du président du Faso comme président du CSC et appelle à des réformes afin de mieux prendre en compte les intérêts des professionnels de la communication.

Le conseil supérieur de la communication (CSC) après une longue crise consécutive aux affaires judiciaires et de mauvaise gestion de la présidente Nathalie Somé, vient d’être doté d’un nouveau conseil.
La nouvelle équipe qui a pris fonction est présidée par Monsieur Mathias Tankoano, précédemment conseiller spécial du président du Faso.
Le processus de mise en place du nouveau conseil suscite beaucoup de débats et de controverses relativement à la personne du nouveau président et aussi à la façon dont ce processus a été conduit tant à l’interne du conseil pour le choix du président qu’au sein des organisations professionnelles des médias pour le choix de leurs représentants.
L’Union de la presse indépendante du Faso (UNPIF) est vivement préoccupée par ce choix loin d’être anodin d’un président propulsé directement de la présidence du Faso. Ceci au regard des enjeux majeurs actuels qui pourraient être sérieusement contrariés, à savoir notamment la réhabilitation d’une institution ayant perdu son crédit et aussi de la confiance à rétablir avec les médias pour une meilleure régulation qui tranche d’avec les instrumentalisations, la répression et les règlements de comptes.
Comment un fidèle parmi les fidèles du président peut-il garantir l’indépendance et l’impartialité d’une institution de régulation des médias ? L’UNPIF se souvient avoir déjà dénoncé et combattu une procédure d’audition irrégulière et clandestine- le président de l’époque n’était pas informé-, à l’encontre du journal Le Dossier dont le directeur de publication est Adama Ouédraogo dit Damiss. Il avait été demandé deux mois de suspension du journal. Cette tentative contre le journal et la liberté de presse avait été commanditée par l’actuel président Mathias Tankoano alors à Kosyam.
La mise en place du nouveau conseil procède également d’une des manières les plus obscures qu’inacceptables. Il est de notoriété publique que le président du Faso en personne a arbitré au palais de Kosyam l’opposition entre les deux prétendants au poste de président qui avait entraîné le blocage du processus de désignation.
Le consensus dont certains essaient de recouvrir cette désignation aujourd’hui n’en est pas un. Loin s’en faut, il s’agit d’une imposition, car le collège des conseillers a été contraint d’accepter le choix du président du Faso. En rappel, la loi prévoit que les conseillers désignent en toute liberté le président du CSC et non qu’on leur désignent leur président de l’extérieur. C’est la première fois que les choses se passent autrement en contradiction avec le principe de l’indépendance d’une institution comme le CSC vis-à-vis de l’autorité politique.
L’UNPIF regrette la passivité et la résignation de l’ensemble des conseillers surtout les représentants des médias face à une telle situation de violation flagrante de la loi, de manipulation et de régression dont ils ont bien pu avoir conscience et qu’il leur revenait de dénoncer vigoureusement.
Toute cette situation imputable à des desseins politiques de caporalisation et de contrôle de l’instance de régulation des médias pour des visées bien imaginables a eu pour conséquence de mettre en conflit les organisations professionnelles patronales et non patronales des journalistes et des travailleurs.
C’est le lieu d’inviter les uns et les autres à privilégier les intérêts du monde des médias et l’unité d’action face aux problèmes réels en évitant l’exclusion qui passe pour une autoflagellation sur des bases imaginaires qui fragilise l’union et la cohésion et fait, sans l’ombre d’aucun doute, l’affaire des nouveaux prophètes du divisionnisme au sein des médias au plus haut niveau. En la matière, il convient de condamner fermement la hiérarchisation erronée et sans aucune base légale des organisations professionnelles faite par le ministre de la communication Remis Dandjinou au cours de l’émission « SURFACE DE VERITE » sur la télévision BF1 qui s’est évertué à exclure l’AJB et le SYNATIC du champ des organisations professionnelles des médias. Cela correspond ni plus ni moins à une volonté de mettre en conflit les structures des médias entre elles et participe d’une stratégie qui n’est autre que celle du " diviser pour mieux régner" en droite ligne d’une politique de sectarisme, de sélection et d’arbitraire qui caracterise désormais les rapports du ministère vis-à-vis des médias.
L’histoire récente nous rappelle que les organisations patronales et non patronales notamment celles des journalistes ou des travailleurs ont œuvré main dans la main sans différenciation pour lutter en vue de préserver les intérêts et sauvegarder les acquis de la presse. L’illustration parfaite vient de la farouche contestation de la mesure de suspension des émissions interactives prise par le CSC en 2015.
Il en est de même pour le choix des deux représentants des médias au CNT, l’assemblée générale de désignation était composée des représentants des patrons de presse et les représentants des journalistes et des travailleurs ainsi que d’autres structures des médias qui ont désigné un patron de presse et un journaliste pour siéger au CNT à savoir Cherif Sy au titre de la SEP et Bakary Koné au titre de Reporter du Faso.

