L’actualité nationale a été marquée ces derniers temps par l’émergence d’un phénomène quasi inhabituel pour les burkinabè, il s’agit de l’importation des viandes congelées impropres à la consommation, présentant des risques potentiels pour la santé humaine et animale.
L’importation des viandes congelées fait de plus en plus l’objet d’un trafic à grande échelle, lequel trafic se déroule le plus souvent dans des conditions non conformes à la règlementation nationale en la matière.
Le pic de cette activité frauduleuse qui constitue un véritable frein à l’économie nationale, aura été atteint le 19 août 2016 dernier avec la saisie de plus de 24 tonnes de poulets de chair congelés.
En rappel, le secteur avicole (œufs, viande) au Burkina Faso est caractérisé par un cheptel numériquement important estimé à 40 millions de têtes, dominé à plus de 95% par l’aviculture traditionnelle. Malgré cette importance numérique, la production avicole est loin de couvrir les besoins nationaux. En effet, une enquête menée en 2012 par le Ministère des Ressources Animales et Halieutiques (MRAH) a permis d’évaluer les besoins de consommation des villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso à 53.000 volailles par jour, soit un volume annuel de 19.345.000 têtes.
Parallèlement, une évaluation sommaire de la demande en viande de volaille des sociétés minières exerçant au Burkina Faso réalisée en 2012 auprès des services de restauration desdites mines révèle une consommation moyenne de 7 tonnes de poulets de chair importées par mois, les poulets locaux n’étant pas pris en compte. Si l’on ramène ce tonnage en nombre de têtes de poulets locaux ou métis, on évaluerait la demande à 7.000 têtes par mois, soit 84.000 têtes de volaille pour l’année.
Face à cette demande croissante en produits avicoles dans les zones urbaines du Burkina Faso, l’offre nationale rencontre des difficultés à couvrir les besoins, d’où la propension à combler le gap par des importations de viandes de volailles congelées.
Cependant, l’importation des produits animaux (viande, œufs) est soumise aux formalités suivantes : (i) une autorisation d’importation délivrée à la demande de l’importateur par le MRAH à travers la Direction Générale des Services Vétérinaires (DGSV), (ii) l’inspection des produits à leur arrivée à la frontière par les Services Vétérinaires, (iii)la prise de sanctions en fonction des résultats de l’inspection (dont la saisie/destruction sur place) et enfin (iv) la perception des taxes d’inspection et autres frais s’il y a lieu (frais de prélèvement, d’analyse, etc.), ce, conformément à l’Arrêté conjoint N°2014-38/MRAH/MEF du 28 mai 2014 portant fixation des taxes sur les produits soumis à l’inspection vétérinaire aux frontières du Burkina Faso.
L’on comprend aisément les multiples saisies/destructions opérées par les services vétérinaires en collaboration avec les Forces de Défense et de Sécurité (FDS), la ligue des consommateurs et les populations dans la mesure où ces importations ne respectent aucunement les dispositions règlementaires.
Pour la santé publique, la présence des résidus de médicaments, de contaminants biologiques et des hormones, constituent des facteurs favorisant l’apparition de certaines maladies chez les humains comme les tensions artérielles, certains cancers, des déficits rénaux et hépatiques et la recrudescence de certaines zoonoses majeures telles que la tuberculose, le charbon bactérien, etc.
Ces viandes étant d’origines diverses, le doute persiste lorsque le certificat présenté n’est pas conforme et surtout lorsqu’aucune information relative aux qualités organoleptique et microbiologique de ces viandes ne figure sur les autres documents présentés.
Les effets négatifs sur l’économie locale découlent de fait car les poussées d’importation illégale affectent gravement la production nationale d’œufs et de poulets de chair essentiellement destinés aux marchés de niches (sociétés minières, cantines).
Dans un contexte marqué de nos jours par la propagation de l’Influenza Aviaire Hautement Pathogène (IAHP) ou grippe aviaire, l’importation incontrôlée des poussins, des carcasses de volailles et des œufs est un facteur favorisant la réintroduction du virus de l’IAHP et d’autres maladies aviaires dans notre pays. De plus, à l’heure où le gouvernement déploie des efforts inlassables pour booster l’économie nationale, il serait incompréhensible que des individus s’adonnent à une concurrence déloyale en totale violation des risques sanitaires encourus par les populations.
Les investisseurs privés nationaux méritent d’être accompagnés afin de protéger le marché local, mesure sans laquelle le discours politique ne trouverait pas une manifestation concrète sur le terrain dans le partenariat Public-Privé.
L’importation des produits animaux est garantie par la législation nationale, mais le risque que des maladies soient importées avec les produits congelés et que notre cheptel local soit contaminé, demeure une préoccupation pour les Services Vétérinaires.
Face à cette situation, le MRAH a fait depuis 2014 des propositions de solutions dont certaines sont observables et mesurables sur le terrain. Il s’agit (1) de la nécessité d’un soutien étatique plus accru, (2) du renforcement de l’Autorité vétérinaire par l’accroissement des infrastructures et équipements des postes vétérinaires, des moyens logistiques, de l’amélioration du fonctionnement desdits postes et du recrutement conséquent des ressources humaines dotées des compétences y afférentes, (3) de l’adoption de textes instituant un prélèvement compensatoire sur les produits animaux importés destinés à la consommation humaine, (4) de l’interdiction systématique de toute importation de « découpes », « d’ abats » ou de « morceaux » de poulets ou de volailles et des autres viandes congelées en provenance des pays extra-africains ou africains ayant déclarés la présence de la grippe aviaire sur leur territoire, (5) et de l’adoption de mesures incitatives pour une production nationale compétitive.
Pour cette dernière mesure, les actions consistent en la facilitation de la mise en place de la centrale d’achat des médicaments vétérinaires, la mise en œuvre de la deuxième phase du Projet de Promotion de l’Aviculture Traditionnelle Améliorée au profit des Jeunes et des Femmes, la facilitation de la mise en place de couvoirs nationaux pour la fourniture de poussins d’un jour à base d’une offre nationale répondant à la demande nationale et l’implantation effective d’un couvoir pour la production de poussins d’un jour à destination des aviculteurs modernes.
Comme on peut le constater, le MRAH, tout en étant soucieux du développement d’une aviculture moderne répondant aux normes techniques, est préoccupé par la santé publique et animale. Cette préoccupation appelle de la part de tous, un engagement citoyen pour faire de notre consommation de produits animaux un tremplin pour le renforcement du tissu économique national.

Ministère des Ressources Animales et Halieutiques