Pour le philosophe Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè, le président ivoirien Alassane Ouattara a déjà fait le choix de celui qu’il souhaite voir le remplacer à la fin de son mandat en 2020 : Amadou Gon Coulibaly, secondé par Ahoussou Jeannot Kouadio.
A moins que lui-même décide de briguer un 3è mandat en faisant sauter la limite d’âge (75 ans) !

Ce ticket est probablement celui que le président de la république, Alassane Ouattara, président du RHDP a programmé depuis fin 2015. Il n’est pas nécessaire d’être dans les environs présidentiels pour le décrypter. Il y a le fait massif qu’a constitué la cérémonie de prestation du président du Faso, Roch Kaboré en date du 29 décembre 2015. A cette cérémonie, était présente la délégation ivoirienne conduite par le président Alassane Ouattara, les premier ministre Ahoussou Jeannot Kouadio et Amadou Gon Coulibaly, le ministre d’Etat Ahmed Bakayoko, porte-parole de la délégation lors de l’audience impériale du Mogho Naaba, Baongo, Empereur des Mossés. Je considère que la présence dans cette délégation de la Grande Chancelière Henriette Dagri Diabaté tient plus du fait familial, le pésident Kaboré est le neveu de la Grande Chancelière de Côte d’Ivoire que du politique. Juste après la cérémonie officielle, la délégation présidentielle ivoirienne était partie immédiatement pour l’audience impériale. En regardant les images, j’y ai perçu la présentation à l’Empereur des Mossés par le président Ouattara, du ticket Gon-Ahoussou comme le pari du futur. Il était important vu le lien très spécial et indéfectible malgré les vicissitudes des politiciens et de ces innombrables brokers politiques sans envergure qui slaloment entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso depuis l’avènement ivoiritaire de 1993.
Cette élégance diplomatique et cette courtoisie de la délégation ivoirienne rappellent les consultations, l’entente cordiale des concordats politiques de la période coloniale intervenus entre le président Houphouët-Boigny, le Lion du RDA, Ouezzin Coulibaly, le Mogh Naaba Saga II et le Patriarche Pélèforo Gon Coulibaly (l’ascendant du premier nommé) pour faire élire le député Houphouët-Boigny, le futur premier ministre et président de la Côte d’Ivoire indépendante. Le 29 décembre 2015 fut la répétition de la même entente cordiale des autorités assises et celles debout. Les observateurs avertis ont pu aussi constater que les nouvelles autorités élues du Faso avaient invité toute la république ivoirienne, excepté, le président de la représentation nationale d’alors, Guillaume Soro Kigbafori. Une tentative précoce de mise à l’écart conjointe menée tant par les autorités élues du Côte d’Ivoire que par celles du Burkina Faso. L’institutionnalisation de la mise à l’écart de Guillaume Soro par la Constitution ivoirienne de 2016 n’est que le prolongement consolidé au moyen du changement du mécanisme dauphinal.
Ainsi acté, il appert que ce ticket présidentiel du RHDP est le probable voire le certain si rien ne change pour le dérailler. La démission du président du Sénat Ahoussou J. Kouadio du PDCI-RDA, ce fils de Bédié et fidèle introduit parmi les fidèles, relève de ce pari pris à Ouaga depuis 2015. Et au surplus, ce nouveau militant du RHDP est toujours dans une trajectoire pérenne et volontairement asymétrique à celle du Vice- Président Duncan (primature et aujourd’hui). Ahoussou J. Kouadio se voit bien vice- président de la république pour renvoyer le VP Duncan à Grand-Bassam en 2020. Hier au PDCI et aujourd’hui au RHDP, voilà deux personnalités, deux ambitions viscéralement opposées ! Le vrai Game Changer serait que le président de la république, Alassane Ouattara accède à la tentation légitime –je ne dis pas la sienne- de modification de la clause de l’âge (+75 ans) pour être conforme à la maturité de son engagement personnel de transmettre le flambeau à une nouvelle génération. Une telle modification décantera l’horizon brumeux des acrimonieux et rancuniers indécrottables en tous genres depuis 1993 toujours par les mêmes. La République mérite ce cap générationnel !
Qu’en est-il de la substance politique de ce ticket Gon-Ahoussou programmé ? Il est soumis à deux réalités politiques congruentes pour être apprécié comme choix optimal.