L’UNPIF appelle à l’inclusion par l’intégration des bonnes pratiques et valeurs qui renforcent la collaboration intelligente et une unité d’action au bénéfice des intérêts des médias qui sont plutôt communs pour tous. Elle préconise que pour toute proposition de poste à pourvoir les patrons et les journalistes discutent et trouvent la meilleure formule de manière consensuelle car l’un ne peut exister sans l’autre.
En tout état de cause, le triste épisode actuel et ce branle-bas à l’occasion de la mise en place de la nouvelle équipe du CSC rappellent la nécessité de corriger et préciser la loi organique qui apparait mal faite en plus d’avoir été dernièrement tripatouillée pour servir d’autres causes extraprofessionnelles que la promotion de la liberté de la presse et une instance de régulation performante et crédible.
Aussi, nous proposons que la loi soit reformée en prenant en compte les aspects suivants :
 Préciser que le président du CSC est désigné parmi les professionnels des médias comme c’est le cas à la CENI où la loi précise que le président est issu de la société civile ,
 Mentionner que les représentants des médias dont un représentant des organisations professionnelles des journalistes et assimilés sont choisis au cours d’une assemblée générale des structures représentatives des médias reconnues auprès du ministère de la communication,
 Réduire le nombre de représentants désignés par le président du Faso et le président de la l’Assemblée nationale à deux (2) pour chaque.

 Augmenter à (4) le nombre des représentants désignés par les médias à raison de : un (1) pour la presse écrite ; un (1) pour la presse audiovisuelle ; un (1) pour la presse en ligne et un (1) représentant des journalistes en langues nationales.

Au regard de tout ce qui précède notamment les contorsions à la loi, la vassalisation du CSC à travers l’immixtion flagrante du président du Faso et les envolées lyriques corrosives et conflictogènes du ministre de la communication autour de la mise en place du nouveau conseil du CSC, l’Union de la presse indépendante de Faso :
 Rejette la procédure profondément caporalisée et viciée de désignation du président du CSC ;
 Prend à témoin l’opinion nationale et internationale quant à la liquidation programmée de la liberté de presse et d’expression par le biais d’un CSC sous les ordres de la présidence du Faso ;
 Met en garde le nouveau conseil du CSC quant à la moindre tentative d’obéir à des instructions et injonctions politiciennes visant la répression, la persécution et le musellement des organes de presse et leurs programmes ou émissions populaires jugés dérangeant pour le gouvernement ;
 L’UNPIF se donne le droit d’agir par tous moyens légaux en cas de dérives et appelle ses membres, les médias, les journalistes, les démocrates et tous les défenseurs d’une presse libre et indépendante à se tenir prêts pour faire barrage à toute incurie ou volonté de remise en cause des acquis démocratiques que viendrait à commettre le CSC présidé par Monsieur Mathias Tankoano.
Fait à Ouagadougou le 13 août 2018

Le président
Souleymane Traoré
Directeur de publication de
Le Quotidien