« … On fait venir des étrangers armés qui sont stationnés maintenant dans beaucoup de villages… » " … Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de café, de cacao ; et ensuite, les gens se sont installés à leur propre compte, et aujourd’hui, ils agressent les planteurs ivoiriens et se disputent même la propriété des terres »
« … Il faut que nous réagissions pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux, car actuellement on fait en sorte que l’Ivoirien soit étranger chez lui. Mais les Ivoiriens n’accepteront jamais cela… ».

Ces propos tenus par l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié le 5 juin dernier dans son fief de Daoukro devant ses partisans ont suscité une avalanche de réactions indignées, dont celle -ci-contre) du professeur de Philosophie Kouadio Augustin Dibi

"On fait venir des étrangers armés qui sont stationnés dans beaucoup de villages ..." De tels propos tenus en pleine modernité par une personne assurant la direction d’une formation politique créée par le Président Félix Houphouet-Boigny révèlent, d’évidente façon, que le PDCI- RDA, comme il va, n’honore plus son concept, n’est plus tout simplement à la hauteur de l’idéal de fraternité, d’ouverture sur l’Universel, de culture d’une amitié de l’homme constituant l’assise fondamentale de l’œuvre du premier bâtisseur de notre pays !

Nous avons écrit que la plate-forme politique envisagée par le PDCI avec d’autres partis politiques risque d’être bien plate, la raison refusant la possibilité même de son effectivité , une fois représentée !

Là où font défaut les idées, la cohérence logique et la générosité d’un idéal à partager, il ne reste plus que le retour à l’immédiateté du cœur et à cette partie obscure de notre âme dont parle Platon qui, libérée, ose tout !

La haine de l’étranger révèle que je n’ai pas appris à me regarder dans mon propre miroir, à me connaitre moi-même, à visiter intimement mon propre être.

Le Sage nous invite à visiter notre terre intérieure pour nous rectifier et découvrir la pierre cachée de l’humanité universelle en nous ! Un tel voyage intérieur nous éclaire afin de ne pas parler "d’étrangers armés stationnés ", car l’étranger est un être humain et le terme "stationner", avec ce qu’il connote comme exil dans l’indifférence et fixation dans l’immobilité, ne parait pas élégant et courtois pour désigner ce qui porte en soi l’étincelle de l’âme !

Il importe de se souvenir qu’il n’est pas de politique sans éthique, que l’animal politique est aussi animal raisonnable, que la raison est en son essence générosité, accueil de l’altérité, attention au visage d’autrui qui me sollicite.

Kouadio Augustin Dibi, Professeur titulaire de Philosophie,