1. De la nécessité : la nécessité du moment politique est que de façon générale, dans la sous-région, tout porteur de volonté de troisième mandat consécutif par le sortant ou par son préféré ou dauphin, a, systématiquement été recalé par les peuples souverains (Sénégal, RDC, Cap-Vert, Benin, Côte d’Ivoire sous LMP etc.). Bien entendu, l’autre nécessité mécanique subsidiaire qui consiste pour le parti au pouvoir et parti candidat au troisième mandat à nourrir cette velléité, est légitime. Mais il est constant qu’il ne suffit plus de dire qu’on a un bilan pour être reconduits. Tout bilan politique ayant sa part d’ombre et de contrariétés. La soif d’alternance est de plus en plus une ritournelle voire une contagion régionale qui emporte les sortants si tant est que le processus électoral est accepté par tous les acteurs, équitable et crédible. Ce ticket veut dupliquer la dynamique houphouëtiste de toujours d’alliance entre le Nord et le V Baoulé. Du reste, le président Ahoussou J. Kouadio tente depuis bientôt 5 ans de l’étendre au grand Ouest avec le rassemblement des grands chefs et cadres de cette contrée. On verra !
2. Des incertitudes : ce ticket est-il le choix optimal au sens de sa capacité de remporter la troisième bataille consécutive ? Le bruissement des adhésions pourvoiristes est-il le meilleur étalon de mesure des assises populaires ? Les rassemblements assistés dénotent de la captation du champ politique par l’argent. Les citoyens libres peuvent ne pas suivre les consignes de vote des transhumants ou des mandarinats politiques de X ou Y. La parole du chef qui désigne peut être une parole en panne de pragmatisme, en disjonction complète d’avec la réalité du terrain électoral. Puisqu’il est le chef charismatique, toute opinion déviante est rejetée même si elle est la somme des opinions de la foule (la sagesse de la foule selon les mathématiciens) pour être l’opinion vraie au sens de Platon. Choisir un ticket et ensuite, organiser des élections primaires dans un contexte francophone africain, est un chèque sans provision. Les partis politiques français en ont payé le prix élevé par l’élimination des vraies pointures politiques pour ne sélectionner que des diviseurs du vote, des perdants certains là où le vote utile sied. Au Royaume Uni et au Canada, les primaires sont de vrais processus de sélection du meilleur du moment selon le terrain.
*Cette provision, c’est la réalité du terrain, la compétition loyale au sein du parti et le fait que le chef sortant est simplement une voix libre parmi les voix libres et égales. C’est de la sorte que le meilleur choix optimal, la sagesse de la foule s’exprime comme la vérité mathématique. Mais bidouiller le processus comme les partis politiques d’Afrique francophone et de France savent le faire, c’est abuser de soi-même, se surestimer comme suprême soviet et que les militants viendront adouber. Le sort du PS français, de Les Républicains en disent long. Ces partis au pouvoir vont chacun à Canossa ou disparaissent, un jour ou l’autre, de gré ou de force parce que le peuple veut détruire les oligopoles politico-économiques constitués. Le peuple est patient, juste et tranchant. Il ne faut pas l’oublier et le pouvoir lui appartient et à lui seul. La contractualisation du pouvoir dans la République est et demeure la contractualisation des serviteurs de la république. Nous le savons depuis Jean Jacques Rousseau, 1762.
Le nexus Gon-Kouadio est la complexité suivante : Comment arrimer la nécessité du moment politique adossée sur la moue au changement (réalité politique lourde ou fragmentée) à la maîtrise des marges d’incertitudes plurielles ? Dans un environnement mouvant entre la relève générationnelle-tendance lourde, la grogne sociale, ce carburant de l’alternance contrastant avec la moue optimiste des macroéconomistes triomphants avec dans leurs mains, un Etat non stratège, comment faire espérer, incarner la continuité éclairée sur fond de tensions tribales persistantes ? Quel bilan défendre ? Politique, assurément. Il existe comme floraison des libertés publiques, fin du harcèlement scandaleux et discriminatoire de certains citoyens, clôture du cycle ivoiritaire ou ouverture du malheureux et désinvolte rattrapage. Mais il y a aussi la politique sociale invisible, l’inaccessibilité des dirigeants, l’indice de sécurité qui échoue à rassurer, le pouvoir d’achat oublié, la réconciliation en perpétuel chantier escamoté par la piètre CVDR, l’environnement et le cadre de vie, le libéralisme de redistribution en rade…

Mon opinion générale est connue sur la marche économique des embellies statistiques en Afrique. Je n’achète aucun programme d’émergence des 35 pays africains qui s’en félicitent. Prétentieux ? Non. Puisque ces agendas font l’olibrius. Mieux être pragmatique et honnête qu’acheter un faux espoir !
