C’est aujourd’hui 13 janvier que les chefs d’Etat des pays membres du G5 Sahel se retrouvent à Pau, dans le Sud-ouest de la France, avec leur homologue français Emmanuel Macron pour un sommet consacré à la lutte contre le terrorisme. Une occasion pour les Africains et leur partenaire français de se parler franchement, lever les équivoques sur les intentions des uns et des autres et mieux coordonner les actions contre l’hydre terroriste dans le Sahel.

Dans quelle ambiance ce rendez-vous convoqué le 4 décembre dernier par le président français Emmanuel Macron va t-il se dérouler ? C’est la question que tout observateur des relations entre la France et certains de ses ex-colonies confrontées au terrorisme se pose en ayant en mémoire la tonalité avec laquelle le locataire de l’Elysée avait exprimé son souhait de rencontrer ses partenaires du G5 Sahel à Pau pour "qu’ils clarifient et formalisent leurs demandes à l’égard de la France".
Sans doute sous l’émotion provoquée par la mort accidentelle de 13 soldats français dans une collusion de deux hélicoptères le 25 novembre 2019 au Mali, le président Macron n’avait pas pu cacher son irritation face aux critiques émanant parfois d’officiels africains sur l’efficacité des troupes françaises dans le combat contre le terrorisme. "Je ne peux ni ne veux avoir des soldats français sur quelque sol du Sahel que ce soit à l’heure même que l’ambiguïté persiste à l’égard de mouvements antifrançais, parfois portée par des responsables politiques", avait-il déclaré.
Initialement prévu le 16 décembre 2019, c’est finalement donc aujourd’hui le 13 janvier que se tient le sommet dit de" la clarification". L’attaque djihadiste perpétré le 10 décembre contre le camp de l’armée nigérienne d’Inates faisant 71 morts avait conduit les chefs d’Etat à reporter le sommet. A quelque chose malheur est bon, dit-on. L’ajournement de ce rendez-vous a été mis à profit par le président Macron pour, non seulement réparer la maladresse de la "convocation" en dépêchant son envoyé spécial pour le Sahel, Christophe Bigot remettre en bonne et due forme les invitations aux chefs d’Etat africains, mais surtout, pour nouer des discussions avec ses homologues africains et déminer profondément le terrain avant le jour J. "Pour les autres pays, je n’en sais rien, mais côté burkinabè, nous allons à Pau en toute sérénité", confie un officiel burkinabè.
Les choses devraient plutôt bien se passer, loin des "engueulades" et des frictions qu’on pouvait craindre. Les discussions devraient être focalisées sur les ajustements indispensables à apporter aux forces du G5 Sahel et à celles de Barkhane afin de rendre plus efficaces leurs actions sur les théâtres des opérations antiterroristes. Selon nos sources, la France souhaite que dans cette optique, les forces africaines et françaises soient réunies sous un commandement unique dont elle prendrait bien entendu la direction. Une proposition rejetée par certains pays qui militent pour que chaque Etat conserve le commandement de son armée et préserve sa souveraineté en matière de défense.
Entre la pression de leurs opinions nationales qui réclament le départ des troupes françaises et la réalité du combat anti-terroristes, les chefs d’Etat africains sont pris entre deux feux. Mais mi-décembre 2019 à Niamey, ils avaient courageusement insisté sur la nécessité "de tout mettre en œuvre pour améliorer la coordination entre la force conjointe, les forces nationales et les forces internationales alliées" et émis le "souhait de voir intervenir une coalition internationale pour endiguer le problème djihadiste" qui est un problème global.
A Pau, ils devraient à nouveau lancer un appel à une coalition internationale et à un élargissement des partenariats dans le combat anti-terroristes. "Il est évident que les chefs d’Etat des pays membres du G5 Sahel vont reconnaître l’importance de la force Barkhane dans le combat anti-terroriste, mais je ne crois pas qu’ils iront jusqu’à supplier le président Macron de maintenir ses troupes comme il semble le souhaiter", croit savoir un conseiller militaire ouest-africain. Pour lui, le président français a joué à se faire peur, parce que plier bagages, "ce serait reconnaître son échec dans la lutte contre les terroristes et sait que s’il part, la nature ayant horreur du vide, il sera d’une manière ou d’une autre remplacé par une autre puissance".

Joachim Vokouma
Kaceto.net