Depuis hier 26 mars, 36 grands marchés et yaars de la commune de Ouagadougou sont fermés sur décision des autorités locales dans le but de briser la chaîne de contamination du VOVID-19. La mesure qui frappe surtout les acteurs du secteurs dit informel est-elle respectée ? Eléments de réponse.

Il est 10 h passées de quelques minutes dans le marché Katr-yaar dans l’arrondissement 10 de Ouagadougou. Habituellement, à cette heure, ce marché connait une forte affluence, étant à la fois un lieu d’approvisionnement de condiments et de vente de diverses marchandises (vêtements, céréales, sacs de voyage, etc.)

Mais, l’effet de l’arrêté signé par le maire de Ouagadougou sur la fermeture des grands marchés et yaars est immédiat. C’est presque le désert. Des tables rangées, des boutiques et autres hangars fermés. « C’est ce que les autorités voulaient, donc voila pourquoi on a fermé. On va faire comment », commente Moussa Zerbo, commerçant du marché venu surveiller sa boutique en attendant que la nuit tombe. C’est avec une voix remplie de tristesse que ce dernier s’est livré à nous. Il ne comprend pas pourquoi les autorités ont laissé le virus se propager avant de commencer à lutter de cette façon. « Qu’est ce qu’on va manger ? et nos
familles », interroge t-il.

Comme lui, ils sont très nombreux à avoir fermé leurs boutiques pour respecter les mesures prises par les autorités. Mais à contrecœur. D’ailleurs, bien qu’ayant fermé leurs boutiques, certains ne s’en éloignent pas, espérant un changement de dernière minute. On rencontre même au détour de certaines allées, des commerçants, notamment des bouchers qui continuent leurs activités même s’ils regrettent le manque de clients. « Voyez comment notre mine est serrée. Pourtant, on ne vient pas au marché en ayant la mine serrée. Si on ne vient pas, notre famille ne va pas manger, les enfants sont en pleurs à la maison, on va faire comment ? », a confié Adama Bagaya, un boucher.

A quelques km de là se trouve le marché Nabi Yaar, situé en face de l’hôpital Saint Camille, surnommé deuxième grand marché de Ouagadougou, à cause de la forte affluence qu’il draine. Condiments, prêts à porter, friperie, médicament traditionnels, objets d’art, sont entre autres, les produits qui sont proposés aux clients. Lutte contre le COVID-19 oblige, Nabi Yaar était aussi désert hier quand nous y sommes arrivés. Juste quelques vendeurs de poulets ainsi que des marchands ambulants sont encore en activité aux alentours. Un tradi-praticien à l’entrée du marché accepte de parler. "J’espère que les choses vont s’améliorer avec le temps. Déjà, avant cette épidémie, c’était un peu morose et avec ça, imaginez ce qui peut se passer. Nous ne sommes pas des fonctionnaires, si on ne travaille pas, on ne mange pas ».
Sa voisine, Bintou Raabo vendeuse de condiment ajoute : "Le nombre de jours choisi par le gouvernement est trop. Au moins, s’ils peuvent revoir, c’est mieux".
Au grand marché, Rood-woko, le poumon économique de Ouagadougou, c’est un calme plat très étrange qui y règne. Toutes les portes du marché sont fermées. La police municipale qui veille au respect de la mesure prise par le maire, confie que depuis le matin, les boutiques n’ont pas ouvert. "Ce matin, quelques personnes sont passées voir, mais sont reparties. Nous faisons le tour pour vérifier, mais tout est calme. Nous n’avons pas eu à intervenir", confie un policier.

Direction à présent le marché de Dassagho. Ici également, les portes du marché sont bien fermées. Les allées qui grouillent d’habitude de monde, sont vides. "Oui, on a fermé, puisque les autorités ont dit de fermer pour lutte contre la maladie. Mais, vraiment, c’est pas facile pour nous. On mange ici tous les jours. Et, puis, comment on va faire pour payer la location de la boutique dans ces conditions", confie un vendeur de mèches. A quelques mètres de lui, un autre interrompt sa prière pour nous parler : "J’ai réceptionné des ignames il y a trois jours ; une grosse quantité d’une valeur d’environ 1000 000 et là, on dit de fermer. Or, c’est une denrée périssable et si je n’arrive pas à écouler le stock, comment je vais payer mon fournisseur", se plaint-il, même s’il comprend l’urgence de lutter contre le COVID-19.

Si l’intérieur du marché est bien vide, en revanche, côté Est, la voie qui passe devant la gare STAF est bondée de monde. Certes, ce n’est pas l’ambiance habituelle, mais des vendeuses de légumes et de fruits ont bravé la mesure municipale et écoulent leurs produits. "Nous, on a réceptionné des mangues il y a trois jours, et on est là espérant les revendre à nos clients détaillants. Si ça dure, ça va pourrir et on aura tout perdu", explique deux dames, grossistes dans le secteur des fruits et légumes.
"Moi, je ne peux pas rester à la maison. Pour faire quoi ? Mourir de faim ? ", interpelle un détaillant de services électroniques et financiers. "On a dit qu’il faut éviter les grands rassemblements ; donc, on peut trouver une solution pour qu’on puisse nourrir nos familles. Sinon, la maladie va nous tuer une deuxième fois", ajoute t-il, amer.

Frédéric Tianhoun et Dominique Koné
Kaceto.net