Déployée sur les différents théâtres d’opérations dans la guerre contre les terroristes, la gendarmerie est souvent pointée du doigt par des organisations de défense des droits de l’homme qui suspectent certains de ses éléments de porter atteinte aux droits de l’homme.
Des critiques qui agacent l’auteur du la Tribune ci-contre.

Ces derniers temps la gendarmerie nationale est sur la sellette avec des critiques souvent pernicieuses autour de son rôle dans la lutte contre le terrorisme. Si dans ce tohu-bohu, on dénonce à juste titre les dérives de quelques brebis galeuses (comme on en trouve dans tous les corps de la société burkinabè), la tendance à vouloir jeter l’opprobre sur toute l’institution, commence à exaspérer et agacer véritablement ses acteurs, de la base au sommet de sa pyramide. Toutes les personnes honnêtes qui ont fait un tour dans les unités de gendarmerie sont surpris de la résilience dont font preuves les agents au regard de la loyauté et du dévouement avec lesquels ils exercent leur métier.

Il souffle comme un air de désappointement sur la maréchaussée, de l’agacement lié aux attaques injustes dont elle est l’objet et sans aucun rapport avec les déviances de quelques éléments poursuivis par les tribunaux et qui ont fait la manchette des journaux. Non ! Unanimement dénoncés et condamnés par l’immense majorité des gendarmes en raison du préjudice porté à l’image de toute l’institution, la publication de ces faits divers n’est pas à la base du malaise actuellement vécu. D’aucuns pensent à une cabale indiscriminée, orchestrée à travers les réseaux sociaux et les organisations de défense des droits de l’homme pour décrédibiliser l’institution entière et passer sous l’éteignoir ses succès engrangés sur différents fronts dont celui de la lutte contre le terrorisme. Or, à la différence de la police nationale, la gendarmerie qui est une institution militaire est entièrement astreinte à l’obligation de réserve. Son statut l’oblige donc à encaisser sans broncher les rudes coups portés même en dessous de la ceinture et contrairement à une certaine idée répandue, ses différents chefs successifs ont toujours fait du respect de l’éthique et la déontologie leur credo. Elle n’a pas le droit d’être syndiquée et sans remet exclusivement à la hiérarchie pour les réponses à ses attentes.
Dans la bourrasque qu’a traversée le pays ces dernières années avec la série de mutineries, l’insurrection puis la tentative de coup d’état, la gendarmerie nationale est l’institution qui s’est toujours montrée républicaine en protégeant les institutions et toutes les personnalités. Ainsi, le camp Paspanga a servi de refuge aux caciques du régime COMPAORE qui ont eu l’occasion de découvrir les conditions de travail des gendarmes. Le projet de construction d’une école de gendarmerie qui remonte à des décennies a toujours des difficultés à être concrétisé et les enquêtes de moralité avec l’importance des recrutements actuels, sont de moins en moins poussées faute de moyens. Les mailles du filet sont donc moins resserrées pour extirper les candidats indélicats.
Avec l’émergence de la menace terroriste, la gendarmerie nationale en tant que force de sécurité militaire, s’est réorganisée pour faire front. Les brigades de gendarmerie dotées d’effectifs et de moyens dérisoires ont été particulièrement ciblées dès les premiers moments à commencer par celle le Samoroguan en octobre 2015. Malgré le lourd tribut humain, l’histoire retiendra qu’elles ont toujours résisté vaillamment avec les moyens dérisoires à leur disposition. Il a fallu la constitution et le déploiement par le commandement, d’escadrons mobiles portés dans la zone septentrionale et l’appui d’éléments de son unité antiterroriste pour desserrer l’étreinte de l’hydre terroriste et contrer son expansion vers le sud. En effet, n’eût été cette option tactique, les terroristes auraient certainement réussi leur projet de gouverner jusqu’à la ville de Kaya.
Ceux qui en doutent pourront vérifier que la gendarmerie n’a pas obtenu de moyens exceptionnels pour le faire. L’engagement patriotique, le sens de l’honneur et le courage de ses hommes ont constitué les principaux atouts. Si les moyens matériels sont importants dans la guerre asymétrique qui nous est imposée par les groupes armés terroristes, l’ascendant psychologique est indéniablement le facteur le plus déterminant dans chaque bataille.

Et pourtant, les gendarmes affectés dans les zones devenues théâtres d’opérations se plaignent d’une discrimination en terme de prise en charge sanitaire et pécuniaire. Des récriminations qui ne peuvent qu’affecter le moral et leur hiérarchie a toujours su juguler. Quant au budget de l’institution, le groupe de députés qui s’est intéressé à la question peut témoigner. Il n’a pas suivi la croissance des effectifs de ces dernières années encore moins l’amélioration du maillage du territoire national.
Dans de telles conditions, la gendarmerie peut-elle revendiquer l’exclusivité de la lutte contre le terrorisme ou doit-elle baisser la garde pour répondre aux désidérata de ceux qui affirment qu’elle en fait trop ? Avec beaucoup de malveillance, certains affirment que c’est l’institution choyée du pouvoir en place. A la page 6 de son rapport publié le 22 juin dernier, l’Observatoire de Défense des droits de l’Homme (ODDH) écrit : « La gendarmerie est alors renforcée au détriment de l’armée, considérée par le nouveau régime comme trop proche de Compaoré… » On ne sait pas sur quoi l’ODDH se fonde pour soutenir une telle allégation quand on sait qu’une brigade de gendarmerie fonctionne aujourd’hui avec une dotation trimestrielle de 110 000F de carburant ! La plupart des groupements ne sont pas clôturés encore moins les compagnies et les brigades dont la vétusté est incontestable. Marquant sa surprise face au dénuement lors de sa première rencontre avec les gendarmes dans la salle ZONGO Norbert du Camp Paspanga juste après sa prise de fonction, le ministre d’Etat Simon COMPAORE avait soutenu que les gendarmes étaient en partie responsables de leur situation qui méritait d’être expliquée partout y compris dans les églises et mosquées.
Le Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC) pour sa part, n’a pas trouvé mieux à faire que de réclamer dans l’une de ses sorties la suspension du gouverneur de la région de l’Est parce qu’il est gendarme. C’est à croire que la lutte contre la stigmatisation des communautés est soluble dans celles des institutions de la république. Mais, à regarder de près, il n’y a pas d’antinomie dans les positions du CISC pour peu que l’on pousse un peu plus loin sa logique. Au-delà de la suspension du gouverneur de la région de l’Est, il faut aussi rappeler des différents théâtres d’opérations où les escadrons de gendarmerie y sont déployés. Manifestement, il se déroule contre la maréchaussée et même les FDS de façon générale, une subversion intelligemment et subtilement menée au seuil de la belligérance, usant de mythes incapacitants dont il faut se prémunir

Les gendarmes sont unanimes à reconnaître que leur appartenance au ministère chargé des armées tout en étant une force de sécurité intérieure, s’apparente à la situation d’une personne assise sur deux chaises. Du coup, certains se demandent si la fusion avec la police nationale comme au Bénin n’est pas plus bénéfique. Elle leur conférera assurément plus de droits contrairement au statut actuel. Pour certains anciens, c’est beaucoup plus une question de volonté politique que de statut et de citer l’exemple de la gendarmerie sénégalaise nettement mieux équipée et qui pourrait justifier en partie la stabilité politique dans ce pays qui n’a connu aucun coup d’état depuis son indépendance sans pour autant abriter une base militaire étrangère.

Christian TONY
Kaceto.net