Dans une interview accordée au quotidien Sidwaya n° 9057 du vendredi 10 au dimanche 12 janvier 2020, pages 24 et 25, le ministre des Infrastructures Monsieur Wendenmanegba Eric BOUGOUMA a assuré que « le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) va remporter la présidentielle de 2020 au premier tour, car selon lui, les chances du parti au pouvoir sont meilleures qu’en 2015 » Sic !.
Maitre Paul Kéré lui répond.

Dans une interview accordée au quotidien Sidwaya n° 9057 du vendredi 10 au dimanche 12 janvier 2020, pages 24 et 25, le ministre des Infrastructures Monsieur Wendenmanegba Eric BOUGOUMA a assuré que « le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) va remporter la présidentielle de 2020 au premier tour, car selon lui, les chances du parti au pouvoir sont meilleures qu’en 2015 » Sic !.

Il précise que « l’éventualité d’un second tour n’est pas envisageable en 2020 car nous allons gagner au premier tour ».

Il ajoute également : « Nos chances sont meilleures qu’en 2015, parce qu’il y a cinq ans, nous avons été élus sur la base de promesses. En 2020, nous aurons, en plus des promesses, un bilan très satisfaisant dans les domaines de préoccupations majeures des populations ».

Mais de quel bilan parlez-vous ? Pourquoi Monsieur le Ministre vous n’exposez pas ce bilan en vous contentant d’énonciations vaseuses ? Prenez le peuple Burkinabè au sérieux s’il vous plaît !

Ce ministre, dont on dit qu’il est le neveu du Chef de l’Etat a tout de même reconnu dans son interview qu’il y a des « difficultés en matière de sécurité » en faisant certainement allusion aux attaques terroristes qui endeuillent quasi quotidiennement nos forces de défense et de sécurité ainsi que les populations innocentes depuis 2015 et ce, dans plusieurs localités du Burkina Faso.

Faisant l’aveu, reine des preuves, une fois de plus, d’une incapacité criarde du MPP à faire face à ces forces du mal, malgré la bravoure de nos forces de défense et de sécurité, le Ministre BOUGOUMA affirme sans ambages « qu’il y a des politiciens qui disent que c’est notre parti (sic le MPP) qui est incapable de faire face à la situation (…) » mais pour lui (M. Eric BOUGOUMA), « l’insécurité vient précisément de ceux qui veulent empêcher le peuple d’apprécier les efforts inédits faits par le gouvernement… ».

Jamais deux sans trois et voilà, ce Monsieur n’est pas à sa première infraction électorale en violant allègrement, impunément et de manière désinvolte, le Code électoral puisque déjà, Monsieur Wendenmanegba Eric BOUGOUMA avait déclaré le mardi 19 décembre 2017 lors du lancement des travaux du bitumage du tronçon Kantchari-Diapaga-Tansarga-Frontière du Bénin, long de 145 Km, (alors même que la campagne électorale n’était pas ouverte) que « la présidentielle de 2020 est déjà dans la poche du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), vu la mise en œuvre satisfaisante en deux ans du programme présidentiel de Roch Marc Christian Kaboré, lequel avait été investi le 29 décembre 2015.

« In limine logos », on a envie de dire à ce ministre Wendenmanegba Eric BOUGOUMA que d’une part, la campagne électorale présidentielle n’est pas encore ouverte (et c’est une infraction que d’aborder ce sujet, indépendamment de la retenue usuelle de sagesse qui commande en pareille circonstance pour gens responsables et républicains) et, d’autre part, que surtout Dieu n’entende pas de telles gesticulations de ce ministre pressé. Parce qu’il faut le dire avec sincérité en tant que citoyen patriote burkinabè, il serait pitoyable que le peuple burkinabè continue politiquement dans cette lancée en renouvelant son mandat au MPP qui fait face difficilement, aux terroristes, au front social, bref aux problèmes existentiels concrets et quotidiens de notre peuple….

Sinon, sauf à faire preuve de cécité politique, aucun burkinabè de l’intérieur ou de l’extérieur ne peut dire que notre pays va bien et que le « …bilan est très satisfaisant dans les domaines de préoccupations majeures des populations… »

Dès lors, au lieu de se fendre en déclarations hasardeuses et inutiles sur l’élection au premier tour du MPP, le ministre des Infrastructures ferait mieux de présenter un bilan du premier mandat du MPP et, notamment de son propre ministère, puisque la route qui passe devant l’hôpital YALGADO pour rejoindre l’échangeur de l’Est est encore en chantier depuis plus de 4 ans. Même la visite fortuite du premier des ministres sur ce chantier il y a déjà un an n’a fait avancer en rien ce chantier et la route principale qui va jusqu’à l’échangeur de l’Est est également toujours en chantier.

