Le 1er juillet 2020 est la date symbolique retenue pour l’entrée en vigueur de l’ECO, la monnaie commune choisie par la CEDEAO et l’UEMOA. La réforme est aujourd’hui dans une impasse, le Nigeria n’approuvant pas l’implication de la France.

L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) se retrouve techniquement dans un vide monétaire. Le 1er juillet 2020 a été choisi comme date symbolique d’entrée en vigueur de l’ECO, la nouvelle monnaie de cette sous-région, après la signature le 21 décembre 2019 avec la France, d’un accord de réforme de la coopération monétaire.

Deux jours après cette date, les gouvernements des pays membres de l’UEMOA n’ont pas encore fait de déclaration sur le sujet. La France qui, à grand renfort médiatique a le 20 mai 2020 « entériné la fin du Franc CFA » reste elle aussi silencieuse. Le président Muhammadu Buhari du Nigeria semble avoir bien choisi le moment pour jeter un pavé dans la mare.

La réforme perturbée par le Nigeria

La plus importante économie d’Afrique en termes de produit intérieur brut (PIB) et de fait, le plus grand des pays membres de la CEDEAO a clairement affiché sa désapprobation à la réforme que mène la France avec ses partenaires économiques historiques. « Nous ne pouvons pas nous ridiculiser en entrant dans une union pour nous désintégrer potentiellement au plus tôt lorsque nous y entrons. Nous devons être clairs et sans équivoque sur notre position concernant ce processus », a-t-il fait savoir lors d’une récente vidéoconférence avec ses homologues de la sous-région, brandissant ainsi le risque d’une dislocation de la CEDEAO.

Le président Buhari estime que ses pairs de l’UEMOA ont entrepris une démarche solitaire ; ce qui n’est pas totalement exact. En s’installant à la présidence tournante de la CEDEAO, Mahamadou Issoufou, président du Niger, a clairement fait savoir que les pays en conformité avec les critères de convergence peuvent déjà commencer à utiliser la nouvelle monnaie et seront rejoints par les autres. Or l’UEMOA en tant qu’espace monétaire commun et surtout le Togo, un de ses pays membres, respectent ces critères de convergence.

L’embarras vient surtout de la présence française dans le processus. Les accords signés le 21 décembre 2019 maintiennent la France comme le garant de l’ECO adopté par l’UEMOA. Cette position qui est fondamentale au cœur du système qu’est le franc CFA a été répercutée sur la nouvelle monnaie désignée. Or, son organisation devrait faire l’objet d’une négociation entre le gouvernement français, et la Banque centrale de l’UEMOA ; ce que le Nigeria ne peut pas tolérer.

Pour les pays de l’UEMOA, le statu quo semble la meilleure option

Les pays de l’UEMOA ne sont pas prêts à abandonner plus de 60 ans de stabilité monétaire du jour au lendemain. Plusieurs analystes et agences de notation estiment que cela entraînerait un désastre économique d’une ampleur qu’on ne peut évaluer. A ce propos, le Nigeria ne propose pas des solutions de substitution concrètes. Sa monnaie (le Naira) qu’il a adoptée en 1973 a vécu au rythme de plusieurs vagues d’inflation. Jusqu’en 2016, elle était encore liée au Dollar US sur une parité fixe avant que les autorités du pays ne la laissent de nouveau évoluer selon le marché, avec un grand coup de pouce de la Banque centrale.

La France est suffisamment avancée pour ratifier l’accord signé avec ses partenaires francophones de la CEDEAO. Mais le texte ne peut entrer en vigueur que si l’accord de garantie est signé à son tour. Or, le Nigeria ne veut pas de cette garantie. Cela laisse penser que le Franc CFA continuera de circuler dans une espèce de statu quo.

Au final, même le rapatriement symbolique des réserves de change du compte des opérations en France vers un autre qui sera choisi par la BCEAO risque de ne pas se faire, de même que le départ des représentants français au sein de cette Banque centrale. Ces évolutions font partie intégrante de la réforme des accords monétaires. Enfin, on ignore encore à quel niveau est le processus de ratification dans les pays de l’UEMOA, en commençant par le Niger, pays dont le président a été le plus enthousiaste au sujet de l’adoption par avance de l’ECO.

Cette situation sur le long terme pourrait devenir un motif d’incertitude, notamment pour le secteur financier et celui des investissements. Pour le moment, ils ont anticipé le fait que de grands changements ne surviendraient pas sur le court terme, au-delà des annonces médiatiques. En février 2020, le Nigeria avait déjà demandé un report de l’entrée en vigueur de l’ECO au mois de juillet tel qu’il a été décidé par la CEDEAO en juin 2019. Avec le Ghana, ils sont les deux pays qui ont le moins respecté les critères de convergence de la nouvelle monnaie.

ECOFIN