A Kinshasa, un homme perturbe depuis plusieurs semaines les plans du clan présidentiel. En effet, porté par une large partie de l’opposition, Martin Fayulu semble avoir le vent en poupe et pourrait bien remporter les élections, si toutefois elles ont lieu.

Le 11 novembre, l’alliance Lamuka, une coalition d’opposition où se retrouvent, entre autres, Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, avait désigné Martin Fayulu candidat commun officiel. Deux leaders politiques quitteront l’alliance dès le lendemain de cette décision. Des défections que le candidat commun semble surmonter contre toute attente.

Un choix surprenant

Après la rencontre des principaux leaders congolais de l’opposition réunis à Genève et chargés de choisir un représentant commun pour affronter le candidat du camp présidentiel, un vent de surprise s’est emparé de Kinshasa. Alors que des noms comme ceux de Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi étaient attendus, c’est l’ancien homme d’affaires Martin Fayulu qui représentera l’alliance Lamuka (réveil ; ndlr) aux élections.
L’intéressé n’est actif en politique que depuis une quinzaine d’années ; pas assez pour ses détracteurs. Né en 1956, il a obtenu une maitrise en économie générale à l’Institut supérieur de gestion de Paris, avant une maîtrise en Californie. Il rejoint la filiale congolaise du groupe pétrolier, actuel ExxonMobil, en 1984. Il y reste jusqu’en 2003, alors qu’il occupe le poste de directeur général. Trois années plus tard, il est élu député. En 2009, il participe à la création du parti « Engagement pour la Citoyenneté et le Développement » (ECiDé). En 2011, il est de nouveau élu député pour sa formation. En tant qu’acteur politique, sa visibilité ne s’est accrue que ces dernières années. L’augmentation de sa notoriété est intervenue à cause de son opposition déterminée à la famille Kabila.

Des épisodes comme ceux du 19 septembre 2016, où une balle a failli le tuer pendant la répression d’une manifestation anti-Kabila, ont renforcé son opposition au pouvoir en place.

Malgré ce début de notoriété, le fait que tous les poids lourds de l’opposition aient porté leur choix sur Martin Fayulu était si surprenant que certains partisans de l’opposition sont descendus dans les rues pour protester.

Des soutiens forts mais des adversaires déterminés

Très vite, vite les premières manifestations de désaveu ont fait la place à une liesse populaire. Finalement, des sept leaders devant former l’alliance Lamuka, seuls Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi ont décidé de quitter les rangs. La présence aux côtés de Martin Fayulu, de Moïse Katumbi et de Jean-Pierre Bemba a tôt fait de disperser les doutes de la plupart des sceptiques.
Depuis plusieurs jours, l’ancien d’ExxonMobil enchaîne les meetings et les bains de foule, faisant presque oublier qu’il n’était pas réellement le premier choix pour affronter Emmanuel Shadary Ramazani.
Mais, petit à petit, Martin Fayulu séduit les Congolais et draine de plus en plus de partisans. A tel point que les autorités en place refusent de le laisser entrer à Kinshasa.
Voir ce candidat, plus dangereux que jamais, drainer des foules dans la capitale serait à la fois un affront et le symbole d’une défaite annoncée. « Ils me bloquent parce qu’ils ont peur d’avoir plus de 3 millions de gens dans la rue. Ils veulent arrêter le phénomène Fayulu mais personne ne peut l’arrêter, car c’est un phénomène divin et je n’ai pas peur de mourir », explique celui que ses partisans surnomment désormais « le soldat du peuple ».
Finalement, il entrera dans Kinshasa, après d’âpres négociations. Mais son meeting sera annulé et la foule, dispersée sous la pluie. Quelques heures plus tard, on apprendra que les élections sont reportées au 30 décembre.

ECOFIN