La Banque mondiale, dans son « Commodity Market Outlook » paru en mai dernier, classait le Ghana « premier producteur d’or en Afrique ». Longtemps dauphin de l’Afrique du Sud dans ce classement, l’ex-Gold Coast ravit la vedette à la nation arc-en-ciel au bon moment, alors que l’or a établi un nouveau plancher à 1500 dollars/once. Dans sa montée en puissance, l’or ghanéen doit tirer avec lui les autres matières premières minières encore sous-exploitées que sont le diamant, le fer, le manganèse ou la bauxite. En début d’année Nana Akufo-Addo a annoncé son intention d’appuyer le développement économique du pays sur l’exploitation de ces richesses naturelles. Beaucoup ont essayé... Le Ghana y parviendra-t-il ?

Le secteur minier ghanéen est assez bien régulé pour permettre au pays de tirer profit de ses richesses. Depuis sa libéralisation en 1983, le régime juridique auquel est soumise l’industrie minière est assez stable. Les mines sont ainsi, depuis plusieurs années, l’une des premières sources de recettes directes collectées par la Ghana Revenue Authority (GRA), l’organe qui supervise, avec le ministère des Finances et la Banque centrale, les aspects fiscaux de cette régulation.

Le secteur minier est la première source de devises étrangères du Ghana.

La part qu’occupe l’industrie minière dans les recettes locales collectées par la GRA a augmenté de 0,5 point de pourcentage à 16,3% entre 2016 et 2017, faisant des mines le secteur qui rapporte le plus. Ce pourcentage a toutefois baissé à 14% en 2018. Selon les statistiques de l’organisme, tous les flux de recettes fiscales attribuables au secteur des mines et carrières se sont améliorés en 2017. Plus précisément, les recettes fiscales générées par le secteur sont passées de 1,65 milliard de cedis en 2016 à 2,16 milliards en 2017 (+31%) et 2,36 milliards de cedis en 2018 (+9,3%).

Cette croissance continue traduit l’efficacité du système de taxes en vigueur dans le pays. En effet, les rentrées d’impôt sur le revenu des sociétés ne cessent d’augmenter, tout comme les redevances minières alors que l’Etat collecte un impôt sur le revenu des employés (Pay-as-you-earn), ainsi que plusieurs autres taxes.

La contribution du secteur minier à l’économie ghanéenne se remarque aussi par les recettes d’exportation. Ces dernières ont augmenté de 19 % à 6 milliards de dollars en 2017. Les produits miniers d’exportation du Ghana comprennent l’or, le diamant, la bauxite et le manganèse. Malgré la baisse des recettes en 2018, le secteur minier est toujours la première source de devises étrangères du Ghana, comparativement aux autres matières premières exportées.

La part du secteur minier dans le total des recettes d’exportation de marchandises était de 39 %, contre 31% pour le pétrole brut, 14% pour le cacao. En 2017, les mines représentaient 43% du total, contre 23% et 14% pour le pétrole brut et le cacao.

Répartition des recettes d’exportation en 2018 (Chambre des mines du Ghana)

Au-delà des chiffres macroéconomiques, les bonnes performances du secteur minier ont également des répercussions sur le plan local. Il existe en effet des réglementations de contenu local qui obligent les opérateurs miniers à se fournir localement pour un nombre croissant de catégories de biens et services.

Selon les statistiques, les sociétés productrices ont rapatrié dans le pays 2,882 milliards de dollars US des 3,858 milliards de dollars de recettes d’exportations réalisées, soit 74,7%, contre 70% en 2017. Les fonds retournés au Ghana ont été dépensés pour l’achat de biens et de services, notamment d’intrants auprès de fournisseurs ou fabricants nationaux (gazole, électricité, etc.). Ils se composent aussi des paiements de salaires ainsi que le respect des obligations envers l’Etat et les communautés minières.
Par ailleurs, en 2018, le nombre d’emplois directs à l’actif des compagnies minières productrices était de 10 109 personnes, dont 9950 employés ghanéens et 159 travailleurs expatriés. Il faut noter que ce chiffre, qui exclut les emplois indirects, est en baisse par rapport aux années précédentes. Malgré les plans d’extension de la mine Ahafo par Newmont Mining, qui ont augmenté la main-d’œuvre de la société, il y a eu des pertes d’emplois sur les mines de Gold Fields (qui a changé de modèle d’affaires en confiant l’exploitation de sa mine Tarkwa à un entrepreneur) et Golden Star Resources

La côte de l’or

Le secteur minier ghanéen est dominé par l’or qui aurait contribué en moyenne à 5,2% du PIB ghanéen entre 2006 et 2016. Des 5,77 milliards de dollars de recettes d’exportation de produits miniers générées en 2018, 5,46 milliards sont attribuables aux ventes d’or. Cette domination est à peine surprenante quand on sait que la région du golfe de Guinée devenue Ghana était connue sous le nom de Gold Coast du fait de ses « incroyables » ressources aurifères, pétrolifères et de gaz naturel.
Si le Ghana a été longtemps relégué au second plan par l’Afrique du Sud, l’épuisement progressif des réserves de la nation arc-en-ciel a changé ce rapport de force. Et la Banque mondiale et le World Gold Council sont unanimes sur le fait que le Ghana est, depuis 2018, le nouveau leader de la production africaine d’or. Selon le WGC, le pays, qui occupe actuellement la 8e place dans le classement des plus grands producteurs d’or au monde, a produit cette année-là 136,2 tonnes d’or contre 129,8 tonnes pour l’Afrique du Sud (désormais 9e).

