Le 15 janvier 2016, en début d’après-midi, quelques heures avant de commettre le carnage dans le restaurent Capuccino et à l’hôtel Splendide, sur l’avenue Kwamé Nkrumah, les terroristes avaient mené une autre attaque contre un convoi de civils et de gendarmes à Tin Abao, à 40 km de Tin-Akoff, une ville frontière avec le Mali, dans le Nord du Burkina. Bilan, deux morts, un civil et un gendarme. Deux gendarmes sont blessés dont un grave. Kaceto.net revient sur cette journée cauchemardesque qui a plongé le Burkina dans l’horreur de la barbarie terroriste.

Depuis plusieurs années, les pays de la bande sahélo-sahélienne mobilisent leurs forces pour faire face à la menace terroriste. Certes, les hordes djihadistes qui ont occupé le Nord du Mali, et y ont semé la terreur, ont été chassés par une coalition internationale conduite par la France, mais leur capacité de nuisance n’est pas totalement anéantie. Le Burkina, qui partage près de 1000 km de frontière avec le Mali, y a déployé des unités militaires, dont la base de Tin-Akoff pour empêcher toute infiltration sur le territoire national. Les militaires, gendarmes et policiers qui y sont affectés ratissent en permanence la zone pour assurer la sécurité des populations et des infrastructures économiques. Régulièrement, des terroristes brutalisent les habitants, pillent parfois leurs biens, et comme s’ils narguaient les forces de l’ordre, ne s’embarrassent même pas de camoufler les armes qu’ils portent.
A la première heure du 15 janvier, une mission est programmée sur Tin-Abao, une localité située à une quarantaine de km de Tin-Akoff. Elle comprend neuf (9) personnes : le préfet de Tin-Akoff, quatre (4) de ses collaborateurs et quatre (4) gendarmes. Tous prennent place à bord d’un véhicule 4x4 double cabine.
Objet de la mission : découper des parcelles sur le lieu du marché et les distribuer aux commerçants candidats. Pendant que le préfet et ses collaborateurs accomplissent cette tâche, les gendarmes prennent position autour du marché et veillent au grain. Les choses se passent vite et sans accroches si bien qu’aux environs de 12h30, l’opération est terminée. Avant de prendre la route du retour, le préfet et le patron de la gendarmerie décident de rendre visite à un prêcher, à dix minutes de In-Abao. La visite dure à peine vingt minutes. Il est environ 14 heures quand tout le monde embarque. Le chauffeur met le cap sur Tin-Akoff. Mission accomplie aussi bien pour les civils de la préfecture que les gendarmes. Détendus, les occupants du véhiculent débriefent et plaisantent. L’ambiance est bonne. Parmi les gendarmes, certains avaient assuré la garde la nuit passée. Regagner la base et surtout récupérer leur fera du bien.
Le 4x4 vient d’avaler une dizaine de km quand, tout d’un coup, ses occupants sont pris pour cibles par des tirs nourris, un déluge de feu venant de partout. Un des civils est atteint en plein cœur par une rafale. Il s’écroule et rend l’âme. Les autres basculent d’un côté du véhicule et essaient de se protéger. Les gendarmes tentent de riposter, mais le rapport de forces penche en faveur des assaillants. Une première balle perfore la main droite d’un gendarme. Le sang gicle. Il parvient néanmoins à riposter, mais reçoit une deuxième balle qui traverse cette fois, sa hanche. Impossible à présent de faire le moindre mouvement. Son collège est aussi sévèrement touché. Une balle a atteint son genou et l’a explosé. Sous le feu des projectiles, le véhicule prend feu. Les six autres occupants du véhicule réussissent à s’échapper. La fusillade a été de courte durée, mais très violente. Quelque temps après, les assaillants viennent inspecter le véhicule. Un d’eux constate que le gendarme blessé au genou est encore vivant. Il lui retire le pistolet et l’achève. L’autre, atteint à la main et à la hanche est aussi vivant, mais par instinct de survie, il fait le mort. Le terroriste n’a pas jugé bon de gaspiller une balle sur lui. C’est ainsi qu’il a la vie sauve ! Pendant un bon bout de temps, il reste couché, inerte, en plein soleil, avant d’être secouru par un civil qui s’était caché pas très loin du lieu de l’attentat. Il ne voulait pas abandonner ses compagnons d’infortune d’un jour.
Dans la soirée, le commandant de gendarmerie est revenu les chercher, et au retour, en cours de route, une ambulance a pris le relai. A Tin-Akoff, on prodigue les premiers soins au blessé, puis direction Gorom-Gorom d’où un hélicoptère l’embarque à destination de l’hôpital Blaise Compaoré à Ouagadougou. Une source hospitalière a confirmé à Kaceto.net qu’un gendarme a été admis dans cet établissement, a subi des opérations, y est resté de janvier à mars avant d’être évacué hors du Burkina par le ministère de la Santé pour des soins appropriés.
Sur cette attaque, tout laisse penser que les terroristes ont été informés de la présence de gendarmes et d’autorités de l’Etat dans le village. La mission est sans doute tombée dans un guet-apens, avec probablement la complicité d’informateurs camouflés dans la localité. Quatre mois après, les terroristes sont encore passés à l’action, attaquant dans la nuit du 31 mai au 1er juin, le poste de police d’Intangom, toujours dans le Nord et tuant trois policiers.

Joachim Vokouma
Kaceto.net