Par ailleurs, déjà, la Tapoa s’était mise en colère et des ressortissants de cette province située dans la région de l’Est, avaient marché pacifiquement le 6 février 2017 à Diapaga, pour interpeller les autorités sur le bitumage de l’axe Kantchari-Diapaga-Frontière du Bénin qu’elles avaient annoncé à coup de clairons. Cette initiative populaire a émané du Comité de veille Bual’hamu de la Tapoa (CVBT) dont les membres avaient remis un mémorandum aux autorités locales. A ce jour, quel est l’état d’avancement des travaux ? Mystère et boule de gomme ! Quel est donc
ce « bilan très satisfaisant dans les domaines de préoccupations majeures des populations » annoncé à coups de fanfares par le ministre BOUGOUMA, alors que ces chantiers sont inachevés à l’instar de la voie du SIAO en réfection depuis belle lurette concédée par des marchés de gré à gré et autres PPP ?

Au-delà de ces menus fretins d’infrastructures non réalisées et que le ministre des Infrastructures n’a pas su faire, force est de reconnaître que la configuration actuelle du paysage politique burkinabè ne peut autoriser nullement, objectivement un coup KO du MPP comme feu Salif DIALLO l’avait prédit et réalisé dans des conditions incroyables. « Grosso modo », et en fin de compte, le MPP avait été élu par défaut avec 53% au premier tour.

Or, en général, avec l’effet de déception du peuple burkinabè à l’égard du MPP, un parti au pouvoir perd toujours 3 à 4 points par rapport à son score initial, d’autant plus que le Grand Mobilisateur, Salif DIALLO n’est plus de ce monde et vouloir passer en force par une quelconque fraude ouvrirait, inéluctablement la porte à une grave crise électorale que le MPP n’arrivera pas à gérer…

Là aussi, en tant que citoyen burkinabè, et en application des dispositions de l’article 8 de la Constitution, on pourrait critiquer l’élection présidentielle originaire de 2015 et le coup KO du MPP qui a certainement berné le peuple burkinabè.
En effet, le peuple ne pouvait, à travers sa pseudo insurrection populaire « chasser » un « Général » (CDP) et donner le pouvoir à ses « lieutenants » (MPP). Voilà donc, objectivement exposées les conséquences visibles d’une telle erreur politique de casting par le peuple burkinabè.

Et comme les testicules d’un aveugle ne se piétinent pas deux fois, celui qui votera une seconde fois aux prochaines élections présidentielles de 2020 pour le MPP en son âme et conscience ne devrait plus se plaindre de quoi que ce soit dans notre pays. Soyons responsable et conséquents…. Voilà donc le peuple burkinabè (dont l’intelligence est louée au-delà des frontières) parfaitement prévenu à quelques encablures de cette élection présidentielle !

Nous, peuple du Burkina Faso, ne pouvions plus dire que nous ne savions pas parce que, très clairement, le premier mandat du MPP est un échec visible avec un déficit sécuritaire incontestable qui a entravé nécessairement les actions de développement.

Un commerçant ne peut plus quitter FALAGOUNTOU ou DIAPAGA, sans parler d’ARBINDA ou de DJIBO pour venir prendre de la marchandise à Ouagadougou avec la certitude de retourner sain et sauf dans son bled.

De même, aucun investisseur international sérieux ne veut, au stade actuel de l’insécurité dans notre pays, venir au Burkina Faso pour mettre son capital en investissement, surtout après l’attaque spectaculaire du convoi de la Société SEMAFO.

Au lieu de constater ces insuffisances gouvernementales, d’en rechercher les moyens d’endiguer ces problèmes politiques, de favoriser nécessairement une réconciliation nationale afin de ramener la paix dans notre pays, le ministre Wendenmanegba Eric BOUGOUMA n’en a cure ! C’est le renouvellement du mandat par coup K.O. qui l’intéresse alors même qu’il n’a dressé au préalable aucun bilan…politique de la politique du MPP pendant les quatre années écoulées jusqu’à la fin de la dernière année déjà entamée..

Quoi qu’il en soit de ces tergiversations politiques ou de prestidigitations rêveuses, en tout état de cause, la configuration actuelle des partis politiques au Burkina Faso ne peut conduire à l’élection du président du Faso au premier tour aux prochaines élections de 2020, sauf le mystère d’une éventuelle fraude électorale avec les conséquences politiques gravissimes précitées et ceux qui prendront l’initiative de cette fraude en assumeront inévitablement les conséquences. Vous voilà prévenus !

Mathématiquement l’élection du président du Faso et, notamment du candidat du MPP au premier tour est impossible et pour cause :
Chacun se souvient de la loi électorale d’exclusion (non pas d’inéligibilité comme l’a laissé entendre son auteur, mais d’exclusion) du 7 avril 2015 en ses articles 135 et 136 qui a invalidé les candidatures de « Toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement, sont inéligibles ».

