"C’est un coup de tonnerre", estime dimanche le spécialiste de course à pied Pascal Silvestre, à propos du nouveau record du monde de marathon.

"On a vraiment affaire à un phénomène comme on n’en a sans doute jamais eu dans l’histoire du marathon contemporain", a affirmé dimanche 16 septembre sur franceinfo Pascal Silvestre, rédacteur-en-chef de Runners.fr, qui a couru plus de 50 marathons. Il réagissait à la victoire du Kényan Eliud Kipchoge qui, dimanche après-midi à Berlin, a battu le record du monde. Le champion olympique de la distance a parcouru les 42,195 km du marathon en 2 heures 1 minute et 40 secondes. Le dernier record remontait à 2014, déjà à Berlin.

franceinfo : Moins de 2 heures 02, c’est la première fois qu’un homme passe sous cette barre symbolique, est-ce que c’est une performance hors du commun ?

Pascal Silvestre Oui évidemment, mais je ne suis qu’à moitié surpris. D’abord parce que maintenant on sait que la progression va vers un marathonien en-dessous des deux heures. La progression est assez régulière et on peut imaginer que cette barre sera cassée rapidement. Et puis parce que Berlin est le marathon le plus rapide de la planète. Tous les meilleurs temps de la dernière décennie se sont faits là. On tient avec Eliud Kipchoge l’équivalent d’un Usain Bolt sur le sprint : il est invaincu depuis neuf courses, il a gagné trois fois Berlin, trois fois Londres, il est champion olympique en titre, on a vraiment affaire à un phénomène comme on n’en a sans doute jamais eu dans l’histoire du marathon contemporain.

Les records sont toujours établis à Berlin depuis 2007, pourquoi ?

Moi je l’ai couru trois fois et ce sont des conditions météo idéales, il n’y a pas de vent, le parcours est très plat, il n’est pas cassant, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de relance, de courbe ou d’angle. Et puis ça a moins aidé Kipchoge que des coureurs de mon niveau, mais il y a une telle densité de bons coureurs qu’on a toujours des copains ou des copines pour avancer quand on coince un peu.

Eliud Kipchoge a-t-il aussi été aidé par un matériel toujours plus performant ?

Franchement, je ne crois pas beaucoup à ça. Je ne crois pas que le matériel soit à ce point meilleur, même si les équipementiers veulent nous le faire croire, je ne suis pas sûr que ce soit le point le plus déterminant. Je pense que la diététique joue un rôle plus important, je pense que les techniques d’entraînement jouent définitivement un rôle plus important. Je parlais d’Usain Bolt tout à l’heure. Kipchoge a 33 ans, Usain Bolt - qui est désormais retraité - en a 32, donc nous avons affaire à des athlètes très matures avec des gabarits très différents. Kipchoge c’est 1,67 mètre pour 57 kilos, c’est-à-dire qu’il mesure 30 cm de moins d’Usain Bolt et pèse 40 kilos de moins, donc nous avons vraiment affaire à des gabarits très particuliers, pas puissants mais qui sont d’une résistance remarquable.

Comment travaille-t-il cette résistance ?

Kipchoge a une manière de s’entraîner qui est assez moderne pour les Kényans. Ils ont des volumes kilométriques hebdomadaires extrêmement importants : plus de 200 kilomètres par semaine, mais ils travaillent avec des intensités d’efforts un peu différentes par rapport à ce qu’on faisait autrefois. Kipchoge revendique le choix de ne jamais aller au bout de son effort possible pendant l’entraînement pour se réserver sur les jours de courses. Ce sont des athlètes d’une telle qualité que je ne suis pas surpris par ce chrono, plus d’une minute de mieux que le record précédent, on a affaire à quelque chose de très important. C’est un coup de tonnerre et je pense effectivement qu’on peut imaginer que dans les trois ou quatre prochaines années on aura soit Kipchoge, soit un autre coureur des hauts plateaux, un Kényan, qui sera sous les 2 heures.

franceinfo