C’est le sujet à la Une des médias et des commentaires dans les maquis et autres salons feutrés du Burkina depuis que le gouvernement a appliqué le mois dernier l’IUTS sur les indemnités des fonctionnaires.
Dans la Tribune ci-contre, l’auteur, qui est gestionnaire comptable se prononce sur le sujet.

S’il y a un sujet touchant à la vie nationale qui défraie actuellement la chronique, c’est bien l’application de la loi sur l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) sur les primes et indemnités des agents de la Fonction publique. La décision prise par le gouvernement dans ce sens a suscité une levée de boucliers des syndicats au qui menacent de passer par des manières fortes notamment des grèves pour amener le gouvernement à se raviser sur la question.
Pourtant, la mesure prise par le gouvernement a une double utilité. D’une part, elle permettra de renflouer les caisses de l’Etat qui a énormément besoin de ressources financières pour faire face à ses missions régaliennes. D’autre part, la mesure, comme le soutient le gouvernement, permettra de corriger une injustice en restaurant l’équité avec les travailleurs du privé dont les primes et indemnités étaient déjà frappées dudit IUTS depuis des lustres. Alors, appliquer l’IUTS sur les primes et indemnités des agents du privé et en exonérer celles des agents publics, c’est pratiquer la politique du deux poids deux mesures à l’encontre des Burkinabè qui naissent tous libres et égaux devant la loi.
La question est si sensible que le ministre des Infrastructures, Eric Bougouma, en se prononçant sur le bien-fondé du paiement de l’impôt, a vu la volée de bois vert s’abattre sur lui comme s’il avait commis un crime de lèse-majesté. En effet, lors de la cérémonie d’inauguration du pont de Djikofê, le 21 février 2020, le ministre a invité les Burkinabè à cultiver l’esprit de sacrifice en payant l’impôt qui contribue à la réalisation d’infrastructures socio-économiques pour le bien-être du peuple.
« Mon avis personnel est que quand on paie l’impôt, ça fait toujours mal. Si on me dit aujourd’hui d’augmenter l’IUTS que je paie en tant que ministre, ça fait mal. Mais si nous l’augmentons de 5F et que cela est utilisé pour améliorer les conditions de vie des populations, pour renforcer la résilience de notre peuple face à l’adversité, au terrorisme, pour le bien commun, alors, nous devons accepter de faire des sacrifices. Nous devons accepter d’endurer des souffrances, de renoncer à quelques bouteilles de bière, de renoncer à quelques poulets flambés, pour que notre pays puisse aller de l’avant », a t-il déclaré. Il n’en fallait pas plus pour qu’une partie de l’opinion publique burkinabè s’acharne à le mouliner telle une peste. Ne pas voir dans la sortie du ministre une pure réalité, c’est décidément faire preuve d’une mauvaise foi à nulle autre pareille. Sauf si le Burkinabè est devenu ennemi de la vérité ! C’est aussi de la mauvaise foi lorsque certains syndicalistes tentent de nous faire croire qu’ils ne se reconnaissent pas dans les propos du ministre au motif qu’ils ne s’offrent pas au quotidien les bouteilles de bière et les poulets flambés. Et pourtant… On ne peut pas non plus dénier au ministre le droit de se prononcer sur cette question qui touche aussi à son département. Sa déclaration ayant eu lieu au cours d’une cérémonie d’inauguration d’infrastructures, il est évident que plus les agents du circuit économique contribueront au budget de l’Etat, plus le pays bénéficiera d’infrastructures routières. Et les agents publics sont bien membres dudit circuit économique.

On n’a pas besoin d’être grand clerc pour se rendre à l’évidence compte que le ministre a vu juste sur ce sujet. Car, l’esprit de renonciation auquel il fait allusion et qui est autrement appelé esprit de sacrifice, est consubstantiel au développement de toute Nation. Au regard de la situation nationale, le mot
« renoncer » ou « sacrifice » qui signifie « abandonner, se détacher, se priver de quelque chose, refuser », a toute sa place dans les discours politiques lorsque son emploi ne conduit pas à la perte de notre dignité et réputation de Burkinabè travailleurs et intrépides.
Au sens strict du terme, même dans la cellule familiale, les époux consentent des sacrifices en renonçant à tel ou tel autre bien pour atteindre l’objectif que s’est fixé le couple. Il en est de même de l’élève qui sacrifie au nectar mielleux de son sommeil, des nuits durant, pour l’obtention de son diplôme à l’examen qu’il prépare. Des exemples en la matière sont légions. Au sens large du terme, la Nation, telle la famille ne peut prospérer sans le sacrifice de ses filles et fils et envisager son développement sans leur sacrifice, c’est se chatouiller pour rire.
Ce sacrifice est même souvent payé au prix fort. C’est ainsi que les sacrifices de nos aïeux, de Louverture, de Louis Delgrès, etc., ont permis de libérer des Nations. C’est aussi dans cette optique que s’inscrit le sacrifice des Burkinabè qui ont accepté de perdre leur vie pour mettre fin au projet funeste du président Compaoré en 2014 et au coup d’Etat de Diendéré en 2015. Si nos syndicats ont accepté en 2014 et 2015 de consentir au dit sacrifice au Burkina, il paraît aujourd’hui incompréhensible qu’ils s’opposent au même esprit de sacrifice auquel les invite le ministre Bougouma. Sauf là aussi, s’ils ont trouvé entre-temps leur chemin de Damas, comme l’apôtre Paul dans la Bible, et que le sens de l’intérêt général soit devenu le cadet de leurs soucis. Alors, si renoncer, non pas à la totalité mais plutôt juste à quelques bouteilles de bière que nous prenons ou juste à quelques poulets flambés que nous consommons, peut servir à économiser quelques francs CFA pour la prospérité de la Nation, allons-y seulement ! Sans broncher. D’autant plus que les membres du gouvernement qui défendent la mesure, se l’appliquent aussi, prêchant ainsi la pédagogie par l’exemple.
C’est "Ce que je crois" pour reprendre le titre de la chronique de Béchir Ben Yamed, le fondateur de l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique.

Abdoulaye Ouédraogo
Gestionnaire comptable
Consultant