La plupart des 7,5 milliards d’habitants de la planète n’ont pas connu les grandes guerres du 20ème siècle. Certes, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des foyers de tension ont secoué et secouent encore aujourd’hui certaines parties du monde. Mais, dans d’autres, en particulier dans les pays développés, les terriens étaient plutôt accoutumés à vivre dans l’insouciance. Jusqu’à ce qu’une particule minuscule, invisible à l’œil nu, microscopique, sème le trouble : le covid-19. Dans ce texte, Denis Dambré essaie de dessiner les contours du monde après le coronavirus et invite les lecteurs au respect des gestes barrières pour vaincre la crise sanitaire.

On a d’abord cru que c’était un mal chinois, circonscrit à la ville de Wuhan. Le reste du monde a minimisé son impact. Je me souviens de propos d’un client dans un salon de coiffure il y a seulement un mois : « Ce n’est pas étonnant que de telles maladies apparaissent en Chine. Les Chinois mangent n’importe quoi ! Chauves-souris, pangolins, tout ce qui leur tombe sous la main ! Dans les restaurants chinois, ils vous servent de ces mets, vous ne savez même pas ce qu’il y a dedans ! ». Les vieilles rengaines antichinoises refaisaient surface, comme si le reste du monde pouvait encore y échapper.
Puis le virus a très vite rappelé à notre bon souvenir un mot : la mondialisation. Nous évoluons bel et bien dans un monde globalisé où des transports aériens, maritimes et terrestres relient chaque jour les continents et les parties du monde. De sorte qu’une particule infectieuse apparue en Chine peut conquérir en un temps record le reste de la planète. Voilà qu’elle met désormais à l’arrêt toute l’économie mondiale et révèle l’impuissance de nos armes les plus destructrices à nous protéger quand la guerre nous oppose à un ennemi invisible.
On revient tous à l’essentiel qui est la préservation de nos vies devant les milliers de morts déjà recensés. On applaudit le soir venu les personnels hospitaliers qui explosent le compteur de leurs heures de travail pour réanimer des malades. On dévalise les rayons des magasins de peur de manquer de vivres pendant le laps de temps où l’ennemi invisible rôdera encore dans nos villes et nos villages. On bénit les agriculteurs et les maraîchers qui s’évertuent contre vents et marées à nous nourrir. On s’enferme, on écoute de la musique ou on regarde des films pour ne pas mourir d’ennui et on redécouvre même les bienfaits de la lecture.
Mais on ne se serre plus la main comme il y a encore quelques semaines, on ne se bisoute plus, on ne se parle plus à moins d’un mètre de distance, on se téléphone de préférence, on découvre les joies du ménage et du nettoyage, on se console à l’idée que les jeunes enfants sont moins lourdement impactés, on espère que les nôtres même en cas d’infection survivront, on prend des nouvelles de nos parents et de nos amis et on se lance mutuellement en conclusion de nos messages écrits : « Prenez bien soin de vous ! ».
Mais que restera-t-il de cette période où le monde entier est mis sous cloche par une particule invisible à l’œil nu ?

Au plan social, le traumatisme des milliers de morts durera un temps dans les mémoires. La distanciation sociale apprise durant la crise sanitaire demeurera elle aussi. On se fera moins souvent la bise dans les services et on gardera une certaine distance dans la conversation avec autrui, plus conscient que par le passé des échanges de microbes qui s’opèrent dans les rencontres trop rapprochées ou trop tactiles. Beaucoup conserveront aussi l’habitude de la désinfection, y compris des appareils que nous portons sur nous tels que les téléphones ou les montres.
Au plan géopolitique, le monde aura changé de visage. La Chine qui, d’ores et déjà, est en passe de se sortir de la crise aura renforcé son influence dans le monde. Plusieurs pays infectés dont, par exemple, des pays européens tels que l’Italie ou la Grèce ont déjà fait appel à l’expertise et à l’aide du géant asiatique pour s’en sortir au plus vite. Et l’on sait que, sans le crier sur les toits, d’autres pays européens et du monde leur ont emboîté le pas.
Les grands perdants dans cette crise seront les Etats-Unis. Trop préoccupé par les enjeux économiques pour assurer sa réélection, Donald Trump aura commis, vis-à-vis de ses concitoyens, l’erreur monumentale susceptible de lui coûter justement la reconduction de son mandat : la minimisation d’une pandémie qui provoquera des milliers de morts et coûtera cher à son pays. Au vu du désastre annoncé, le Congrès a déjà consenti par vote au déblocage de 2000 milliards de dollars pour soutenir l’économie du pays. Et la courbe du chômage qui constituait l’un des atouts de Trump dans la campagne électorale en cours est en train de s’inverser de manière vertigineuse.
L’autre grand perdant est le premier ministre britannique Boris Johnson, grand pourfendeur de l’Europe et allié de Donald Trump. Il y a deux semaines encore, il serrait des mains sans retenue et déclarait qu’il était préférable de laisser venir la crise sanitaire pour que la population soit immunisée, même si cela devait coûter quelques vies. Puis, devant l’ampleur du phénomène, il a fait volte-face la semaine dernière pour annoncer le confinement. Le résultat de son retard à l’allumage est qu’il se retrouve lui-même piégé par sa propre négligence. Infecté par le virus, il est désormais confiné et poste des vidéos pour assurer la population que son état de santé n’inspire pas d’inquiétude et qu’il continue de gérer le pays de Sa Majesté la Reine.
Quant à l’Afrique, espérons que les dégâts de la maladie seront limités. Car, si des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la France en sont à chercher en vain des respirateurs pour ventiler les patients, le risque est que nos pays à faibles moyens n’arrivent pas du tout à faire face. Ce qui entraînerait une catastrophe de grande ampleur. En effet, le taux de mortalité est d’environ 2% lorsque les pays arrivent à prendre correctement en charge les patients. Quel sera-t-il pour les autres ?
C’est pourquoi, je m’associe pleinement aux appels lancés à la population :
« Confinez-vous ! Respectez le couvre-feu ! Evitez de serrer les mains ! Evitez de parler à moins d’un mètre d’une personne ! Toussez dans votre coude ! Lavez-vous régulièrement les mains au savon ! Evitez de prendre un anti-inflammatoire en cas de symptômes car cela peut aggraver mortellement votre état ! Prenez plutôt du paracétamol ! Et, surtout, méfiez-vous des faux remèdes de charlatans que des personnes qui n’ont ni étudié la médecine ni jamais pratiqué la pharmacopée traditionnelle qu’ils vous proposent dans des vidéos dévastateurs... ».
Je nous souhaite à tous de survivre à cette crise majeure pour voir le monde d’après que j’ai essayé succinctement de dessiner dans cet article.

Denis Dambré,
Proviseur en France
Kaceto.net