En cette journée internationale des droits des femmes, Denis Dambré propose un bref focus sur un livre de Benoîte Groult, journaliste, romancière et militante féministe, née en 1920 et morte en 2016 en France. Son titre : Le féminisme au masculin. L’auteure y aborde la question des droits des femmes de façon très originale en rendant hommage aux hommes qui, au fil des siècles, ont défendu la cause des femmes et dénoncé les injustices dont elles étaient les victimes.

A la lecture de l’ouvrage de Benoîte Groult, on est frappé entre autres par la figure de François Poullain de La Barre (1647-1723) qui, dès 1673, publiait un ouvrage intitulé De l’égalité des deux sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés.
Convaincu « qu’un sentiment aussi ancien que le monde, aussi étendu que la terre et aussi universel que le genre humain pouvait n’être qu’un préjugé ou une
erreur », Poullain de La Barre prend fermement position contre l’assujettissement des femmes partout et à travers les siècles. Il taille en pièces les arguments des défenseurs de l’ordre établi en mettant en exergue le conditionnement dont ceux-ci ont été l’objet. Il écrit :
« Leurs plus forts raisonnements se réduisent à dire que les choses ont toujours été comme elles sont à l’égard des femmes, ce qui est une marque qu’elles doivent toujours être de la sorte. Or les hommes sont persuadés d’une infinité de choses dont ils ne sauraient rendre raison... et ils eussent cru aussi fortement le contraire si les impressions des sens ou la coutume les y eussent déterminés. »
Pour Poullain de la Barre, il faut prendre conscience des déterminismes sociaux qui conditionnent notre façon de penser et d’agir pour se défaire de ses préjugés et, ainsi, éviter de porter préjudice par ignorance aux droits de la moitié de l’humanité.

Aujourd’hui encore, les exemples qui corroborent son propos ne manquent pas. Dans notre pays, exception faite de la période de la Révolution où l’on avait essayé par une politique volontariste de changer les mentalités, on considère souvent encore comme une normalité le fait que les femmes fassent la cuisine ou s’occupent des enfants. Mais pourquoi pas les hommes ?
Je me souviens que, enfant, ma mère nous obligeait, nous les garçons, à contribuer à la préparation du repas, ne serait-ce qu’en lavant les plats et les marmites. Et lorsque nous lui disions que c’était du travail de femme, elle nous répliquait : « Dépêchez-vous, cela ne fera pas tomber votre sexe ! ». Plus tard, lorsque je me suis retrouvé seul dans ma chambre d’étudiant à devoir préparer mon repas tout seul, je lui en ai été reconnaissant.
L’histoire donne raison aujourd’hui au précurseur du mouvement féministe que fut François Poullain de la Barre. Même si le chemin vers l’égalité entre les hommes et les femmes reste malheureusement encore long à parcourir, on peut tirer de ses prises de position, courageuses pour l’époque, la leçon suivante : les grandes avancées de l’histoire humaine proviennent toujours d’une minorité d’hommes et de femmes extraordinaires qui ont le courage d’aller à l’encontre des habitudes de pensée de leur temps.
Ayons ce courage de l’empathie lorsqu’il s’agit de défendre l’égalité entre les humains, la liberté ou le bien-être de chacun. Car nous servons alors nos propres intérêts. Comme disait Denis Diderot (1713-1784) : « L’homme le plus heureux est celui qui fait le bonheur d’un plus grand nombre d’autres. »

Denis Dambré, correspondant en France
Kaceto.net