Sur cette loi d’exclusion, une explication historique didactique s’impose : En effet, la Loi N° 0022/97/ADP du 27 Janvier 1997, promulguée par le Décret N° 97-063/PRES le 14 Février 1997 avait, sous la présidence de l’Assemblée Nationale de son Excellence Monsieur Marc Christian KABORÉ., révisé la Constitution Burkinabè en 1997 tendant à supprimer l’alternance politique puisque la nouvelle mouture de la Constitution résultant de cette révision Constitutionnelle de 1997 précisait « un mandat de sept (7) ans renouvelable » en lieu et place de « mandat de sept ans (7) renouvelable une fois ».

C’est dans ces circonstances que le projet de loi est arrivé à l’Assemblée Nationale avec la mention suivante : « Toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels… ».

Il va de soi que si le projet de cette loi d’exclusion avait été maintenu en l’état, le président Roch Marc Christian KABORÉ ne pouvait pas être candidat à l’élection présidentielle de 2015.

C’est pourquoi, les députés de la transition « bâtarde » selon Soumane TOURÉ ont imaginé de rajouter le bout de phrase « … ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement, sont inéligibles ».

Vous voyez bien que cette loi était intentionnellement exclusive d’une catégorie de personnes dont on sait pertinemment que si elles avaient été candidates, l’élection du candidat du MPP ne se serait pas fait au premier tour. A fortiori en 2020, il est impossible que le candidat du MPP soit élu au premier tour. N’insultez pas l’intelligence de notre peuple Burkinabè. Les récentes manifestations du peuple de Koupéla à l’encontre du député Blaise KYELEM et son staff sont les signes avant-coureurs que le MPP aura du pain sur la planche lors des futures élections législatives et présidentielles.

Dès lors, venir soutenir après un premier quinquennat « chaotique » (sur le plan sécuritaire qui a altéré les autres plans socio-économiques) que le candidat du MPP sera élu au premier tour est une posture d’imposture qui ne bernera d’aucune façon le peuple burkinabè en tenant compte de la configuration actuelle des partis politiques au Burkina Faso.

Certes, je ne suis pas un homme politique, mais je suis un analyste politique et patriote burkinabè de surcroît qui aime mon pays et souffre de le voir dans cet état exsangue sous le régime du MPP.

C’est pourquoi, face à cette prophétie annoncée de l’élection au premier tour du candidat du MPP, par le ministre BOUGOUMA, les forces d’opposition en présence de leur côté doivent s’organiser afin d’assurer une alternance démocratique dans notre pays pour la simple raison qu’on ne peut pas continuer dans cette direction avec le parti au pouvoir, le MPP et ses alliés opportunistes de circonstances sauf s’ils changent leur vision en allant à une réconciliation nationale des filles et des fils du Burkina Faso.

Il n’existe pas d’autre solution que l’union sacrée entre toutes les filles et tous les fils du Burkina Faso.

C’est l’occasion d’enseigner aux pêcheurs en eaux troubles que je ne suis ni l’ennemi, ni l’adversaire politique de personne et à chaque fois qu’il faut tracer la voie de l’intérêt général, je ne me gênerai pas pour le faire. Que cela soit dit une bonne fois pour toutes.

C’est enfin le lieu de rappeler au ministre BOUGOUMA que dans la matinée du vendredi 10 janvier 2020 dans la Cour du Mogho-Naaba, les autorités coutumières et religieuses ont livré une déclaration commune pour le renforcement de la cohésion sociale, de la recherche de la paix dans la justice et la réconciliation.

Et depuis le 8 Novembre 2018, par deux lettres ouvertes au président du Faso et à l’ancien Président Blaise COMPAORE, j’ai prôné en vain cette réconciliation nécessaire pour la paix. Depuis cette date, que de victimes innocentes sont mortes dans les rangs des forces de défenses et de sécurité, sans parler des victimes civiles, que de déportés dans leur propre pays peut-on compter ?

Dès lors, sans la paix, sans une réconciliation véritable entre les filles et les fils du Burkina Faso, qu’un ministre des Infrastructures ne vienne pas nous parler d’une réélection du MPP au premier tour par ce que le peuple burkinabè ne peut pas continuer avec un régime qui n’a pas officiellement enclenché une réconciliation intégrale de toutes les filles et fils du Burkina Faso depuis son accession au pouvoir en 2015 et le dire avec conviction relève tout simplement de la liberté d’expression garantie par l’article 8 précité de la Constitution du Burkina Faso.

Paul KÉRÉ

Docteur en Droit

Avocat à la Cour

Chevalier de l’Ordre National

Médaille d’Honneur des Collectivités Territoriales