Le chef du gouvernement a fait des annonces concrètes pour l’ouverture du premier Grenelle contre les féminicides.

Le gouvernement lançait, ce mardi 3 septembre, à Matignon, en présence de familles de victimes, un Grenelle des violences conjugales, dont les associations espèrent qu’il débouchera sur un « plan Marshall » pour enrayer un phénomène ayant déjà fait plus de 100 mortes depuis le début de l’année. Voici ce qu’il faut retenir des annonces du Premier ministre Edouard Philippe.

1 000 nouvelles places d’hébergement à partir de 2020

Le Premier ministre a annoncé qu’il allait mobiliser 5 millions d’euros pour créer à partir du 1er janvier 2020, 1 000 nouvelles places d’hébergement et de logement d’urgence destinées aux femmes victimes de violences conjugales.

Ces places, qui s’ajouteront aux quelque 5 000 existantes, se déclineront en 250 places « dans les centres d’hébergement d’urgence, pour assurer des mises en sécurité immédiates », et 750 places de « logement temporaire », pour des périodes comprises entre 6 mois et un an, a précisé le chef du gouvernement en ouvrant ce premier « Grenelle » consacré à la lutte contre les violences conjugales.
Des « procureurs référents » dans les tribunaux

Des « procureurs référents spécialisés » dans les violences conjugales seront identifiés « dans les 172 tribunaux de France métropolitaine et outre-mer », a également annoncé également le chef du gouvernement en ouvrant à Matignon le « Grenelle » des violences conjugales :

« Nous expérimentons ces chambres d’urgence pour que les dossiers soient traités en 15 jours avec une meilleure articulation des différents acteurs judiciaires. La première expérimentation aura lieu à Créteil. »

« Généraliser la possibilité de porter plainte à l’hôpital »

Le gouvernement a par ailleurs promis de « généraliser la possibilité de porter plainte à l’hôpital », à partir du 25 novembre. « Quand une femme se rend aux urgences pour coups et blessures, c’est déjà suffisamment pénible. Si elle doit retourner chez elle avant de porter plainte, elle retrouvera son conjoint qui risque de la menacer ».
Un « vrai travail »
Devant quelque 80 invités - responsables associatifs, acteurs de terrain, policiers, gendarmes, magistrats ou avocats -, plus de 10 membres du gouvernement, dont Marlène Schiappa (Egalité femmes-hommes), Nicole Belloubet (Justice) et Christophe Castaner (Intérieur), seront amené à animer des « ateliers » sur la prévention des violences, la « mise à l’abri et l’accompagnement » des victimes, ou la « sanction » des auteurs violents. « On souhaite avoir un vrai travail interministériel mais surtout collectif avec les associations », avait-on indiqué à Matignon.

Les associations féministes souhaitent que l’événement débouche sur un « plan Marshall » doté d’« au moins » 500 millions, voire un milliard d’euros, loin des 79 millions d’euros de crédits spécifiquement alloués à cette lutte, selon une étude menée par cinq organisations.

A la veille du « Grenelle », des militantes demandent un « plan Marshall » contre les violences conjugales. Marlène Schiappa, de son côté, a annoncé la semaine dernière la création d’un « fonds spécial » contre les féminicides d’un million d’euros à destination d’« associations de terrain », un chiffre jugé très insuffisant par les associations.

Que faut-il attendre du Grenelle contre les féminicides de Marlène Schiappa ?
« Ce qu’on attend, c’est des résultats », a insisté lundi Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes. Les militantes demandent notamment la création, avant la fin de l’année, d’au moins 2 000 places d’hébergement supplémentaires pour les femmes ayant fui le domicile conjugal, un renforcement de la prévention contre les violences sexistes dès l’école, ou la création d’instances judiciaires spécialisées.

« Effet d’annonce »

Elles préconisent également de mieux former les policiers et gendarmes qui recueillent les plaintes des femmes victimes, afin d’éviter que celles-ci soient éconduites. « Confiantes » avant ce Grenelle, les associations se veulent néanmoins « vigilantes », notamment face au risque que l’événement se résume à une « opération de communication de la part du gouvernement ».

« On ne veut pas un Grenelle des fake news (...) On souhaite que ce qui va être annoncé soit budgété, soit concrètement réalisé. L’attente est énorme. Les 100 femmes qui ont été assassinées (depuis le début de l’année) nous obligent », a souligné Mme Mailfert.

A la veille du Grenelle, ce chiffre est monté à 101, avec le décès d’une femme de 92 ans dans le Tarn. Son mari de 94 ans est soupçonné de l’avoir rouée de coups de canne. Une femme de 92 ans tuée par les coups de son mari, 101e féminicide conjugal de 2019.
Quelques dizaines de personnes, en majorité des femmes habillées de noir, ont défilé mardi du cimetière de Grenelle aux abords de Matignon, à l’appel du collectif « féminicide par compagnon ou ex ». « On a déjà les solutions, alors pourquoi faire un Grenelle ? C’est un effet d’annonce », a regretté en tête de manifestation Françoise Le Goff dont la mère est morte sous les coups en 1982.

Derrière deux banderoles de tête de couleur noire, « #féminicides, #violences faites aux femmes » et « #familles de féminicides et #enfants de féminicides », les manifestants ont marché au son de la marche funèbre de Chopin, certains portant des photos de victimes de violences conjugales.

121 féminicides en 2018

Féminicide à Cagnes-sur-Mer : « J’étais en contact avec la police jusqu’à ce que la jeune se fasse assassiner ». En 2018, le ministère de l’Intérieur avait recensé 121 féminicides. Cette journée d’ouverture du « Grenelle », le 3.9.19, sera aussi l’occasion de communiquer et mieux faire connaître la ligne téléphonique 3919, dédiée aux femmes victimes de violences.

Les conclusions de la concertation doivent être annoncées le 25 novembre, lors de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Un calendrier qui a suscité le scepticisme de certaines militantes. « Pourquoi organiser un Grenelle sur plusieurs mois alors que les solutions pour lutter contre les violences au sein du couple sont connues et reconnues de longue date ? », s’est interrogée Caroline De Haas, membre du collectif #NousToutes, qui appelle à « une volonté politique et des moyens hors du commun » pour enrayer ce fléau.

Le Grenelle « n’est pas une baguette magique », a reconnu Marlène Schiappa. « Les violences conjugales et les féminicides ne vont pas s’arrêter dès le lendemain », a observé la secrétaire d’État mardi. « C’est un travail de longue haleine ».

L’Obs avec AFP