Le juge d’instruction au Tribunal criminel spécial du Cameroun, a retenu, contre Edgard Alain Mebe Ngo’o, ex-ministre de la Défense, les charges de détournement pour une somme globale de 20,37 milliards de FCFA. Son épouse a été également inculpée pour complicité.

Au Cameroun, le 26 août dernier, le juge d’instruction au Tribunal criminel spécial (TCS), Jean Betea, a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le TCS concernant Edgard Alain Mebe Ngo’o, ancien ministre délégué à la présidence en charge de la Défense (Mindef), et ses coaccusés (dont son épouse), en détention provisoire depuis le 8 mars 2019.

Selon le site SBBC, au terme de l’information judiciaire, le juge d’instruction du TCS, tribunal compétent pour des affaires de détournements de derniers publics d’au moins 50 millions de FCFA, a jugé les charges de « délit d’initié » insuffisantes. Par contre, il a retenu les charges de détournement pour une somme globale de 20,37 milliards de FCFA contre l’ex-Mindef.

Selon le juge d’instruction, l’ancien membre du gouvernement aurait violé certaines dispositions du décret n° 2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des marchés publics dans la procédure de passation de plusieurs marchés de fourniture de matériels, équipements et prestations militaires avec la société chinoise Poly Technologies Inc. Ce qui aurait causé à l’État le préjudice d’un montant de 300 000 euros, soit 196,8 millions de FCFA.

En outre, Jean Betea a retenu les chefs d’accusation de corruption, prise d’un intérêt dans un acte ; blanchiment aggravé de capitaux dont le montant avoisine 20 milliards de FCFA.

Son épouse Bernadette a été inculpée pour complicité de détournement de la somme totale de 5,23 milliards de FCFA. Elle est aussi poursuivie pour complicité de corruption, blanchiment de capitaux dont le montant avoisine 5 milliards de FCFA.

Dénonciations et interconnexions

D’après le juge d’instruction, l’affaire a été déclenchée à partir d’un rapport de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) qui a signalé que, dans la période allant de 2009 à 2015, l’ex-Mindef et son épouse, assistante administrative chez l’électricien Eneo, se sont fait ouvrir plusieurs comptes dans différents établissements de crédit. Lesquels ont enregistré de nombreux mouvements de fonds sans lien avec les revenus de leurs activités respectives.

Selon l’ordonnance de renvoi, « une partie de ces sommes d’argent proviendrait des rétro-commissions versées par la société Mag Force International, une entreprise de droit français ayant son siège social à Saint Denis 93300 Aubervilliers, Paris, dont Robert Franchetti a été le principal dirigeant jusqu’en novembre 2014, date à laquelle François Gontier lui a succédé à la tête de cette structure ». À l’aide de cet argent, Mebe Ngo’o et son épouse auraient acquis d’importants biens mobiliers et immobiliers tant au Cameroun qu’à l’étranger.

Toujours selon la même source, au ministère de la Défense en particulier, sur la dizaine de milliards de FCFA inscrite au budget dans le cadre des crédits alloués à l’organisation de la fête nationale du 20-Mai, la moitié était affectée à l’achat des effets d’habillement militaires, notamment des bérets, des uniformes de travail et de cérémonie, des rangers et autres, tandis que l’autre moitié, débloquée en espèces auprès de la paierie générale du Trésor, était consacrée essentiellement au versement des primes en faveur des participants au défilé et aux repas de corps apprêtés par la société Limousine Prestige Services Sarl dont dame Mbe Ngo’o est la promotrice.

Société chinoise

S’agissant du mémorandum d’entente conclu le 12 janvier 2011 entre le ministère de la Défense et la société chinoise, Poly Technologies Inc, il s’est agi d’une convention à travers laquelle la République populaire de Chine a équipé en matériels les armées de terre, air, mer, le corps national des sapeurs-pompiers et la gendarmerie, sur la base des besoins préalablement exprimés par chaque composante.

À la suite de ce mémorandum d’entente, un contrat commercial a été précédé de plusieurs phases de négociations au cours desquelles des responsables de la société chinoise ont offert « d’énormes libéralités et des cadeaux aux représentants de la partie camerounaise » dont Edgard Alain Mebe Ngo’o, selon le juge d’instruction.

Sur ce point, il est reproché à Edgard Alain Mebe Ngo’o d’avoir passé plusieurs marchés à Poly Technologies pour la fourniture de matériels « truffés d’irrégularités ». Notamment : la passation d’un marché sans avoir qualité pour le faire ou sans avoir reçu délégation à cet effet ; le fractionnement des marchés et l’inobservation des dispositions régissant la passation, l’exécution et le contrôle des marchés publics.

Pour tous ces chefs d’accusation, le couple Mebe Noo’o a chaque fois nié les faits rapportés par le juge d’instruction. Le procès proprement dit, lui, peut désormais s’ouvrir.

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