*Le rattrapage de développement n’est pas le développement. Puisque l’Emergence en est le connexe voire le dérivé de l’idée de retard versus l’idée de progrès des pays industriels (compréhension du progrès depuis le 18è siècle, celui des Lumières européennes). Ce qui n’est pas le développement endogène ne peut nullement être un bilan. Je crois au développement endogène, humain par un Etat démocratique, social et égal. Il est proactif donc stratège assez pour ruiner les schémas éculés de l’extraversion qui, bien que productrice de taux de croissance à faire pâlir, échoue lamentablement à acter la montée en gamme comme Deng Xiaoping l’a obtenue pour la Chine dans la décennie 80. Comme le grand Mohamad Mahathir (premier ministre de 1981-2003 et revenu au pouvoir en 2018 pour chasser ses successeurs corrompus) l’a réussi pour la Malaisie qui, jadis venait s’instruire en Côte d’Ivoire comme Singapour du leader Lee Kuan Yew, mort en 2015. Le leader charismatique Lee Kuan Yew a beaucoup appris au contact d’Houphouët-Boigny.
*Le Rwanda et l’Ethiopie sont des Etats stratèges bien engagés dans ce processus vertueux de montée en gammes. L’Etat proactif est le seul qui offre une montée en gammes industrielles par les très petites entreprises, pme-pmi locales, des chaînes de valeur locale aux mains des champions locaux. On ne développe pas ; surtout en suivant les autres pour escompter rattraper le retard par rapport à cette altérité (extraversion, sous-estime de soi et de ses propres ressorts et socle civilisationnel). L’Emergence par emprunt est une idée qui est en soi saugrenue. Une dérivation délétère de l’idée de progrès comme programmation du rattrapage des écarts statistiques creux. La bulle statistique n’est le porte-monnaie de personne. D’ailleurs désire-t-on caresser la chimère, raisonnablement ?
*On se développe seulement comme trajectoire propre par soi-même comme l’historien Joseph Ki-Zerbo l’a enseigné. Le leadership africain qui pourra sortir l’Afrique de la grande pauvreté, qui permettra à l’Afrique de recouvrer sa dignité est un leadership authentique, audacieux, souverain. Il est au service des reformes et des transformations. Il est en phase avec les innovations frugales de la Révolution digitale qui déconstruisent la mondialisation néolibérale. Ces leaders africains doivent renoncer à être riches comme le Juge émérite Kéba MBaye (1924-2007) le leur conseillait. On est chef par les servitudes (engagement patriotique, écoute, humilité pour savoir qu’on ne fait le bonheur de personne à sa place). Pas par et pour les privilèges. C’est pourquoi, tous les chefs qui ont laissé une trace dans la trajectoire émancipatoire africaine sont uniquement ceux qui ont cru en un unique idéal et ont fait don de leurs vies pour que cet IDEAL, That Uniqueness s’accomplisse : Liberté, Dignité, Fraternité, Souveraineté et Solidarité ! Chacun de ces idéaux Mérite une vie pleine. Soundiata Kéïta, Patrice Lumumba, Kwamé NKrumah, Julius Nyerere, Mandela…sont de ceux-là. Pour servir, il faut d’abord chérir le bien commun. Poursuivre et fusionner sa vie avec un seul IDEAL à la fois ! Alors, vous laisserez une trace. Heureuse fulgurance ! Le pouvoir n’est donc pas une trace. C’est une anecdote instrumentale. Le ticket Gon-Ahoussou est donc ce coureur prêt à se lancer. Au coureur, dit-on, il faut donner sa chance de courir ! Equité oblige ! Je répète : notre génération n’a que faire de la pléthore de 54 présidents. Nous cherchons des leaders qui inspirent et qui donnent l’élan à l’Espoir africain. A la prochaine avec Guillaume Kigbafori Soro- colistier ?

Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè
Kaceto.net