Evolution de la production d’or du Ghana depuis 2010 (Banque mondiale)

Plus de 90% de la production minière ghanéenne est attribuable au sous-secteur de l’or. L’extraction aurifère se concentre dans deux grandes régions, en l’occurrence Ouest et Ashanti. Les ressources d’or du pays sont exploitées par plusieurs grandes compagnies étrangères. Par exemple, le géant américain Newmont, qui est le plus grand producteur d’or au monde depuis sa fusion cette année avec Goldcorp, opère sur les mines d’Ahafo et Akyem. Si Akyem produit à un taux annuel de 470 000 onces, Newmont Goldcorp met en œuvre un plan d’extension de l’usine d’Ahafo avec comme objectif d’accroître la production à 650 000 onces par an.

En dehors du leader mondial de l’industrie aurifère, il faut noter la présence du canadien Golden Star Resources qui exploite depuis 2017 les mines souterraines Prestea et Wassa qui produisent un total de 270 000 onces par an. C’est notamment la montée en puissance de ces deux mines qui a fait atteindre un nouveau palier de production au Ghana. Les autres compagnies canadiennes comprennent Asanko Gold (les mines Nkran et Esaase) et Kinross (Chirano). La présence sud-africaine dans le secteur aurifère ghanéen est constituée par les compagnies AngloGold Ashanti (Iduapriem et Obuasi) et Gold Fields (Tarkwa et Damang). L’australien Perseus opère sur la mine Edikan qui produit 240 000 onces par an, tandis que le britannique Goldstone Resources opère à Akrokeri et Homase.

Les « galamseys », une épine dont l’Etat n’arrive pas à se débarrasser

Au-delà de la contribution des grandes compagnies minières, la production d’or du Ghana est également artisanale. D’après les chiffres de l’Association nationale ghanéenne des mineurs de petite échelle, l’exploitation minière artisanale compte pour le tiers de la production ghanéenne.
Un organe public, la Precious Minerals Marketing Company, est chargé de certifier et exporter la production des petits producteurs. Toutefois, malgré les efforts du gouvernement d’Akufo-Addo pour réguler la production artisanale et à petite échelle, plusieurs orpailleurs clandestins arrivent à échapper aux mailles du filet. Connue au Ghana sous la dénomination « Galamsey », l’exploitation artisanale illégale a pris de l’ampleur, ces dernières années. Pour éradiquer ce phénomène qui va jusqu’au pillage des sites des compagnies minières, le gouvernement a lancé en 2017 un moratoire de six mois sur toutes les petites activités minières artisanales dans le pays, et multiplie les sorties de dissuasion. Mais comme chez les voisins ouest-africains que sont la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger ou même le Burkina Faso, l’Etat ghanéen est encore très loin de son objectif. Lors d’une récente sortie, le ministre ivoirien des Mines, Jean-Claude Kouassi, a d’ailleurs appelé à une coopération régionale pour venir à bout de l’orpaillage clandestin qui fait perdre des milliards de dollars chaque année à ces pays, selon l’OCDE.

Insuffler la dynamique de l’or aux autres secteurs

Hormis l’or, le Ghana dispose de larges réserves d’autres minerais dont le développement pourrait décupler la contribution du secteur minier à l’économie. Parmi ces minerais, les plus prometteurs pour une diversification sont pour le moment le diamant, la bauxite et le manganèse que le pays exporte déjà en faible quantité.

Selon les statistiques de la Chambre des Mines, les expéditions de manganèse par le seul producteur du pays, Ghana Manganese Company, sont passées de 3 millions de tonnes en 2017 à 4,55 millions de tonnes en 2018. En revanche, la quantité de bauxite expédiée par la Ghana Bauxite Company a diminué, passant de 1,477 million de tonnes à 1,011 million de tonnes, et les exportations de diamants sont passées de 0,087 million de carats à 0,058 million de carats.

Ces volumes sont minimes au vu des grandes quantités de ressources que contient le sol ghanéen. A titre d’illustration, selon les données d’un rapport publié en décembre 2018 par l’ambassade de France au Ghana, le pays abriterait l’une des dix plus grandes réserves de bauxite au monde. La majeure partie serait située sur les sites enclavés de Nyinahin et Kyebi (Région de l’Est). Les réserves de fer de l’ordre de milliards de tonnes se trouvent dans les régions du Nord et de l’Ouest.
Une chose est certaine, le gouvernement semble être conscient de ce grand potentiel de diversification, et tout porte à croire qu’il mettra en place des politiques pour le concrétiser. « Notre pays dispose d’énormes ressources naturelles, la bauxite, le minerai de fer. Ils restent inexploités et sous-développés. Nous avons pris la décision que, quoi qu’il arrive, nous allons nous donner les moyens [de les développer, NDLR] », a déclaré, en début d’année, le président Nana Akufo-Addo. Et pour joindre l’acte à la parole, le dirigeant a décidé de créer cette année un organe de développement intégré de bauxite aluminium.

Louis-Nino Kansoun
Agence ECOFIN