Successeur de son père à l’issue d’une élection contestée par l’opposition en 2009, le président Ali Bongo brigue un second mandat face à des adversaires, dont Jean Ping, décidés à lui barrer la route

Demain 27 août, les citoyens gabonais iront aux urnes pour élire celui présidera aux destinées du pays pour les sept prochaines années. C’est la cinquième fois qu’un scrutin présidentiel est organisé depuis l’avènement du multipartisme au début des années 90 au Gabon. 14 au départ, les Gabonais auront finalement à départager 10 candidats à la magistrature suprême, dont les plus en vue sont incontestablement le président sortant, Ali Bongo Ondimba (57 ans) et Jean Ping (74 ans), l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, longtemps ministre des Affaires étrangères de Bongo Père, dont il était par ailleurs le gendre.
Parmi les autres candidats sur la ligne de départ, il y a Claver Maganga Moussavou (64 ans), leader du Parti social démocrate (PSD). Plusieurs fois ministre, il brigue le fauteuil présidentiel pour la 4ème fois ; Raymond Ndong Sima, 61 ans, cet économiste, qui a été premier ministre d’Ali Bongo (février 2012 à janvier 2014) tente sa chance pour la première fois. A 77 ans, Paul Mba Abessole avait troublé le sommeil de Bongo père en le défiant à la présidentielle de 1993. Il était alors le leader du Rassemblement national des bucherons, devenu le Rassemblement pour le Gabon (RPG). Son programme est bien résumé dans son slogan : « Ecole cadeau, hôpital cadeau, travail pour tous ». Augustin Moussavou King, président du Parti Socialiste Gabonais (PSG), un Plan Marshall de 15 000 milliards de FCFA pour faire en sept ans du Gabon un pays prospère. C’est la deuxième fois qu’il brigue la présidence après une première tentative en 2005. Abel Mboumbe Nzondou, 46 ans, fonctionnaire municipal, il se présente en candidat indépendant et entend profiter de la tribune de la présidentielle pour conscientiser la jeunesse sur la mal gouvernance qui hypothèque son avenir.

