L’écrivain guinéen Tierno Monénembo est outré par les décisions prises par l’organisation ouest-africaine imposant un blocus au Mali suite au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Pour lui, les présidents des pays membres de la CEDEAO sont en déphasage avec les aspirations de leurs peuples

CEDEAO : Le gang d’Abuja TIÉRNO MONÉNEMBO

La Cedeao, ce syndicat de chefs d’Etats aux mains tachées de sang, vient de réagir au putsch récemment intervenu au Mali. Cette sordide coterie propose rien moins que le retour du nullissime Ibrahima Boubacar Keïta au pouvoir, l’homme qui a mis son pays en lambeaux et plongé son peuple dans le désespoir. Gagné par la trouille, notre cynique Alpha Condé y va même de son petit couplet de moraliste : « Il est évident que nous devons condamner de façon très ferme le coup d’Etat.
Je suis d’accord avec le Président Roch Marc Christian Kaboré que l’action immédiate à mener est non seulement la libération du Président Ibrahima Boubacar Keita, mais aussi de tous les autres responsables et assurer leur sécurité. La deuxième action à mener comme l’a dit le Président Buhari, c’est le retour à l’ordre constitutionnel. Car, le Président Ibrahima Boubacar Keita a été élu pour 5 ans et on doit lui permettre de terminer son mandat….C’est pourquoi nous devons tout faire pour aider ce pays frère à rétablir l’ordre constitutionnel ».
Vous avez entendu : « respecter l’ordre constitutionnel », lui qui a honteusement bafoué la sienne afin de s’octroyer une présidence à vie ! Le pire, c’est que cela ne fait rire personne. Nos ronds-de-cuir d’Abuja indexent les mutins de Kati pour mieux protéger ceux de Conakry et d’Abidjan. Ce putsch-ci, je le condamne, cet autre, je l’applaudis des deux mains puisqu’il s’agit de sauver mes amis et que c’est cela qui me plaît. Ainsi va la vie en Afrique : les conventions et les lois ne valent que ce que valent les intérêts des mafieux qui nous gouvernent.
Remettre Ibrahima Boubacar Keïta en selle ! Mais de quel droit ? Ces ronds-de cuir de la Cedeao auraient-ils perdu la tête ? Pourquoi dans ce cas ne pas ré-introniser Yaya Jammeh à Banjul ? Ouvrez les yeux, messieurs Ouattara, Issoufou, Alpha Condé et consorts : la page Ibrahima Boubacar Keïta est tournée, bel et bien tournée (et je vous assure que la vôtre le sera bientôt, très bientôt). Il est temps d’en écrire une autre et pas seulement pour le Mali, pour l’Afrique entière. S’il revenait à Koulouba, ce cadavre politique ne jouirait d’aucune autorité même plus sur les plantons et les chambrières.
Et puis, franchement, l’armée malienne n’a fait qu’avaliser la grogne populaire, à mettre un terme au désastre IBK, bref à soulager son peuple. Mettre le Mali sous embargo, diaboliser les colonels de Kati serait la pire des options. Il vaudrait mieux pousser la junte à dialoguer avec le M5-RFP et avec toutes les forces qui comptent, à encourager une transition intelligente, c’est-à-dire brève et consensuelle, une transition à la soudanaise par exemple. Je répète que le chaos généralisé en serait la seule et unique alternative. Aujourd’hui est un autre jour, les Maliens ont réglé leur cruel dilemme : Ils préfèrent le choléra Assimi Goïta à la peste IBK.
Pourquoi interdire aux gradés ce que l’on concède aux politicards. Un putsch est un putsch qu’il soit militaire ou constitutionnel ; une escroquerie, une escroquerie, quel que soit le vêtement du filou. Personne ne nous fera croire que le délinquant en costume-cravate mérite plus de respect que le délinquant en treillis.
Et puis franchement, mieux vaut le pronunciamiento que le tripatouillage constitutionnel. C’est plus franc, plus honnête, plus intrépide. De toute façon, le fait est là, clair et incontournable : les Maliens ne veulent plus de l’horreur IBK. Emmanuel Macron qui est plus intelligent que la moyenne a raison : « Nous n’avons pas à nous substituer à la souveraineté malienne ». Ce propos frappé au coin du bon sens, nos dynastes au pouvoir chancelant et à la légitimité douteuse, l’entendront-ils ?

Tierno Monénembo
Écrivain