Après un suspense digne d’un film hitchcockien, Joseph Kabila, le président de la RDC, a décidé de ne pas se présenter aux prochaines élections. Il a préféré désigner Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat du parti au pouvoir. Problème, tous les membres de la formation politique ne valident pas ce choix. Qu’à cela tienne, sachant que même le Christ ne faisait pas l’unanimité, Joseph Kabila et son successeur ne semblent pas s’émouvoir des réactions négatives à ce choix.

Le 8 août dernier, le président de la RDC a surpris son monde en annonçant qu’il ne se présenterait pas aux prochaines élections présidentielles. C’était également l’occasion pour le président de sortir le dernier atout dans sa manche : un successeur. En l’occurrence, Emmanuel Ramazani Shadary, le nouveau candidat du parti au pouvoir.
Si le nom de ce catholique pratiquant, père de 8 enfants, semble moins médiatisé que celui de certains proches de Joseph Kabila, le secrétaire permanent du parti au pouvoir a pourtant été de tous les combats de celui qui dirigera la RDC jusqu’en décembre prochain. Pourtant, le choix du nouveau dauphin est déjà critiqué au sein même de sa formation politique.

« Monsieur coup sur coup », c’est le surnom donné affectueusement à Emmanuel Ramazani Shadary au sein du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), formation politique de Joseph Kabila. Pour l’opposition, il serait plus opportun de l’appeler monsieur coups sur coups. En effet, l’homme, un fidèle de la cause Kabila depuis l’époque du père de l’actuel président, était jusqu’en février dernier, avant sa nomination au poste de secrétaire permanent du PPRD, ministre de l’Intérieur.

En effet, l’homme, un fidèle de la cause Kabila depuis l’époque du père de l’actuel président, était jusqu’en février dernier, avant sa nomination au poste de secrétaire permanent du PPRD, ministre de l’Intérieur.

Il a notamment dirigé la violente répression des manifestations réclamant, ces derniers mois, que Joseph Kabila ne se présente pas aux élections du 23 décembre. Pour cela, il fait partie des personnalités sanctionnées par l’Union européenne. Ainsi, celui qui était, lors de ces bains de sang, responsable des services de police et de la coordination du travail des gouverneurs provinciaux, ne peut plus traverser les États-Unis et les pays de l’UE. Ses avoirs, dans ces pays, ont également été gelés.

Qu’importe, s’il dirige le Congo, du moins nominalement. En effet, nombreux sont ceux qui pensent qu’Emmanuel Ramazani Shadary ne sera, s’il est élu, qu’un intermédiaire entre Joseph Kabila et le pouvoir. En effet les postes de président du PPRD et de secrétaires permanents créés par Joseph Kabila, respectivement pour lui et son dauphin, n’avaient jamais existé au sein de la formation politique. Pour les opposants, c’est une manière pour Joseph Kabila de garder la main en cas de victoire de son parti aux élections présidentielles.

Effectivement, on voit mal Emmanuel Ramazani Shadary se retourner contre l’actuel président, tant il se montre fidèle à sa cause, comme il l’était à celle de son père, se satisfaisant de l’ombre des deux présidents.

Emmanuel Ramazani Shadary est né en 1960 dans la province du Maniema, située à l’Est de la RDC. Après une licence en sciences politiques et administrative obtenue à l’université de Lubumbashi, il s’inscrit en troisième cycle de sciences politiques et administratives à l’université de Kinshasa. Une fois diplômé, il travaille comme assistant à l’Institut Supérieur de Développement Rural de Bukavu, puis à l’Institut Supérieur de Commerce. A cette époque, marquée par la conférence nationale souveraine en RDC, Emmanuel Shadary Ramazany n’est encore qu’un activiste. Il milite au sein de la société civile au Katanga et au Maniema, avant d’adhérer à l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti d’opposition à Mobutu, fondé le 15 février 1982.

Il milite au sein de la société civile au Katanga et au Maniema, avant d’adhérer à l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti d’opposition à Mobutu, fondé le 15 février 1982.

En 1997, après la prise de pouvoir de Laurent Désiré Kabila, ce dernier le nomme vice-gouverneur du Maniema. Un an plus tard, Emmanuel Ramazani Shadary est promu gouverneur de la province. Il participe, au début des années 2000, à la création du PPRD. Il gravit ensuite les échelons du parti, dont il dirigera bientôt le groupe parlementaire à l’Assemblée.
Avant cela, il devient, en 2005, secrétaire exécutif national du PPRD, en charge du processus électoral et de la discipline. En 2006, Emmanuel Ramazani Shadary est élu député. Réélu, 5 ans plus tard, il prend la tête du groupe parlementaire du PPRD à l’Assemblée nationale. En 2015, sa fidélité au président, peu enclin à donner sa confiance, est récompensée. Il est désigné secrétaire général adjoint du PPRD. Dans la foulée, il occupe, entre 2016 et 2018, les postes de vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, jusqu’en février, lorsqu’il est nommé secrétaire permanent du parti au pouvoir par Joseph Kabila.

Dans la foulée, il occupe, entre 2016 et 2018, les postes de vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, jusqu’en février, lorsqu’il est nommé secrétaire permanent du parti au pouvoir par Joseph Kabila.

Désormais candidat aux élections présidentielles, Emmanuel Ramazani Shadary n’est pas encore accepté par tous les proches du pouvoir. Certains, déçus de ne pas avoir été choisis à sa place, tardent à lui annoncer leur soutien.

Du côté de l’opposition, on craint surtout qu’il ne soit un prête-nom à Joseph Kabila, à la tête de la RDC. Une crainte compréhensible, lorsqu’on entend l’actuel président déclarer à ses homologues de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) : « Je ne vous dis pas au revoir, mais à bientôt ». Cette déclaration aurait pu avoir l’air anodine. Seulement en RDC, on ne donne pas facilement le bon Dieu sans confession… ni même après.

Agence ECOFIN