Dieudonné Milama Mintogo, 48 ans, lui aussi mise sur la jeunesse pour poser les bases d’une société fondée sur le mérite et la promotion sociale. Quant à Gérard Ella Nguéma, transfuge du rassemblement national des Bucherons, il avait connu la prison sous Omar Bongo. Il se veut l’héritier du regretté André Mba Obame, celui qui avait revendiqué la victoire en 2009 face à Ali Bongo.
Bruno Ben Moubamba, Ping Ndama Oyé Mba, ou Roland Désiré Aba’a Minko complètent la liste des prétendants qui rêvent d’occuper le Palais du bord de mer à la place de son locataire actuel, Ali Bongo.
Contrairement aux précédentes consultations, celle de demain semble plus ouverte et à l’issue très incertaine. Dans ce scrutin à un tour, tout va sans doute se jouer entre Ali Bongo et Jean Ping. Le premier s’appuie sur son bilan et promet d’en faire plus durant son second septennat. Le 28 juin, devant le parlement, Ali Bongo a fait l’inventaire de ses réalisations depuis son arrivée à la présidence. On apprend ainsi qu’entre 2010 et 2016, la capitale Libreville a été dotée de quatre centres hospitaliers universitaires de référence en cancérologie, orthopédie et traumatologie, et d’un centre d’instruction des armées, tous équipés de moyens modernes aux normes de l’Organisation mondiale de la santé. « Rien n’est trop cher, rien n’est très beau pour la santé de ceux qui vivent sur le territoire gabonais », a t-il commenté. Il y a surtout la mise en place d’une sécurité sociale au profit des plus démunis. Depuis 2014, la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) prend en charge à 100% les soins des personnes atteintes de cancer, et les frais médicaux de tous les Gabonais admis aux urgences dans l’heure qui suit dès lors que le pronostic vital est engagé, de même que les consultations prénatales.
Résultat, en 2016, près de 800 000 personnes auraient été prises en charge par la CNAMGS, un chiffre cependant très contesté par certains professionnels de la santé.
Au plan économique, la grande réforme aura été sans doute l’interdiction de l’exportation de bois brut décidée en 2010 et l’obligation de le transformer sur place, une mesure qui a fait baisser de 45% le volume de grumes exportés entre 2009 et 2015. Dans le même temps, le volume de bois transformé sur place est passé de 550 000 m3 à 972 000 m3, soit une augmentation de plus de 70% ! Selon les chiffres officiels, la contribution du secteur bois aux recettes de l’Etat est passée de 122 milliards en 2009 à 226 milliards en 2015, avec à la clé, des milliers d’emplois créés.
Quant aux infrastructures routières, le président candidat se vante d’avoir construit autant de routes en sept ans que depuis l’indépendance : « Alors que le Gabon ne comptait que 900 km de routes bitumées en 2009, il en compte aujourd’hui 1 572 », a t-il révélé devant les parlementaires, précisant que « le Gabon a construit en sept ans 672 km de routes, quasiment l’équivalent de l’ensemble de routes construites depuis l’indépendance du Gabon le 17 août 1960 ».
Construction d’écoles, augmentation du nombre de boursiers et du montant de la bourse, adductions d’eau, diversification de l’économie qui a permis d’amortir le choc de la chute du prix du pétrole, etc., c’est un Ali Bongo fier de son bilan qui se présente devant ses compatriotes, convaincu qu’ils lui renouvelleront son mandant.
Son optimisme cache mal pourtant la fébrilité qui a saisi certains de ses partisans, face au camp d’en face. Depuis le ralliement de Casimir Oyé Mba et de Guy Nzouba Ndama à la candidature de Jean Ping dans la nuit du 15 au 16 août (http://kaceto.net/spip.php?article531), deux poids lourds de la scène politique gabonaise, le rapport de forces a changé.
Ancien premier ministre et ex gouverneur de la BEAC, Casimir Oyé Mba, 74 ans, dirige l’Union nationale, le parti du défunt André Mba Obame, une formation qui pèse dans l’électorat gabonais, particulièrement parmi les jeunes, notamment à Libreville. Président de l’Assemblée nationale pendant 20 ans, Guy Nzouba Ndama avait démissionné du PDG avec fracas, emportant avec lui de nombreux cadres. Dans un pays comme ailleurs sur le continent, où l’électeur regarde souvent plus l’épaisseur du portefeuille du candidat que son programme politique, le trio Ping-Nzouba-Oyé Mba, tous des caciques de l’ancien parti unique, (le parti démocratique gabonais) et anciens collaborateurs proches de Feu Omar Bongo, n’est pas le moins bien loti.
La précampagne avait été marquée par la polémique nauséeuse sur la « gabonité douteuse » d’Ali Bongo, ses opposants l’accusant de n’être pas né Gabonais, donc disqualifié par l’article 10 de la constitution pour briguer la présidence de la république. Mais les recours introduits pour invalider sa candidature ont été rejetés par la Cour constitutionnelle. Dès lors, ceux qui veulent bouter le locataire du Palais de bord de mer ont recentré leurs discours sur la gouvernance du président sortant, pointant son incompétence et son embrigadement par ce qu’ils appellent la légion étrangère, c’est-à-dire, la présence de d’étrangers à des postes stratégiques de l’Etat.
Le scrutin du 27 août peut-il déboucher sur une alternance pacifique ? On peut en douter. Hier, la chef de la mission d’observation électorale de l’Union européenne, Mariya Gabriel a rappelé que « la confiance dans la crédibilité et dans l’exactitude des résultats d’une élection est grandement renforcée lorsque le processus de compilation et publication des résultats est conduit avec transparence et rapidité », et plaidé pour que la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) fournisse des données détaillées sur le vote par procuration. « Une mesure de transparence qui pourrait renforcer la confiance dans le processus de vote ». Sauf que la Cenap n’a pas de site internet, ce qui ralentira la publication des résultats compilés. Et que dans le même temps, des rumeurs sur une possible interruption de l’internet circulent toujours, malgré le démenti du ministre de l’Intérieur.

Joachim Vokouma
Kaceto.net